Bonjour à tous,
J'ai envie d'écrire (alors je le fais) : heureuse de vous retrouver !
Compagnons d'infortune, avec de vrais prénoms ou d'autres plus improbables, vous m'avez accompagnés durant cette semaine de vacances. Vos mots me sont parfois revenus, dans les moments de solitude intérieure (grand repas de famille, soir au coucher, promenade seule sur la plage....).
Cette sorte de chaine virtuelle me donne confiance dans la vie et dans l'Homme (capable parfois de tant d’atrocités mais aussi de soutien vrai et désintéressé).
Comme vous, j'ai découvert les premières vacances en solo. Comme vous, j'ai réalisé que ce "solo" là est bien différent de celui de la personne célibataire ou de celle fraichement divorcée.
Quitter chez moi, c'était affronter la peur et une nouvelle culpabilité : la peur et la culpabilité de partir sans mon Amour, comme si dans mon esprit je lui devenais infidèle. Que faire ?
Aller dans un endroit qu'il ne connaissait pas et je culpabilise de voir de la beauté que nous ne pouvons partager, goûter des spécialités qu'il aurait aimées, parler de sujets qui l'auraient passionnés avec des personnes rencontrées ... vivre des moments un peu absurdes, qui obligent néanmoins à "grandir" dans le deuil : dormir pour la première fois de ma vie dans un lit king size... seule (et constater à quel point mon Amour aurait aimé cette chambre d'hôtes toute en élégance, comme il l'était). Diner pour la première fois, seule, à l'extérieur. Passer et repasser devant des restaurants et finir par choisir celui qui a une terrasse avec quelques petites tables rondes dans un coin (et pas seulement de grandes carrées, faites pour 2 ou 4). Réussir à répondre, avec le sourire même je crois, au serveur qui demande "Vous serez combien ?" , commander le plat du jour pour ne pas avoir de choix à faire (et ne pas penser aux échanges que nous aurions eu... à 2), manger en me demandant ce que je fais là et puis me souvenir de ce dicton que j'ai toujours trouvé un peu prétentieux "Ce qui ne tue pas rend plus fort". Donc voilà, un nouveau pas de fait... Tout comme me baigner, seule, et finalement m'y sentir bien (je me permets de recommander vivement l'expérience de se laisser porter par l'eau, en piscine ou à la mer, c'est incroyablement apaisant. Je me suis demandée si c'est parce que c'était tellement difficile d'avancer dans la vie, maintenant, sans avoir quelqu'un pour me porter, au sens figuré, que j'avais tant apprécié de me laisser porter, au sens propre). Pleurer toute les larmes de mon corps au moment de me coucher et constater que, quelque soit l'endroit, la douleur est aussi vive.
Aller dans un endroit qui nous était cher à tous les deux et culpabiliser de n'avoir pas ses mots, sa main, ses bras, pour marcher et découvrir à nouveau ensemble, croire entendre ses commentaires et son rire, re découvrir, les larmes dans les yeux, les lieux où, il n'y a pas si longtemps encore, nous avions dit, nous avions fait .... paniquer par moments, lorsque je m'aperçois que le doute s’immisce en moi : "Est-ce que c'était exactement là ? .... il avait fait une réflexion mais est-ce que c'était vraiment celle-là ?"
Peur aussi, d'aller vers les autres, ces inconnus, parce qu'à un moment donné il y a la question du statut : seule oui, mais pourquoi ? La réponse donnée, en peu de mots, pour ne pas plomber le moment, amène au choix : gêne, compassion, stupéfaction muette ... qui brise l'élan de la conversation. Être "veuve, veuf" c'est un peu comme porter la mort sur soi et, dans notre société aseptisée, où la mort est tellement tabou (mis à part dans les films d'action), la côtoyer même très indirectement, par mots, peut donner des craintes.
Je n'avais pas encore lu le poème de W. Blake (merci Lulu) quand, face à la mer, les larmes dans les yeux (nous étions profondément attirés, Philippe et moi, par l'eau : mer, rivières ...), en regardant les marins partir à la pêche, je me suis dit que j'étais bien ingrate : certes la mort m'a enlevé Philippe, bien trop rapidement et d'une manière atroce, mais nous avons eu la chance de vivre des moments d'une telle communion, de bonheur, d'insouciance où l'idée de la mort ne nous avait même pas effleurés, tant l'amour donne cette impression d'immortalité.
Dans le cœur et la tête des femmes de marins l'idée de la mort, l'angoisse, rodent à chaque sortie en mer par mauvais temps. Essayer de transformer le "Il nous a été donné si peu de temps à vivre ensemble notre amour" par "Quelle chance inouïe j'ai eu de vivre auprès de cet homme, le temps que la vie a bien voulu nous accorder". Pas toujours facile... mais apaisant quand c'est possible. Et me dire aussi, comme Zabou, Lageta, Lulu, Qiguan : "Qu'est-ce qu'il aurait aimé que je fasse, là, maintenant ?"
Mais je fais, comme vous, le "yoyo" : un jour j'avance avec ces convictions et le lendemain je trébuche, je doute, je n'ai envie de rien et je me laisserais volontiers sombrer. Je repense à la promesse que m'a faite faire Philippe, quelques jours avant son décès, avec tellement de sérieux dans les yeux et dans la voix : "Je veux que tu me fasses une promesse. Je veux que tu me promettes que tu prendras soin de toi". Il n'a pas ajouté "car bientôt je ne serai plus là, éternellement, pour le faire". Cela allait de soi, pour lui, pour moi. Et j'ai promis.
Je crois que c'est le souhait le plus cher qu'avait mon Amour, mais aussi le vôtre même s'il n'a pu le formaliser (état dans la maladie qui n'a pas permis de le dire, peur de vous faire encore plus de mal, départ soudain dans un accident, un suicide, ...). Le décès de la personne aimée fait partie de son histoire mais, dans notre histoire, nous avons encore du chemin à parcourir et notre amour n'a pu que nous souhaiter d'y trouver, un jour, un apaisement et petit à petit d'autres bonheurs. Si quelque chose "survit" (esprit, âme, autre selon la conviction religieuse ou non de chacun) à notre Amour, il est à nos côtés ou en nous pour nous guider sur la suite du chemin. Mais, bon, il y a des jours de découragement où le doute nous laisse croire que seule la solitude est notre compagne....
Cette semaine hors de chez moi, avec beaucoup de présence, m'a fait me dire que, lorsque cela est possible, il est positif de partir quelques jours. La solitude sera tellement notre lot, encore et encore, lorsque la rentrée sera venue, que le quotidien nous accaparera.
J'ai pu "faire revivre" Philippe, avec sa sœur, comme nous ne l'avions pas encore fait depuis son départ il y a 6 mois. Elle m'a parlé de l'enfance, de l’adolescence... Il y a eu du sérieux, du rire, de la bonne humeur, de l'émotion. Nous n'avions pas osé, mutuellement, nous livrer autant, de peur l'une comme l'autre de gêner, de "raviver les plaies" (alors que nous le savons tous, elles sont béantes chaque jour ...), de causer plus de chagrin. Cela m'a fait un bien fou et à elle aussi. Nous serons moins dans la retenue à l'avenir je pense. Bien sûr, il y a des choses que je ne peux partager avec elle qui n'a - par bonheur - pas vécu la perte de l'être aimé. Mutisme total avec le reste de la famille et l'entourage. Mais, depuis ma venue sur ce forum, je sais que c'est normal. L'entourage ne sait pas, ne peut pas, ne veut pas. Aucun ressentiment à avoir, cela ne servirait à rien et ne changerait rien. Je me dis que cette présence et ces échanges, superficiels, ont aussi une grande utilité.
Je vais utiliser demain, vers midi, la ligne téléphonique dont a parlé Qiguan. Je ne sais pas comment cela fonctionne et me dis que cela peut sonner dans le vide comme être une drôle de cacophonie... mais "qui ne tente rien, n'a rien". Au plaisir d'échanger avec vous peut-être donc de vive voix demain.
J'aimerais beaucoup pouvoir rencontrer des membres qui seraient de ma région (département 44 Loire Atlantique). J'y pense d'autant plus que j'ai vu, à travers certains de vos messages, la même "souffrance" face aux WE : rien dans l'emploi du temps parfois ou alors (c'est tout à fait mon genre) beaucoup de choses pour éviter le vide, le tête à tête douloureux avec soi et le manque de l'absent... J'aimerais trouver d'autres personnes qui, parce que dans la même situation, auraient envie parfois de parler à cœur ouvert autour d'une boisson chaude (quand l'été aura tiré sa révérence), d'aller faire une marche, voir une expo ou autre. J'ai vu qu'il y avait, dans le forum, un thème "Localisation" mais je n'y ai trouvé personne de ma région (hélas)
Voilà, je viens de passer un grand moment avec vous, avec qui je me sens moins seule dans cette épreuve si particulière de la vie. Vos mots m'apportent beaucoup et j'espère pouvoir apporter à certains d'entre vous une petite étincelle de tant en tant.
Nous sommes dimanche et mes chaleureuses pensées vont plus particulièrement à celles et ceux qui seront seuls cette journée. Je sais la force de la pensée (sur moi en tout cas et peut-être aussi sur vous).
A 17 h, je me ferai un thé et m'installerai un peu dans mon canapé pour lire. Si vous vous faites un thé ou un café vers ce moment là, ne vous sentez pas tout à fait seul(e)
Je vous embrasse
Viviane