Mon amour,
Il fait beau et froid aujourd’hui, le temps parfait pour que cette nouvelle vie qui nous attendait commence. Tout à l’heure, je me suis dit que si tu étais encore vivant, ce serait sûrement le moment où tu m’aurais rejointe ici, j’ai repensé aux étapes qu’on avait planifiées, d’abord un petit appartement pour le chat et pour moi, et puis tu serais venu, on aurait loué une maison le temps de trouver la notre. Il n’y aura rien de tout ça, demain tout ça sera parti avec toi depuis 7 mois. Je lis ici des déclarations d’amour magnifiques, et moi, je suis immensément triste de ne pas pouvoir t’écrire quelque chose de beau. Parce que je t’aime et à la fois je te déteste de m’avoir donné tout cet amour pour qu’il me soit arraché. Parce que les souvenirs magiques se mêlent encore trop à l’horreur de te voir mourir et de te voir mort. Parce qu’on ne peut pas mourir comme ça à 28 ans, on peut avoir un accident, on peut se battre des mois contre la maladie, mais est-ce qu’on meurt en à peine 3 semaines, sans aucun vrai signe pour annoncer le désastre, et au moment précis où tous les projets vont se réaliser ?
Je n’y arrive pas Tom, je n’y arrive plus. J’ai toujours cru qu’en m’accrochant, un jour tout irait bien. Mais c’était faux, on n’a pas de contrôle sur le hasard. Quand j’étais petite et que tout allait si mal, je rêvais d’un Prince Charmant qui viendrait me sauver, avec qui j’aurais enfin le droit au bonheur. Je t’ai cherché longtemps, je me suis cassé les dents et laissé brisé le cœur, et puis je t’ai trouvé. Enfin, toi tu m’as trouvée, tu as tenu bon jusqu’à ce que je te fasse une place, jusqu’à ce que je comprenne. Et ça a été une évidence, malgré les questions, malgré les épreuves, on a tenu bon ensemble. Tu avais grandi et moi j’étais devenue plus forte. En 3 ans seulement, alors imagine toute une vie ensemble… Je veux dire une vraie vie, pas juste tes 28 ans, une vie qui s’arrête quand on est bien vieux et fatigués d’avoir vécu…
Mais toi tu es mort et moi je me sens morte, c’est un tel gâchis. Tu me manques tellement mon amour. Je voudrais tellement que tu m’appelles encore en plein après-midi alors que j’essaie de travailler, je voudrais passer des heures à regarder des photos de maisons en pierre comme on en rêvait, je voudrais t’entendre rire, je voudrais t’entendre râler. J’en crève de l’absence de toi, je ne suis plus qu’un corps inhabité, et encore, un corps qui manque du tien, inutile et encombrant. Il parait que la vie est belle, qu’elle est sacrée, qu’elle mérite d’être vécue, qu’il me reste des belles choses à vivre. Super, mais moi, sans toi, je n’en veux pas de tout ça. Pas sans toi et surtout pas si tu ne peux pas vivre tout ça avec ou sans moi. Toi, si beau sans le savoir, toi qu’on ne pouvait qu’aimer, toi le subtil mélange de gentillesse, d’optimisme, de grognon, de force et de fragilité.
Qu’est-ce que tu me manques ! Je donnerai tout pour ne pas écrire tout ça à des inconnus et à moi, pour te le dire à toi les yeux dans les yeux. Mais demain, encore une fois, ce sera le 10, il sera 14h10, je me souviendrais que je suis arrivée 10 minutes trop tard à l’hôpital pour que tu ne meures pas seul avec des médecins. Ce sera encore un jour comme les autres pour tout le monde mais encore un autre jour d’enfer sans toi pour moi. Je t’aime mon amour, c’est l’enfer mais je continue de t’aimer.