Merci Chantal, à te lire, j’éprouve le besoin de raconter…
22 mois et 3 jours. 25 mai 2012
Aujourd’hui je reprends le récit de mon chemin, (dont j’ai relaté le début dans le fil « Racontons notre histoire ») car ces dernières étapes (j’entends par là, la plus récente, car je sais bien qu’il y en aura bien d’autres), ces dernières étapes donc m’ont parues très importantes. Je n’en sors pas vraiment rassérénée, mais disons, avec un plus, peut-être une richesse douloureuse, mais une richesse.
Je ne saurais vraiment dire quand je m’en suis rendue compte, mais un matin, je me suis éveillée sereine. Il me semblait là, très proche, plus que proche. En réalité, je m’étonnais de me sentir plutôt bien. Et très vite, j’ai ressentie cette douceur de l’avoir avec moi, 100% du temps.
Extrait de mon « Journal » :
Je suis toujours en haut de la vague, ou plutôt, dans une eau calme et tiède, un peu comme un fœtus dans le ventre de sa mère. Pas de larmes, pas trop de manque et pourtant, vous, sans cesse, là.
Oserais-je avouer que j’ai l’impression de m’habituer, que le manque se transforme en souvenirs. Enfin, je ne sais pas vraiment comment l’exprimer mais, en ce moment, je ressens un changement intérieur, comme si … j’acceptais, enfin.
Est-ce possible d’accepter ? Est-ce encore un leurre ? Vais-je tomber de plus haut encore, si possible ?
Est-ce acceptable d’accepter ?
En revanche l’avenir me fait toujours très peur sans vous. Je n’ai pas la sensation de reprendre ma route sans vous, je ressens plutôt, comment dire, une certaine paix à l’instant immédiat, mais une grande incapacité à voir au-delà de l’immédiat.Tout au long de ces 3 mois – de janvier à mars – j’ai eu quelques angoisses de le perdre, mais non. Comment expliquer cette sensation ? Un seul corps, le mien, une seule décisionnaire, moi, mais deux à penser, réfléchir, choisir, admirer, sourire, retrouver les couleurs du monde, apprécier la musique et la douceur du pelage de nos chats. Des questions dans ma tête ? Il va m’aider à y répondre ou à trouver seule la réponse. Il jouit de la vie avec moi, dans mon corps en vie, s’inquiète de ma fatigue et de ma santé. J’ai des flashs comme s’il me parlait, sans raison soudaine, je réponds à haute voix : Oui, je sais, vous avez raison.
Il est là.
La nature humaine étant exigeante, j’en voudrais plus encore, le voir, le toucher, le sentir, me glisser dans ses bras. Je tends la main espérant qu’il va la prendre, je tourne la tête espérant l’apercevoir, mais non, il est EN MOI.
J’ai raconté cette sensation sur le forum, plusieurs fois.
Oui, on peut envisager que je me rapproche de la camisole de force. Mais moi, ce que j’y vois, c’est une grande douceur, une plénitude comme l’exprime Bénédicte et une reprise de confiance.
Pendant cette période j’ai entrepris plein de choses, attaqué des travaux, et … fait des projets.
J’ai commencé la rédaction de notre histoire. Mon esprit s’est senti allégé, clair. J’ai retrouvé un sommeil réparateur. Les larmes n’étaient plus de chagrin, mais de tendresse. C’est sans doute pour cela que j’ai beaucoup écrit sur le forum, pour tenter de communiquer espoir et courage à ceux qui étaient si démunis et si profondément meurtris.
Bien sûr, on reste fragile, rien n’est vraiment résolu, tout est toujours inquiétant et parfois, l’absence physique est si douloureuse que le chagrin prend le dessus, mais la « consolation » de l’avoir là, au fond de soi apaise.
Extrait de mon « Journal » : 20 mars 2012
Je pense à vous encore et encore, mais en souriant. Tout ce qui est beau me fait penser à vous. Mais à présent, je ressens du bonheur en pensant à vous. Exit cet uppercut en plein estomac, cette montée de sanglots qui me broie la gorge, cet afflux de larmes qui trouble jusqu’à mon cerveau, noyée dans le chagrin. Non, je ne sais pas depuis quand, je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas jusqu’à quand, mais je suis bien. Je pense à vous en souriant.
S’il me faut analyser, je dirais que le manque reste intact : comment m’habituer à ne pas vous toucher, vous caresser, vous étreindre, vous embrasser ? Comment ne pas ressentir un vide dans notre grand lit quand je cherche vos pieds avec le mien, votre main pour y glisser la mienne ? Non, l’absence physique reste insupportable. Mais dans ma tête… Comme me l’a rappelé Karine, sur le forum, je crois que j’ai atteint un cap, un cap essentiel. J’ai admis que je ne vous reverrais pas ici, sur cette terre, et j’ai établis une nouvelle relation avec vous. Cela a muri, lentement et difficilement, mais cela en valait la peine. Et ce qui me fait du bien, c’est que dans ce nouvel état, vous êtes omniprésent, là à chaque instant, à chaque seconde, dans ma vie, dans mes pensées. Je ne serais plus jamais seule.
Peut-être est-ce ce moment de forte température qui m’a ouvert les yeux ; enfin, non, pas ouvert les yeux, car en réalité, j’ai si peur de replonger dans la douleur et le chagrin que je ne veux pas ouvrir les yeux, je veux rester ainsi : vous et moi, vous si proche, presque en moi, une osmose parfaite et pourtant, chacun de nous garde son libre arbitre, comme lorsque nous discutions sans fin sur tous les sujets de la vie. Je suis sure que je suis capable de me mettre sur la terrasse, au soleil, avec un café et une cigarette et de nouveau refaire le monde avec vous ! Il y aurait maints échanges que je peux deviner tant nous nous connaissons, mais ce qui est étrange et délicieux, c’est que me viendrait en tête des propos nouveaux de votre part, comme si vous étiez là pour me répondre.
Quelque part, je culpabiliserais presque d’avoir acquis de la sérénité au bout de si peu de temps. 20 mois dans 2 jours. Mais je dois avouer que je savoure ce calme pleinement. La tempête a été si dure, si éprouvante, si douloureuse. Et je redoute tellement qu’elle ne revienne tout balayer d’une vague de fond inattendue.
Je sais que vous êtes aussi heureux que je sois enfin apaisée, vous me soutenez à bouts de bras et la tâche n’est pas facile pour vous. Là encore, c’est notre Amour qui aura vaincu ces épreuves. Vous et moi.
Pour demain, on verra.
Je vis aujourd’hui, uniquement aujourd’hui, mais demain ne me fait plus peur, s’il est comme aujourd’hui.Aujourd’hui, j’accepte l’idée d’avoir franchi une nouvelle étape.
Cela n’a pas été facile. Car après cette douce euphorie de trois mois, presque de nouveau en couple, vous vous êtes soudain, doucement évaporé, comme ces brouillards de fin d’été posés sur une terre chaude par une température soudain plus fraiche et qui s’effilochent au fil de la matinée.
Et les questions sont revenues : Pourquoi ? Pour où ? Pour combien de temps ? L’angoisse est revenue, le chagrin est revenu, la peur, la solitude, le sentiment d’abandon et avec tout cela la susceptibilité, l’agressivité.
Extrait de mon « Journal » : 7 avril 2012
Je me sens très proche de vous et spleeneuse. Le gris reprend le dessus sur les couleurs de mon monde. Peu à peu, insidieusement, je sens que ma presque sérénité qui me semblait étrangement précoce s’effiloche. Je lutte, repousse dans ma tête tout ce qui peut de nouveau m’entrainer vers le fond, je ravale mes larmes dès la première montée.
C’était clair que cette période de calme et de semi-acceptation ne serait pas définitive. Cependant, elle m’a permis de connaitre une pause, l’importance étant aussi de savoir qu’elles peuvent exister ces pauses, et que ces moments sont doux et indispensable pour reprendre son souffle.Avec le fol espoir de retrouver cette plénitude de ces derniers mois, je me suis jetée à corps perdu dans nos souvenirs, notre vie, photos, voyages… Mais non. Rien. Plus là. Plus de son, plus d’image. Plus de « signes » même. Le silence et la solitude.
De nouveau des mauvaises nuits, de nouveau la fatigue, le manque d’entrain.
Je me plonge dans les lectures ésotériques, ai-je vécu une expérience ? Me suis-je fourvoyée, inventée un « moyen terme » à ma convenance ?
Extrait de mon « Journal » : 17 avril 2012
La mort, la souffrance, la douleur deviennent mon quotidien. Je ne sais pas, ou plutôt, je me doute que cela n’est pas très bon. Je lis essentiellement des livres sur le même sujet et recherche tout ce qui s’en approche sur internet.
La mort.
Nous étions si « vivants ».
Je suis bien morte avec vous ce 22 juillet 2010, comme je l’ai tant souhaité. Sauf que j’ai continué de respirer.
La Marina d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle qui a vécu avec vous.
C’est vrai que tout cela me torture, que je ne peux me sortir de l’esprit votre image, que je ne peux pas penser à autre chose. Tout au long des heures qui s’écoulent, je me suis habituée à vivre ainsi, avec vous en double, vous en calque. Et puis, à un moment, l’absence se fait intolérable, le besoin de vous, brutal, exigeant, un besoin quasi vital. Alors, la plus part du temps, je fuis, je cours, je m’échappe pour prendre la douleur de vitesse, la semer, la planter là et reprendre le cours de ma survie. Parfois, je m’y plonge, tête la première, je me blesse, je me meurtrie, je gratte, arrache, triture jusqu’à me faire saigner le cœur à blanc. Extrait de mon « Journal » : 27 avril 2012
Avez-vous l’impression, après 21 mois d’avoir rempli votre mission ? Celle de me rendre « indépendante », responsable, capable d’avancer sans vous ? Voulez vous de votre coté reprendre votre liberté ?
Je ne crois pas être prête, sans vous, je fais chaque jour des bêtises, gâche mon temps et notre argent, me pose mille questions sur comment, quand et avec qui. Oui, je cherche dans ma mémoire, qu’aurait fait Pierre ? Et je tente de faire ce que je crois bien. Mais ce n’est pas facile et un mot m’aiderait bien, encore…
Mais si cela doit être comme cela, maintenant, j’en accepte les nouvelles règles.
Curieusement cette idée ne m’affole pas. Enfin, pas trop. Du moment que vous êtes là et que moi, je peux vous parler. Non, je crois que même si vous ne communiquez plus avec moi, vous avez toujours un œil sur moi et que si je vous appelle au secours, vous serez là, aussitôt, toute ma vie, jusqu’à ce que nous nous retrouvions.En réalité, c’est un peu du bourrage de crâne car c’est un nouveau cap difficile à passer.
Sur le forum, encore, j’ai lu plusieurs témoignages de personnes qui se disaient avoir senti l’obligation soudaine de « rendre sa liberté » à leur Amour disparu, un peu comme si la demande devenait pressente, « Il faut que j’y aille maintenant, tu peux continuer seul(e) ».
Extrait de mon « Journal » : 2 mai 2012
Le deuil est un animal sauvage.
Peu à peu, avec mille précautions, avec une infinie patience, avec de la volonté, de la pugnacité, on finit par l’apprivoiser. On accepte sa violence, sa domination, sa brutalité, sa cruauté et peu à peu, il s’adoucit, se calme, se fait presque oublier et on l’entendrait même ronronner…
Il vit avec nous, en nous.
Mais il reste un animal sauvage.
Soudain, à la moindre faiblesse, il attaque et vous mord cruellement.
Retour au point zéro.
Connaitre son ennemi, pour mieux le dominer.
Et ne pas baisser les bras.
Longtemps que je n’avais pas tant pleuré.
Longtemps que je n’avais pas tant souffert de votre absence, de votre silence, de votre abandon.
Je vous en voudrais presque, me disant que là où vous êtes, vous baignez dans l’Amour absolu et vous me laisser dans la détresse et le désespoir.
Pourquoi ?Extrait de mon « Journal » : 10 mai 2012
Parti. Disparu. Ailleurs.
Sans vous la vie est à peine supportable. A peine. Je la vis parce qu’on me l’impose.
Je m’étais sans doute inventé une petite douceur pour me pousser à continuer : Vous dans un monde merveilleux de lumière d’Amour, avec ceux que vous avez aimés et qui vous ont accueilli, avec tout ce qui peux vous rendre heureux. Pas de mal, de douleur, de souffrance, de stress… Et vous quand même avec un regard sur moi, jamais trop loin, toujours attentif, me permettant de ressentit votre amour à travers les limbes qui nous séparent.
C’était loin d’être parfait, mais jouable.
Ce nouvel état m’a fait replonger dans le noir. Certes, il y a quand même l’habitude de ne pas vous croiser dans le jardin ou au détour d’un couloir. Il y a votre place vide dans le salon, à table ou notre lit, je le sais maintenant. Il y a ce que j’ai appris à faire, parce que vous n’êtes plus là pour le faire. Toutes ces choses qui vous appuient sur la tête lorsque la personne que vous aimez le plus au monde disparait.
Il me reste l’absence, le vide, le manque de vous, le toucher, l’odorat, la douceur de votre regard, de vos baisers, la tendresse de vos étreintes… Vous.
Vous, virtuel, c’était mieux que pas de vous du tout.
Aujourd’hui, rien, ni vous physiquement, ni vous virtuellement.Aujourd’hui, je commence à « accepter » ce nouvel état. Je suis vraiment seule pour reprendre le chemin, mais j’ai encore acquis une richesse et quelques certitudes : Ils ne sont pas loin, mais ils doivent être libres. Libres de partir ou de rester et peut-être de revenir ? Qui sait ?
Une fois encore, je me livre très intimement à vous, en copiant notamment des extraits de mes textes écrits « à chaud ». Ils me semblent refléter exactement mes sentiments à l’instant de leur rédaction.
Si je me livre ainsi, c’est simplement pour apporter mon témoignage, pour que ceux qui l’attendent puissent trouver un espoir, ceux qui le vivent sachent que l’on en sort, et ceux qui l’ont vécu ne pensent pas, comme je l’ai pensé, frôler l’hôpital psychiatrique.

Marina