Parler de lui m'est si difficile. C'était un homme généreux avant tout, qui pensait principalement aux autres avant lui. Quand je l'ai connu, il me faisait toujours rire. il est devenu plus taciturne quand nous avons perdu notre fils, mais quand il a retrouvé sa joie de vivre quelques années plus tard, il est redevenu l'homme que j'avais connu, avec ses éclats de rire, ses grimaces, sa fidélité en amitié comme en amour.
Il me disait "je te trouve si belle, tu crois que les autres maris disent ça à leur femme après plus de 30 ans de vie commune ?". ça me faisait fondre. Il était nul en cuisine, ne sachant préparer que les pâtes au gruyère, mais par contre il adorait bien manger et aimait le bon vin. C'est lui qui a donné à notre fille l'envie de devenir oenologue. Comme il travaillait souvent le matin de 6 h à 12 h 30, il faisait beaucoup dans la maison l'après-midi. Invariablement, quand je rentrais le soir, il était devant "C dans l'Air" et je ralais car il ne me parlait pas beaucoup, intéressé par cette émission. Que j'aimerais râler encore tous les soirs, plutôt que de rentrer dans cette maison vide dans laquelle miaule notre chat,qui se retrouve seul également.
Comme j'adore voyager, j'organisais tous les 2 ou 3 ans un voyage à l'étranger, bien souvent avec des amis. Au début, il ne voulait jamais partir, et quand nous revenions, il avait adoré. Il y a deux ans, pour nos 30 ans de vie commune, nous sommes partis avec 8 amis à Bali. C'était merveilleux. Nous avons randonné sur l'Ile, faisant une incursion à Java pour aller jusqu'au volcan IJEN. Nous en avions des souvenirs inoubliables, nous étions si heureux.
Il était grand, brun, mat, encore mince à 57 ans, bref, même après plus de 30 ans, il me faisait toujours craquer. Je ne pouvais pas m’endormir sans m’être blottie tout contre lui, sentir l’odeur de sa peau. Ça me rassurait. Et maintenant, je ne peux m’endormir qu’avec des somnifères….
Je n’ai plus aujourd’hui aucune envie de partir ni en voyage, ni en vacances. Le plaisir de partir était le bonheur de partager avec lui. Comment partir seule, voir les autres en couple, rentrer seule le soir dans un gîte ou une chambre d’hôtel, sans pouvoir partager les sentiments de la journée, en discuter des heures, regarder les photos, croquer une aquarelle et avoir son avis après.
Ma fille est encore venue à la maison ce soir. Elle me prend en charge, j’en ai honte. Elle avait encore fait les courses, a préparé à manger et vient de repartir chez elle. Je pense qu’elle en a besoin aussi, mais j’ai peur de lui prendre sa jeunesse. Mais ça me fait tellement de bien de l’avoir à mes côtés le soir, de ne pas être seule à ruminer mon chagrin.
Nous avions une vie que l’on peut trouver banale, mais c’était notre vie, riche en sentiments partagés, en amour profond, en coups de gueule aussi, en amitié. C’était mon mari, et je l’aimais tant.
Bonne nuit à vous
Nathalie