Bonjour,
Plus d'un an a passé maintenant.
Souvenez-vous de ce travail de deuil défini par C. Fauré : sans cesse faire ressortir les souvenirs, en parler, les exprimer ... et avec eux, faire apparaître l'émotion liée. Ces fameuses crises de larmes de début de deuil (pas que début d'ailleurs !) dès que la pensée se tournait vers l'amour disparu.
Avec pour objectif d'accompagner le processus de deuil par un travail de sape des émotions : tant et tant répétées qu'alors, elles finiraient par s'user !
Les souvenirs eux aussi ramenés en surface, restent par contre bien ancrés en nous, mais, en partie détachés de l'émotion qu'ils faisaient naître, ils deviennent dans un premier temps acceptables, puis doux !
Et il prend, rappelez-vous l'exemple d'un livre émotionnellement fort, si fort même que les larmes coulent en le lisant.
Ce livre, lu, relu, garde toujours sa belle histoire si émouvante, rien n'y a été changé, pas même une virgule et pourtant, il ne génère plus chez nous que beauté, mais plus de trace de larmes : l'émotion a été apprivoisée !
Beau schéma d'évolution du processus qui nous conduit du drame au vivable !
Vision idéalisée du deuil ou réalité ?
Qu'en est-il pour moi, après plus d'un an de ce traitement, que je me suis infligé, jour après jour ?
Que sont devenus ces souvenirs si larmoyants, cette douleur lancinante, ces angoisses ou peurs si brutales ?
Et surtout, le rappel de ces souvenirs laisse-t-il de côté ces fameuses émotions négatives, si dures à vivre ?
Le schéma décrit a-t-il bien donné le résultat que j'attendais ?
J'ai hélas parfois la sensation que ce sont les souvenirs qui s'estompent et qu'il me faut souvent avoir des rappels étayés par des photos pour qu'ils acceptent de resurgir.
Tout semble s'être effacé de ma mémoire pour n'être plus qu'un vague flou, effrayant tant il donne la sensation d'un grand vide, d'une grande solitude : plus rien ni personne !
Les émotions demeurent mais ont évolué.
La violence désespérée s'est amoindrie, mais l'émotion est bien présente et pas forcément douce.
Le point le plus important pour moi est le facteur de déclenchement de ces émotions qui s'est déplacé.
Avant, la réaction était simple sinon basique : une photo, un propos, un souvenir générait une émotion qui ne pouvait guère se maîtriser.
Maintenant, c'est une sensation bizarre d'inversion du processus : une émotion parfois violente vient brusquement m'envahir sans trop de raisons ... et alors, le souvenir apparaît !
Même des activités qui auparavant étaient un facteur d'apport de calme déclenchent des émotions si fortes que les larmes jaillissent !
Jusqu'où faut-il donc pousser, poursuivre les souvenirs pour que les émotions se tarissent et ne viennent plus me hanter ?
Ce sentiment de culpabilité qui m'habitait et duquel j'avais dit un jour qu'il s'était transformé en regret revient lui aussi au galop !
Pourquoi, alors que le temps a passé, ce sentiment si blessant, rongeant réapparaît-il maintenant, comme si le pardon était impossible ?
Crier, demander pardon ?
Mais de quoi et à qui, si plus personne n'est là pour entendre ?
Le vide !
Rien ne vient calmer en écho cette douloureuse culpabilité nourrie par la mort : n'avoir pas su, n'avoir rien dit, avoir été impuissant pour justifier la confiance accordée ...
Pourquoi tout resurgit-il ?
Yohann