Bonjour Claude,
Sans vraiment revenir en boucle, les moments de l'annonce de notre tragédie familiale ont inauguré une obsession en ma conscience ET en mon corps.
Je sens tout le temps mon coeur serré, contracté sur le poignard qui m'a traversée en apprenant "Kalahan est mort", Kalahan, le fils aîné de mon frère, 14 ans et demi, "Il s'est pendu, sa maman l'a r'trouvé au matin" ...
C'est mon père qui m'a dit ça au téléphone, vers les onze heures ...
Je sais que je ne m'en "sortirai" jamais, de ce choc, de ces sensations d'effroi absolu.
Et jusqu'à mon dernier souffle, je souffrirai dans un mélange d'épouvante et d'émerveillement pour la vie.
Cet enfant, il est venu d'on ne sait pas où, il est parti on ne sait pas où.
On a connu sa chair, ses rires, ses inquiétudes, ses rêves, ses tristesses ...
On a dû rendre son corps à la poussière, dans un déchirement sans fin.
La vie est généreuse et cruelle, en tous cas, nous ne savons rien.
Chaque jour est un effort d'orientation vers l'optimisme, ce choix, je le pose comme un acte.
Cela n'enlève rien au mal que j'endure, à la répétition infinie de ce choc en moi, écho ineffaçable.
Et je comprends que ton âme reste marquée au fer rouge, que ta douleur puisse revenir comme au moment initial de l'horrible nouvelle.
Ton témoignage nous parle beaucoup.