Merci chère Qiguan d'avoir ouvert un fil sur ce sujet, comme toujours très juste dans l'écoute des besoins. Je le ressentais mais ne savais trop où l'exprimer à force de lire "ça ne change rien pour moi", ce qui est tout à fait légitime et entendable, mais pas le cas de tout le monde.
Je réagis à tout d'abord par le corps : violentes douleurs qui m'ont clouée au lit dès le premier jour du confinement. Mais bizarrement, les jours où je n'ai pas trop mal, je sens une force incroyable, comme si j'avais affronté quelque chose de tellement difficile que tout le reste était supportable, que je pourrais surmonter toutes les difficultés. Ça ne va pas forcément durer, tout est si mouvant. Je ne nie pas bien sûr la gravité de ce qui se passe, je compatis aux douleurs des proches des malades, aux deuils, je soutiens les personnels soignants. Je respecte scrupuleusement toutes les consignes. Certaines personnes que je connais ont été atteintes, des amis ont perdu un parent. Mais pour moi, le pire est déjà arrivé, j'ai perdu mon amoureux, alors je n'ai pas tellement peur. Que peut-il m'arriver de pire ? Nous réagissons tous tellement différemment. Une de mes amies, veuve depuis plus de quatre ans, est complètement terrorisée, ne dort plus, ne mange plus, désinfecte tout sur son passage, n'arrive plus à rien faire.
L'autre bizarrerie est d'être beaucoup moins seule que dans le deuil, car tout le monde vit la même chose et a envie de parager, que ce soit des informations, des blagues, des chansons... C'est illusoire, je sais, puisque j'ai connu l'éloignement et l'indifférence de tant de gens dans mon deuil. Mais le temps de cette crise, je me laisse aller à cette illusion.
Comme toi Qiguan, je ressens fortement l'impossibilité de partager ces événements avec mon chéri, discuter, analyser prendre du recul. Comme toi j'aimais cette confrontation, les surprises d'un point de vue différent du mien. Ce manque nous habitera à jamais.
Amitiés et douceur confinées à toutes et tous