Chère Pucinette,
Toi seule connait l'intensité de ton deuil !
Se sentir en deuil, profondément, nous isole des autres
qui ne se RENDENT PAS COMPTE !
Ou bien ne veulent PAS se rendre compte de la manière indélébile dont nous sommes impactés ...
Déjà les liens entre les vivants font l'affaire d'incompréhension, d'estimation approximative,
mais alors, que dire de ceux que les vivants entretiennent avec les morts !
Difficile de défendre notre LIEN avec un disparu ! Et surtout avec nos présumés proches, qui voudraient nous voir "tourner la page" d'un attachement douloureux !
C'est bizarre comme certaines personnes réagissent ... certains semblent nous en vouloir d'être tristes ... une manière de détourner l'impuissance, peut-être ... c'est difficile pour certains d'accéder à l'autre dans sa sensibilité ... à ce point-là de sensibilité meurtrie ... parler c'est délicat, c'est forcément maladroit, risqué ... ta maman sait bien qu'elle ne pourra pas te rendre ton amoureux ...
Pour ce qui est du deuil en tant que "sujet de conversation", il me semble que la coutume socialement adoptée soit que l'endeuillé l'aborde en premier ... mais ... à ses risques et périls, vu le peu d'empressement et d'intérêt à attendre ... enfin, d'après ce que personnellement j'ai reçu comme accueil ... la belle-famille, ils me regardaient comme une grosse égoïste parce que j'ai "pas d'enfants", mais quand je me suis amenée les yeux rouges à balbutier le suicide de mon neveu de 14 ans et demi, penses-tu que ça les ait touchés, pourtant, ils en ont, des gamins ! Évidemment, un suicide, ça arrive que chez les autres ! Bordel ! Tu penses que j'ferme ma gueule. Ô, les beaux rideaux, ô, vous avez été en vacances à Chypre, ô, vous avez eu un coup de soleil ! Il y a le superficiel et puis le profond, et on parle pas du profond avec tout le monde et pas n'importe où ...
Bien solidairement et tendrement, Martine.