A Piera, à Stana...
« L'avenir est un présent que nous fait le passé » Malraux
Je ne suis pas sur ce chemin ...
Trop engluée dans cette souffrance qui me brise de jour en jour, dans le souvenir douloureux de ce qui fut, de cet accompagnement qui n'était que renoncement et dans la tristesse et l'angoisse de ce qui n'est plus et de ce qui ne sera pas.
La mort m'a imposée le recueillement, le silence, la solitude et m'a fermée les yeux sur le monde.
En balayant les faux-semblants, les petites mesquineries, les vanités et les petits arrangements avec soi-même et avec les autres, elle a induit une exigence qui complique mes relations avec le monde, et ne me donne pas confiance en la vie.
Elle m'a dépouillée de tant et de tant de choses, que je me retrouve à nu aujourd'hui, comme au premier jour, mais sans l'innocence ni la grâce...
Si même j'ai pu un jour avoir l'orgueil de ma propre souffrance, comme étant unique et digne de l'intérêt de tous dans ce monde, cela aussi j'en ai été dépouillée. Pas l'héroïne d'une tragédie grecque, juste Faïk, dans le malheur partagé, par l'un, par l'une, par ces milliards de personnes qui traversent fugitivement ce monde, hier, aujourd'hui et demain.
Arrivée bientôt au « terme » de ces 9 mois, je n'accoucherai, dans la douleur et la lassitude, que d'une immense tristesse avec laquelle il me semble impossible de couper le cordon...
Plongée littéralement dans la lecture des nombreux témoignages postés ici, j'ai perçu, pour certains, le cheminement de la souffrance à l'émergence, tant espérée, d'un lien intérieur, inaltérable, inamovible, s'enracinant de jour en jour et qui participerait de l'essence même d'un nouvel être en devenir, comme une révélation de soi-même. Devenir ce que l'on est...
Je ne suis pas « passée » dans cette dimension, toujours errante dans ce long et éreintant voyage de ce qui est ma Terra Incognita...Et ce lien, d'ailleurs, est-ce que tous pourront se l'approprier, ou ne sera t'il jamais, pour certains d'entre nous, qu'un mirage convoité qui s'évanouira à la moindre petite défaillance ?
Ton message Piera, le tien Stana, ne m'ont pas choquée... nullement. Je ne considère pas ces témoignages comme une insulte ou un mépris de ma propre douleur, ou de mon incapacité à la dépasser encore. Pourquoi en serait-il autrement ? Qui pourrait blâmer son prochain de trouver et de faire partager une voie, non seulement d'apaisement, mais de reconstruction, qui peut être, sinon l'universelle panacée au moins une lueur d'espoir pour chacun d'entre nous ?
Ces messages, je les accueille comme des cadeaux, je les garde précieusement jusqu'au moment où, après la tempête, je pourrais les hisser comme des trophées sur mon mat de misère... et dire, moi aussi, je ne suis plus en exil, je suis devenue ce que j'étais, sinon heureuse, du moins en paix dans ce nouveau monde, avec mes enfants et mes semblables où il sera, où ils seront, ces hommes qui manquent tant à ma vie, inaltérables, inamovibles, éternels...
Je pense à vous.