La "zone des 6 mois" avait été pour moi une horreur à l'état brut. Je croyais ne jamais m'en remettre et puis... si.
Depuis, quelques semaines, je "surfais" sur des eaux plus paisibles. La tristesse bien présente mais plus de souffrance. La boule au ventre encore parfois avec de l'eau qui me montait aux yeux mais sans sortir. J'avais même cru la source tarie.
J'avais intégré l'absence à défaut de vraiment l'apprivoiser. Le manque était toujours là mais je me disais que le temps ferait son œuvre (et il le fera, bien sûr). J'avais retrouvé une vie presque normale : capable de revivre en société, d'y trouver par moments de la satisfaction, capable depuis très peu de passer une soirée seule sans que ça ne soit la fin du monde...
Et puis aujourd'hui, en fin d'après-midi, alors que rien ne le laissait présager (pas de date clé, pas d'évènement particulier...) un grand désespoir. Soudain, brutal, violent. J'ai cherché le pourquoi : une parole ? une musique ? un lieu ? une odeur ? ... je n'ai pas trouvé. Je ne sais pas. J'aurais aimé trouver, cerner la raison, la disséquer, la mettre à distance. Mais non, aujourd'hui il faut faire avec.
Ma fille était à la maison alors pas question de me laisser aller. Un manque saisissant de Philippe, de ses bras dans lesquels me blottir quelques instants. Comme si, tout à coup, la petite bonne femme pas trop épaisse que je suis n'avait plus la force. Et en boucle, dans ma tête, les 2 premières phrases d'une chanson que j'attribuais à Aznavour (mais en allant chercher la suite sur le net, j'ai vu que c'était Bécaud) :
"Et maintenant, que vais-je faire ?
De tout ce temps que sera ma vie ? "
J'ai fait ce que je sais faire le mieux en pareil cas : je me suis activée. Et j'ai bu une bière. Peut-être que si j'avais eu un anxiolytique j'en aurai croqué un morceau. Mais je n'ai pas. Juste une bière abandonnée dans le frigo depuis l'été, vestige d'un diner avec mon fils ou un ami de passage. J'ai réalisé que c'était la première fois de ma vie que je buvais une bière seule (le deuil nous en fait faire de ces choses...). Pas assez pour m'étourdir ni pour faire fuir le vague à l'âme. Et quand bien même elle aurait eu une sœur jumelle dans le frigo que je ne me serais pas jetée dessus.
Tant qu'à faire un peu n'importe quoi, la tristesse infinie collée à mes basques sans raison, j'ai filé sous la douche où j'ai pu laisser couler les larmes.
Le diner de ce soir avait été préparé hier, dans un élan de cuisine frénétique. Tant mieux. Je n'ai pas été une convive agréable, j'ai expédié le moment. Je me suis dis qu'il fallait que ça sorte un peu, pour alléger la peine et ne pas partir à la recherche du sommeil dans cet état. Qu'à défaut de le dire, il me fallait l'écrire.
Je sais que je vais passer ce cap, que je dois continuer à croire que Philippe en moi m'aide à cheminer, que j'ai les ressources pour le faire (j'ai repensé aux paroles de Qiguan et de Sadia).
Voilà, peut-être que d'avoir jeté ici ce moment de creux de vague, sur mon fil du forum, va permettre qu'il réduise puis disparaisse.
Demain est un nouveau jour ...