Bonjour Fabien,
Je vous ai déjà écrit après votre premier message de détresse.Je vous ai raconté que j'ai perdu mon mari adoré, foudroyé en pleine rue par un malaise cardiaque quelques jours avant Noël...! Je me suis aussi demandée comment j'allais survivre...Nous étions un couple très fusionnel. Nous faisions absolument TOUT ensemble ( sport, chorale, balades...). Nous avons vécu 24 ans de bonheur absolu dans l'harmonie la plus parfaite...
Au début, je me disais que nous avions été les deux pièces d'un puzzle...Et que fait-on lorsque l'on perd un pièce d'un puzzle ? Eh bien , il n'y a plus qu'à jeter l'autre...! Je me suis retrouvée seule dans notre grande maison, mais, étonnament, je n'ai jamais eu envie de déménager. Au contraire; c'est là que je me sentais bien; c'est là que je sentais la présence de l'homme que j'avais tant aimé...
Contrairement à vous, je n'ai plus de petits enfants. J'ai un fils de 29 ans ( qui a un appart à lui) et une fille de 21 ans, qui vit encore avec moi, mais tout en vivant sa vie avec son ami.Je me suis donc sentie assez livrée à moi-même, car ma fille n'a jamais vraiment laissé exploser son chagrin et lorsqu'elle me voyait malheureuse, elle préférait fuir plutôt que d'essayer de me consoler...
Quelquefois, lorsque je repense aux débuts de mon veuvage, je me demande comment j'ai fait pour avancer... J'ai repris le travail très rapidement. Je suis enseignante et j'ai repris dès la rentrée de janvier. Mon travail m'a fait énormément de bien. Disons que ça m'occupait l'esprit. Je voyais des collègues; j'avais du travail scolaire à préparer...Bref, mes journées étaient occupées... Mais il y avait les soirées, le retour chez moi dans ma maison vide, les souvenirs qui m'assaillaient de partout, les petites choses de mon mari qui traînaient partout à la maison ; son bureau que j'avais laissé tel qu'il l'avait laissé...Parfois, je tournais dans ma maison comme un fauve...Alors je prenais un cachet pour dormir et le lendemain je me disais:" Ouf!Encore une nuit de plus de passée...!"Je ne me suis jamais isolée. J'avais la chance d'être très entourée par énormément d'amis. Je sortais; j'acceptais les invitations, tout en étant bien consciente que je faisais tout cela "par défaut"...J'avais l'impression que quelque chose en moi était mort à tout jamais...Je me suis aussi fait aider par d'excellents thérapeuthes: une réflexologue-énergéticienne; un homéopathe; mon médecin...Tous ces gens m'ont énormément aidée...Oh! je sais, le chemin est encore long, mais je sais qu'irrémédiablement, j'avance...Cet été, je suis partie faire du bénévolat en Afrique et j'en suis revenue transformée...Bon,maintenant que je suis de retour, plein de souvenirs remontent à la surface, mais je les accepte différemment...Je sais que si j'ai pu partir en Afrique seule, c'est que je suis encore capable de faire d'autres choses seule...Je sais que pour vous, les choses ne sont pas comparables. D'abord, vous êtes un homme ( et les problèmes d'organisation ménagères sont sûrement plus compliquées que pour une femme), et puis vous avez votre petite fille. Mais c'est elle qui va vous aider à avancer...Je suis sûre que vous savez que votre épouse souhaite que vous vous occupiez vous-même de ce petit être ...Et vous saurez le faire, j'en suis convaincue...Comme je vous l'ai déjà dit dans mon premier mail, nous avons tous en nous des forces insoupçonnées...Il faut s'accrocher, croire en soi; se persuader que si l'on est là, c'est qu'on a encore une mission à remplir...Même si souvent pourtant, on trouve que c'est tellement injuste...! Je vous souhaite beaucoup , beaucoup de courage...
Je vous embrasse , vous et votre petite fille...
Suzy