Auteur Sujet: C'était un dimanche du mois d'aout.  (Lu 8582 fois)

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Hors ligne S_B

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C'était un dimanche du mois d'aout.
« le: 13 octobre 2021 à 22:54:16 »
13 septembre 2019... 
Pendant que Sandrine passait un examen de contrôle, j'étais dans les préparatifs de notre 22ème anniversaire de mariage..
J'avais pensé aux fleurs, envisagé une soirée au restaurant quand le couperet est tombé.
Ce transit désordonné, cette petite gène, tout ça a un nom.. C'est un cancer du colon.
Rien que le nom fait peur.
Nous avons pourtant tout de suite décidé de façon tacite que le cancer ne gagnerait pas.
On affronterait les rayons, les chimios ensemble.
Ensemble depuis les bancs de l'école, depuis 31 ans, on se connait par cœur, à l'unisson.
Rien ne nous séparera, c'est sur.
Ensemble nous gagnerons

De fait, passé les émois et le chocs des premières semaines, la première année se passe.
parfois les retours de chimio sont compliqués..
On lui retire un bout de colon,  il lui faut être appareillée d'une stomie, c'est difficile.
Mais on fait face.
A deux, en famille avec nos deux filles de 19 et 21 ans, en équipe, on fait face.
On se sent plus fort que les difficultés, plus fort que la maladie, on fait face.
En couple, on fait face.
Vient le mois de juillet et les bonnes nouvelles arrivent avec l'été : on va lui retirer la poche.
Le protocole a bien marché. Il n'y a plus aucune trace de la tumeur.
"contrôle tous les 3 mois.../.. si pas de reprise d'ici 5 ans vous serez considérée en rémission.."
La petit fête de famille, le soulagement, la joie, les sourires, la petite carte mission accomplie...
Je me souviens comme si c'était  hier de cette période bénite..
Quel  bonheur ! Quel bonheur !

Malheureursement dès le mois d'octobre, avant même le premier scanner de contrôle, les problèmes sont de retour.
Reprise agressive et généralisée...
Le sang se glace, la peur renait.
L'hiver n'est que successions de souffrances et d'opérations.
Les problèmes principaux sont centrés sur le transit.
Sandrine souffre chaque fois qu'elle va aux toilettes et elle y passe beaucoup de temps.
C'est difficile de l'entendre gémir pendant que je suis impuissant dans la cuisine ou sur le canapé.
Tous les mois ou presque, on passe par l'hôpital.
Pourtant mois après mois, chimio après chimio, les scanners sont bons, rassurants.
Le cancer est stabilisé. Le protocole fonctionne.
Pour les médecins, le transit est certes compliqué mais le reste se passe bien.
On garde espoir, on s'accroche à cette obsession.

Début juillet, un énième scanner valide que le cancer n'évolue plus.
Mais ce transit, toujours ce transit..
Elle va finalement être hospitalisée pour la pose d'une nouvelle stomie.
Ca règlera les problèmes de transit, lui donnera plus de confort.
L'opération se passe bien, elle récupère assez bien.
Les médecins décident de profiter de son passage à l'hôpital pour changer les sondes rénales qui avaient été posées pendant l'hiver.
Le transit va mieux.. est moins difficile.
Mais cette douleur,..cette douleur à l'aine ?
L'hospitalisation s'éternise. Je suis en congés, chaque jour je la rejoins à l'hôpital.
Fin juillet, sans qu'on s'en aperçoive, sans qu'on sache vraiment pourquoi, sans qu'on le voit venir, les doses de morphine sont augmentées.
Sandrine est plus confuse, mois éveillée.

Le lundi 2 aout, c'est la reprise du travail. Je suis un peu abattu.
J'ai passé mon mois de vacances à l'hôpital.
Ma doudou n'est toujours pas sortie et je reprends le travail.
Je n'ai pas le moral.
A 9h, un médecin de l'hôpital m'appelle : Votre femme nous inquiète .../... on est surpris par l'évolution .../... scanner pas bon   .../..fin de vie  .../... quelques jours.
Ma baisse de moral bascule dans le cataclysme, le chaos.
Prévenir les filles, la famille, les amis, vite !! allez à l'hôpital, vite !! vite !! vite !!
Chaque jour, avec les enfants, on va se rendre à son chevet.
Chaque jour, on va tenter de la rassurer..  Elle ne parle plus, est à peine consciente mais nous entend selon les médecins.
Alors chaque jour on parle, on parle.
On rassure, on dit au revoir, on promet, on aime.
Le 08 aout, il était à 10h00.. on était à nouveau sur la route de l'hôpital quand le téléphone a sonné.
Sandrine est partie, tout doucement, tout tranquillement, détendue.

La vie bascule à nouveau.
Je suis veuf et mes filles sont orpheline.
Le fracas des premiers jours, des pompes funèbres, de la famille est un séisme.
La famille s'organise.
Ne pas nous laisser seul au lendemain de la cérémonie, du jour au lendemain.
Quelques uns vont rester quelques jours, puis mon frère seul.
Et puis plus personne.

La première semaine, la seconde.. puis le 1er mois.
Début septembre, avec les filles on décide de reprendre ensemble les routes du travail ou des études pour ne pas devenir fous.
Le calendrier ne nous fera pas de cadeau.. l'anniversaire de mariage, son anniversaire..
Tout se cumule au mois de septembre.
Deux mois viennent tous juste de s'écouler depuis son départ et je ne sais pas ce que j'en ai fait.
Je ne sais pas ou j'en suis.
Je ne sais plus ou je vais.
29 années d'amour, d'un bonheur presque parfait. Et je dit presque parce que tous les couple passe par des moments difficiles, rien de plus.
Certains font face, d'autre se quittent. On ne s'est jamais quitté.
29 années donc puis deux ans d'accompagnement dans la maladie, jusqu'à ce mois de juillet que je suis finalement bienheureux d'avoir passé à ses cotés.
Puis ce maudit dimanche 8 aout, maudit dimanche...

Tous les jours, c'est le même matin,
Chaque soir, les même silences.
Et au milieu, je fais ce que je peux.
Le jour sans fin....
Je ne m'habitue pas à son absence et comprendre un peu mieux chaque jour qu'elle ne reviendra pas est une douleur indescriptible.
Rien n'y fait.
Vivre sans elle, ça fait un mal de chien. La cicatrice est indélébile.
Chienne de vie !

Hors ligne pscar13

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Re : C'était un dimanche du mois d'aout.
« Réponse #1 le: 13 octobre 2021 à 23:22:59 »
S_B

...
Ensemble depuis les bancs de l'école, depuis 31 ans, on se connait par cœur, à l'unisson.
Rien ne nous séparera, c'est sur.
...

Ce lien d'Amour, la mort ne peut le briser, rien ne vous séparera.

Tendre pensée pour ton amoureuse.
Le futur devient présent, et, dans l'instant qui suit, passé.
Mon rêve est devenu réalité, mon amoureuse, mon éternel présent.

Hors ligne BEBE

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Re : C'était un dimanche du mois d'aout.
« Réponse #2 le: 14 octobre 2021 à 11:21:33 »
Cher S_B,

Comment peux t'on survivre à cela ?

46 mois après, pile pour moi aujourd'hui, je me demande encore comment c'est possible... c'est si violent, douloureux, destructeur...

J'ai perdu mon compagnon, mon Roi, mon Tout, mon Ame soeur aprés un peu plus de 22 années de vie commune dont 3 à batailler contre un crabe sans foi ni loi.

Mon chemin de deuil est long, très très long, tortueux, épineux et il me semble que je n'en sortirai jamais véritablement mais j' apprends à faire avec ( ou sans ... c'est selon) .

Mieux comprendre chaque jour que mon Coeur Canaille ne reviendra pas continue à me terrasser avec autant de force... non...ma douleur ne diminue pas avec le temps et me met encore souvent les deux genoux à terre mais au fil des mois j'ai découvert ce qui pouvait m'aider à la dompter un peu.

Ce forum a longtemps été une béquille précieuse pour rompre l'isolement dans lequel cette épreuve m'a subitement plongé. Aujourd'hui je tente de me ré-ancrer dans la “vraie” vie avec cette empreinte indélébile et si singulière que le deuil a imprimé en moi et grâce à toutes les petites stratégies développées au fil du temps... elles sont mes petits rochers, mes petits phares.

Toi aussi tu trouveras tes petits rochers et tes petits phares en temps voulu mais là pour le moment tu es au tout début de ce chemin, en plein chaos, au coeur de la tempête, tu viens tout juste de tomber de la falaise...

Phares dans la tempête du deuil : se reconstruire après la perte de son conjoint

Le jour où vous apprenez la mort de celui ou celle que vous aimez, c’est comme si vous étiez précipité d’une falaise dans la mer. Une haute falaise, avec une petite plage inaccessible à ses pieds. La mer est violente même par beau temps. La mer de vos émotions.
Votre premier réflexe, un geste de survie, est de nager tant que vous pouvez vers le rivage, à contre-courant, malgré la force des vagues, jour et nuit… pour ne pas sombrer, ne pas être emporté au large.
Voici plusieurs mois maintenant que vous nagez, espérant toujours pouvoir rejoindre la plage, la falaise de votre passé. Une petite voix en vous commence à perdre l’espoir. Vous êtes fatigué de lutter contre ces courants violents. Vous êtes seul au milieu de la tempête. Et le rivage s’éloigne petit-à-petit. Vous êtes impuissant devant la force de la vie. Malgré vous, elle vous emporte. Vous devez quitter des yeux l’image de votre bonheur passé, de votre vie « d’avant ».
Il n’y a rien à faire, vous êtes emporté, épuisé par cette lutte.
Vous lâchez prise contraint et forcé. Obligé malgré vous de laisser s’éloigner le territoire du passé. Pour aller où ? Vers quelle nouvelle terre invisible et peut-être inexistante ? Les jours semblent des semaines, les semaines des mois et les mois des années. Pourtant, c’était hier. Le jour où vous êtes tombé dans la mer. Votre continent vous manque tant. Il a disparu à l’horizon. Vous en rêvez parfois encore.
Un jour, un rocher émerge devant vous. Un tout petit rocher. Vous y grimpez. Il n’y a pas encore beaucoup de vie mais vous pouvez vous y poser quelques instants. Les vagues vous obligent à quitter votre point de repos. Jusqu’au prochain rocher, un peu plus grand. La mer vous emporte chaque fois un peu plus loin de votre passé. Un matin, debout sur le dernier rocher, il vous semble apercevoir un îlot.
C’est bien un petit bout d’île, c’est le début d’un archipel, c’est la pointe d’un nouveau continent.
Un continent inconnu, qui accueille un naufragé, un inconnu. En chemin vous avez perdu des certitudes, de la confiance, des amis. Vous avez trouvé une certaine philosophie, un autre ordre du monde, fragiles.
Enfin, vous arrivez sur une plage et vous recommencez à vivre.
> Extrait de Phares dans la tempête du deuil



Je t'envoie plein de douceur

BEBE
« Modifié: 14 octobre 2021 à 11:29:22 par BEBE »
L'Amour ne meurt jamais

Hors ligne S_B

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Re : C'était un dimanche du mois d'aout.
« Réponse #3 le: 29 octobre 2021 à 21:42:06 »

"Comme tu feras, ça ira"

Huit aout deux mille vingt et un,
Un appel..., j'apprends que tu es passée de l'autre coté,
Nos bébés sont orphelins,
Pour que ce soit moins dur, je répète que tu en as assez supporté,
C'était mieux de ne pas souffir pendant des mois,
C'est une idée qui m'allait bien,
Une idée qui rassurait mon chagrin.
J'ai des idées à la con, parfois.
Le chagrin, on le contrôle pas,
Je l'ai appris depuis, pas à pas,
Le temps s'est figé, je ne vis plus, je ne souris plus, j'erre.
Parfois moins vivant que tes voisins de cimetière,

Bien sur, il faut avancer alors j'ai repris le boulot,
Les filles sont reparties sur Bordeaux.
A me voir ça ne se voit pas trop, le quotidien comme un leurre,
Les gens croient que c'est pas trop mal, que je m'en sors bien,
Une grande différence avec ceux qui me voient soir ou matin,
Les gens, ils disent qu'il faut du temps, alors j'attends le temps,
Le temps d'aller moins mal, le temps de ne plus faire semblant,
Mais les jours défilent, les semaines passent, Et le mal demeure.
Je n'en veux pas aux gens, pour eux c'est terminé,
ils sont passés à la suite, ils ont tourné la page, la vie les a porté.
Quand ils sont bienveillants, ils sont maladroits parfois,
Parceque ils restent bienveillants, certains, parfois.

Une clef dans la serrure, J'aurai jamais pensé que ce soit si dur,
Comme une gifle de la vie chaque fois que je franchis nos murs,
On devrait pas dire à quelqu'un en deuil que ça ira,
Parce que ça n'ira pas. Ca ne se peut pas.
Le temps, le chagrin, l'esprit, il faut les occuper,
Il ne faut pas les noyer, mon père m'a expliqué,
On finira peut être par mettre le chagrin dans une boite et vivre avec,
Je finirai peut être par penser à toi en gardant les yeux secs,
Quelquefois je t'imagine, je t'envisage. Toi à ma place et moi dans le trou,
Qu'est ce que tu dirais, Comment tu jouerais ce coup ?
Si la vie m'offrait de te croiser en dame blanche à la lisière de la forêt,
Je crois que parmi plein d'autres jolies choses, tu dirais :
"Comme tu feras, ça ira."

Hors ligne Elisa52

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Re : Re : C'était un dimanche du mois d'aout.
« Réponse #4 le: 31 octobre 2021 à 01:41:29 »


Le temps s'est figé, je ne vis plus, je ne souris plus, j'erre.
Parfois moins vivant que tes voisins de cimetière,

On finira peut être par mettre le chagrin dans une boite et vivre avec,
Je finirai peut être par penser à toi en gardant les yeux secs,



Oui S_B, c'est dur, très très dur. On ne peut pas faire autrement que d'en passer par là.  Mais comme dit Christophe Fauré, dont je te recommande les vidéos et livres, le deuil SE fait, et on vit avec son chagrin, on vit avec l'absence de l'aimé.e. On pleure, mais un peu moins. C'est long, très long. Je suis à 2 ans et 8 mois 1/2, je pleure encore, je souris parfois à la vie, je cueille les bons moments.
Aide-toi de tous les témoignages présents sur ce forum, ainsi que des innombrables ressources qu'on y trouve, si tu en as la force.
Viens dire ta douleur autant que tu le voudras. Toujours, quelqu'un l'entendra.
Prends soin de toi et de tes enfants.
Je te souhaite plein de courage.
Amitié et douceur
"J'ai peine à croire qu'en perdant ceux qu'on aime on conserve son âme entière"