13 septembre 2019...
Pendant que Sandrine passait un examen de contrôle, j'étais dans les préparatifs de notre 22ème anniversaire de mariage..
J'avais pensé aux fleurs, envisagé une soirée au restaurant quand le couperet est tombé.
Ce transit désordonné, cette petite gène, tout ça a un nom.. C'est un cancer du colon.
Rien que le nom fait peur.
Nous avons pourtant tout de suite décidé de façon tacite que le cancer ne gagnerait pas.
On affronterait les rayons, les chimios ensemble.
Ensemble depuis les bancs de l'école, depuis 31 ans, on se connait par cœur, à l'unisson.
Rien ne nous séparera, c'est sur.
Ensemble nous gagnerons
De fait, passé les émois et le chocs des premières semaines, la première année se passe.
parfois les retours de chimio sont compliqués..
On lui retire un bout de colon, il lui faut être appareillée d'une stomie, c'est difficile.
Mais on fait face.
A deux, en famille avec nos deux filles de 19 et 21 ans, en équipe, on fait face.
On se sent plus fort que les difficultés, plus fort que la maladie, on fait face.
En couple, on fait face.
Vient le mois de juillet et les bonnes nouvelles arrivent avec l'été : on va lui retirer la poche.
Le protocole a bien marché. Il n'y a plus aucune trace de la tumeur.
"contrôle tous les 3 mois.../.. si pas de reprise d'ici 5 ans vous serez considérée en rémission.."
La petit fête de famille, le soulagement, la joie, les sourires, la petite carte mission accomplie...
Je me souviens comme si c'était hier de cette période bénite..
Quel bonheur ! Quel bonheur !
Malheureursement dès le mois d'octobre, avant même le premier scanner de contrôle, les problèmes sont de retour.
Reprise agressive et généralisée...
Le sang se glace, la peur renait.
L'hiver n'est que successions de souffrances et d'opérations.
Les problèmes principaux sont centrés sur le transit.
Sandrine souffre chaque fois qu'elle va aux toilettes et elle y passe beaucoup de temps.
C'est difficile de l'entendre gémir pendant que je suis impuissant dans la cuisine ou sur le canapé.
Tous les mois ou presque, on passe par l'hôpital.
Pourtant mois après mois, chimio après chimio, les scanners sont bons, rassurants.
Le cancer est stabilisé. Le protocole fonctionne.
Pour les médecins, le transit est certes compliqué mais le reste se passe bien.
On garde espoir, on s'accroche à cette obsession.
Début juillet, un énième scanner valide que le cancer n'évolue plus.
Mais ce transit, toujours ce transit..
Elle va finalement être hospitalisée pour la pose d'une nouvelle stomie.
Ca règlera les problèmes de transit, lui donnera plus de confort.
L'opération se passe bien, elle récupère assez bien.
Les médecins décident de profiter de son passage à l'hôpital pour changer les sondes rénales qui avaient été posées pendant l'hiver.
Le transit va mieux.. est moins difficile.
Mais cette douleur,..cette douleur à l'aine ?
L'hospitalisation s'éternise. Je suis en congés, chaque jour je la rejoins à l'hôpital.
Fin juillet, sans qu'on s'en aperçoive, sans qu'on sache vraiment pourquoi, sans qu'on le voit venir, les doses de morphine sont augmentées.
Sandrine est plus confuse, mois éveillée.
Le lundi 2 aout, c'est la reprise du travail. Je suis un peu abattu.
J'ai passé mon mois de vacances à l'hôpital.
Ma doudou n'est toujours pas sortie et je reprends le travail.
Je n'ai pas le moral.
A 9h, un médecin de l'hôpital m'appelle : Votre femme nous inquiète .../... on est surpris par l'évolution .../... scanner pas bon .../..fin de vie .../... quelques jours.
Ma baisse de moral bascule dans le cataclysme, le chaos.
Prévenir les filles, la famille, les amis, vite !! allez à l'hôpital, vite !! vite !! vite !!
Chaque jour, avec les enfants, on va se rendre à son chevet.
Chaque jour, on va tenter de la rassurer.. Elle ne parle plus, est à peine consciente mais nous entend selon les médecins.
Alors chaque jour on parle, on parle.
On rassure, on dit au revoir, on promet, on aime.
Le 08 aout, il était à 10h00.. on était à nouveau sur la route de l'hôpital quand le téléphone a sonné.
Sandrine est partie, tout doucement, tout tranquillement, détendue.
La vie bascule à nouveau.
Je suis veuf et mes filles sont orpheline.
Le fracas des premiers jours, des pompes funèbres, de la famille est un séisme.
La famille s'organise.
Ne pas nous laisser seul au lendemain de la cérémonie, du jour au lendemain.
Quelques uns vont rester quelques jours, puis mon frère seul.
Et puis plus personne.
La première semaine, la seconde.. puis le 1er mois.
Début septembre, avec les filles on décide de reprendre ensemble les routes du travail ou des études pour ne pas devenir fous.
Le calendrier ne nous fera pas de cadeau.. l'anniversaire de mariage, son anniversaire..
Tout se cumule au mois de septembre.
Deux mois viennent tous juste de s'écouler depuis son départ et je ne sais pas ce que j'en ai fait.
Je ne sais pas ou j'en suis.
Je ne sais plus ou je vais.
29 années d'amour, d'un bonheur presque parfait. Et je dit presque parce que tous les couple passe par des moments difficiles, rien de plus.
Certains font face, d'autre se quittent. On ne s'est jamais quitté.
29 années donc puis deux ans d'accompagnement dans la maladie, jusqu'à ce mois de juillet que je suis finalement bienheureux d'avoir passé à ses cotés.
Puis ce maudit dimanche 8 aout, maudit dimanche...
Tous les jours, c'est le même matin,
Chaque soir, les même silences.
Et au milieu, je fais ce que je peux.
Le jour sans fin....
Je ne m'habitue pas à son absence et comprendre un peu mieux chaque jour qu'elle ne reviendra pas est une douleur indescriptible.
Rien n'y fait.
Vivre sans elle, ça fait un mal de chien. La cicatrice est indélébile.
Chienne de vie !