Auteur Sujet: COUP DE GUEULE  (Lu 15222 fois)

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Hors ligne Marina Saboya

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #15 le: 21 juin 2012 à 07:43:51 »
Une fois encore, nous sommes tous d’accord.
Que ce soit pour faire démarrer la tondeuse, vider le grenier, faire notre nouvelle déclaration d’impôt, parfois deux ou repasser le linge qui s’accumule, ce n’est pas tant la tâche qui épuise et démoralise, c’est le fait d’être seul(e), devant, à se demander par quel bout la prendre.

Oui, on finit par y arriver, souvent par la force des choses, mais que de stress et que de larmes en plus de la sueur !
C’est cela AUSSI, perdre son double. Ce n’est pas qu’affectif, comme souvent les gens le pensent. C’est sans doute parce qu’il limite cela à la perte sentimentale qu’ils en oublient de vraiment venir nous aider pour l’autre facette de cette perte : le quotidien.

Et puis, c’est tellement facile d’être « très occupés en ce moment », « tu n’imagines pas, mes enfants sont en plein examens », « je fais des travaux chez moi, c’est l’enfer », « çà tombe mal, mon patron m’a filé un dossier énorme à traiter en urgence », « tout le monde est en vacances, je suis seul(e) au magasin », « je me suis fait un tour de  rein au golf, ou au foot la semaine dernière », « on ne peut pas on a un week-end chez des amis, prévu de longue date »…

Bref, débrouilles toi tout(e) seul(e), chacun ses problèmes.

Ajoutons les enfants, jeunes, les ados révoltés ou trop silencieux, les parents pas très en forme, les beaux-parents déphasés…

C’est aussi le cela le deuil.

Alors pour surmonter tout cela, oui, il faut être surhumain, et quand on y parvient, quand on a trouvé des solutions, quand on a vidé sa maison de 7 pièces, trouvé du temps pour emmener papa à l’hôpital et de discuter avec les médecins, décoder le mode d’emploi du fer à repasser, remplacé la machine à laver et affronter la déchetterie, oui, nous sommes des super men et des wonder women…

Mais que d’énergie et de fatigue !

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Benedicte

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #16 le: 21 juin 2012 à 09:02:10 »
Marina,

C'est exactement cela, ta déscription est juste.

Pour ma part j'aimais faire toute ces choses : cuisine, pelouse, taille de haie, bricolage......... et j'en passe. Maintenant c'est devenu des obligations. Pourquoi?

Notre duo n'est plus, toutes ces choses étaient notre vie à deux. Depuis quelque semaines je me dit, qu'il était mon énergie, la machine est toujours là, mais elle fonctionne au ralenti.

J'aime prendre cet exemple, car je me dit, une machine au ralenti n'est pas complétement inutile. Un jour viendra qu'elle retrouvera de l'énergie (petit-enfant ;) ;) ;) ;)). C'est un peu infantile mais actuellement c'est comme cela.

Hors ligne Marina Saboya

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #17 le: 24 juillet 2012 à 10:42:20 »
24 juillet 2012.

Dimanche, cela a donc fait 2 ans que mon Pierre est parti.
Vous êtes nombreux à m'avoir envoyer un mot, une pensée et ce fut doux. Je vous en remercie encore du fond du coeur.

Je n’attendais rien de cette journée, ni d’être « mieux », ni plus malheureuse que la veille ou le lendemain. Mais je dois l’avouer, inconsciemment, j’ai été fébrile et à fleur de peau. Tandis que je m'y refusais énergiquement, j'ai quand même revécu ces heures épouvantables de juillet 2010. A force d'y penser, et d'y repenser, je les intègre à mon livre de souvenirs et elles me brûlent encore mais ne m'anéantissent plus.

Ce dimanche de 2012, le soleil était présent enfin, et le jardin resplendissait. J’étais contente, je sais qu’il l’est aussi quand il voit sa maison et son jardin. Je sais aussi qu’il est tout indulgence et que si je fais mal ce qu’il aurait fait bien, il me sourit en se disant, ce sera mieux la prochaine fois. Il n’était déjà qu’Amour ici bas, avec nous, alors là où il est maintenant !!!!!!!!!
Ma sœur et mon beau-frère chéris sont venus déjeuner et papoter un peu avec nous sur la terrasse. Comme d’habitude, quelques soient leurs projets, leurs obligations, je peux compter sur eux les jours où… et cela depuis que la maladie c’est glissée sournoisement et méchamment dans notre foyer.

Mais de nouvelles des autres membres de la famille, point. Mon frère et sa femme, ma nièce de 18 ans qui m’appelle sans cesse pour me demander ceci ou cela, les sœurs de Pierre et leurs filles, largement adultes, mamans et responsables… Le silence.

2 ans à peine pour « oublier » ?
Les grandes phrases au pied de son cercueil : « Nous ne t’oublierons jamais. »
Les larmes et les sanglots.
Les « Tu peux compter sur nous ».

Mais Pierre mérite bien mieux que cela, c’est un grand homme, un bel homme, une âme exceptionnelle, une bonté, une générosité, une intelligence, une sagesse, une folie, un sourire, un rire irrésistibles, il savait tout faire, il savait tout sur tout, la nature, la photo, les étoiles, les lois de la physique, les mélanges chimiques, l’architecture (son métier), il peignait des aquarelles, écrivait des poèmes … chaque jour j’apprenais quelque chose avec lui, il était modeste de ses connaissances, il était… mon Pierre. Il rendait service à tout le monde, répondait au moindre appel de détresse ou d’aide.

2 ans à peine pour « oublier ».

Dans la solitude de cette soirée du 22 juillet, la colère est montée en moi.
Alors, devant mon clavier, j’ai écrit des brefs et secs messages à tout ce « vilain » monde qui m’avait tant déçu. Pas question que j’en reste là.

Et la journée d’hier, j’ai attendu et le temps passant, la déception c’est faite encore plus grande et c’est cette attitude qui m’a fait verser le plus de larmes, pas « l’anniversaire », mais l’indifférence.

Enfin, une réponse.
La femme de mon frère s’empêtre dans des excuses et finit pas admettre qu’elle a été nulle et regrette de m’avoir fait de la peine. Mea Culpa. Je prends, car elle est sincère.
Un peu plus tard, mon frère me fait une belle déclaration pleine de tendresse et de remords et nous pleurons ensemble au téléphone. Je prends parce que je l’aime.
Ma nièce de 18 ans me fait croire qu’elle a cherché à me joindre, en vain. Comme on sait mal mentir à 18 ans !
Le pompon, la sœur ainée de Pierre : « Chère Marina, nous pensons très fort à toi en ces jours difficiles. Nous rentrons d’un voyage en Espagne, ce fut formidable… magnifique… Bien reposés… en pleine forme… En août nous comptons faire… »

Mon pauvre Pierre. Il va falloir vous contenter de peu.

Tous cela pour dire que la mémoire des « autres » a une bien faible capacité.
Alors gardons notre amour et notre tendresse pour ceux qui le méritent et méprisons les « petits » qui ne font que nous blesser un peu plus. 

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Pervenche

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #18 le: 24 juillet 2012 à 11:40:49 »
Bonjour Marina,

Nous ne nous sommes jamais encore parlées. Je me suis inscrite il y a peu mais partout ici tu es citée en exemple pour ton réconfort auprès de nous.

Deux ans, c'était hier, pour toi. Pour les autres pour qui Pierre n'était pas le quotidien, c'est un peu plus loin dans le temps. Le temps ne s'écoule pas de la même manière pour tout le monde...

Tout ce qui faisait nos jours et nos nuits avec nos bienaimés, n'étaient qu'à nous. Pour nous, c'est chaque chose de notre quotidien qui est bouleversée.

Jamais avant de vivre la perte de mon amour, je n'aurais imaginé rien qu'une seconde ce que cela représentait de perdre sa moitié. Ou alors j'y aurais pensé, comme ça, j'aurais compati et puis serais certainement retournée à ma vie, tout en ayant de la peine pour la personne. J'aurais été reprise par les problèmes du travail, des enfants, de la famille, de la maison...

Aujourd'hui, je vois les choses différemment, plus à fleur de peau, car je le vis.

Les gens qui me revoient pour la première fois depuis le décès de Bruno et qui font comme si de rien n'était. Ceux qui sont maladroits, la famille qui ne prononce plus son nom, qui parle de tout de rien, sans allusion à son existence.

J'ai de la peine pour eux, ils ne savent pas comment agir avec nous : en parler ? ne pas en parler ? est ce vraiment de l'indifférence ? de la gêne ? peur de remuer le couteau dans la plaie ? un moyen de se protéger contre la souffrance ?

Oui, nous faisons du tri et celui là est bien sélectif ! Il y a ceux qui font partie du décors, ceux qu'on ne veut plus voir, et quelques uns qui nous restent vraiment proches.

Merci Marina, pour ce coup de gueule ! tu as raison ça fait du bien : n'as tu pas écrit que tu préférais un coup de gueule à une crise de larme... quoi que l'un n'empêche malheureusement pas l'autre !

Courage Marina, ton Pierre a  ce qu'il y a de plus beau : ton amour, et aujourd'hui par delà les nuages de la vie. Qu'importe ces autres !

Il est en toi, pour toujours. Il est ton Pierre.

Bien à toi,
Claire




Hors ligne Marina Saboya

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #19 le: 24 juillet 2012 à 11:57:37 »
Oui, Claire, tu as raison et ton message est aussi sage, que joli et gentil.

Une amie vient de passer et m’a demandé… comment j’allais. Je lui ai raconté mon coup de gueule et elle m’a exactement répondu ce que tu viens d’écrire : pudeur, gène et égoïsme.

Oui, je peux le comprendre bien que moi, je sois restée attentive avec ceux qui ont eu besoin de moi un jour. Aider c’est bien, maintenir la « surveillance », l’attention, le réconfort, c’est mieux. Mes parents m’ont appris cela très tôt. Et quand j’ai failli, je me suis senti mal très mal, et honteuse.

C’est vrai pour « eux », deux ans c’est une éternité, pour eux qui ont déjà rangé « cela » dans le passé, ils n’imaginent pas que c’est encore et pour longtemps notre quotidien. Mais l’amour là dedans ? L’amour pour un frère ? Un oncle ? L’amour aussi se range dans un coin ?

J’ai découvert un sentiment inattendu depuis le départ de Pierre, j’ai peur justement qu’on l’oubli, qu’il disparaisse des pensées comme son corps de ce monde, qu’on se dise un jour : « Mais si, tu sais, ce cousin, qui faisait de la peinture, je crois qu’il était architecte ? Ah, bin oui, c’est mon frère. Il est mort dans les années 2010 quelque chose comme cela. »

L’oubli est encore pire que la mort.
Et à cette vitesse là, il n’existera plus pour personne quand moi je serais morte. Alors je mets mon énergie à le faire vivre encore et encore.

Oui, il est en moi, pour toujours. Il est mon Pierre.

Merci Claire.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Pervenche

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Re : COUP DE GUEULE
« Réponse #20 le: 24 juillet 2012 à 12:18:57 »
Marina,

Dans l' Egypte antique, ne plus prononcer le nom d'un défunt, supprimer son nom des tablettes, des statues était un déni de son existence. C'est pourquoi, pour protéger leurs morts, les proches "cachaient" le nom dans les tombeaux royaux pour qu'ils ne soient pas oubliés.

Il y a une légende qui raconte qu'il suffit qu'une personne pense au défunt pour qu'elle continue d'exister.

Alors, continue à penser à ton Pierre, parce qu'il vit en toi, autour de toi.

A notre mort, d'autres penseront à nous, même si c'est épisodiquement, et alors, tout ce que nous avons "emmagasiné", continuera... ton Pierre, mon Bruno et tous ceux qui ont disparu et nous sont chers...

Je n'ai pas de réponse pour tes interrogations en ce qui concerne l'amour pour un frère, un oncle...
je sais que chacun ressens des choses différemment. Certains aiment. D'autres non. Certains "rangent dans un coin" pour ne pas continuer à souffrir. D'autres non. Pour d'autres encore, ils n'ont pas le "tiroir" amour, tout simplement. Nous ne pouvons pas les changer. Mais nous ne sommes pas obligés d'accepter.

Que l'on croit en un Dieu ou en autre chose, la vie est une continuité. Peut importe qu'on laisse une trace ou non. L'important, c'est l'amour reçu et donné. Je crois que c'est ce que tu fais et c'est beau.


"Et quand j’ai failli, je me suis senti mal très mal, et honteuse."
Il n'y a pas de quoi te sentir honteuse. Nous ne sommes que des êtres humains...
Nous avons nos faiblesses, c'est normal.

Courage, Marina, tu es sur la bonne voie, j'en suis certaine.
Claire