Profiter du temps, profiter des gens
Il n'y a qu'à se plonger dans les nombreux dictionnaires à notre disposition pour en apprendre toutes les acceptions qui pourraient éventuellement nous faire défaut.
Je
profite donc de la science des dictionnaires. C'est un
avantage certain pour ma petite tête. Elle est parfois si vide que ça ne peut pas lui faire de mal de la remplir un peu. Et puis je ne risque pas de l'alourdir, les mots vont et viennent ...
Dernièrement, ce mot
profiter a fait irruption dans une conversation. Pas une petite causette, pas un gentil bavardage au coin d'une table. Une conversation assez fraîche dont je faisais les frais …
« Faïk, tu n'as pas
profité »
Cela est tombé comme une sentence, la justice ayant tranché.
Je me demande encore de quoi je n'ai pas
profité …
Profiter du temps qu'il me restait à vivre avec lui ou
profiter tout simplement de lui ?
Le temps qu'il reste est une notion difficile à appréhender. Bon c'est sûr, on peut essayer de l'enfermer en secondes, jours, semaines ou mois. Mais que mettre justement dans ces secondes, jours … ?
Je ne suis pas la cigale qui chante tout l'été sans souci de l'hiver qui viendra mais je ne suis pas non plus la fourmi qui thésaurise en prévision des mauvais jours.
Je ne sais pas engranger de la chaleur en prévision des frimas, je ne sais pas engranger les bons moments pour les redistribuer au compte-gouttes et ainsi alléger un avenir qui s'annonce sombre. Une sorte de budget prévisionnel d'une vie qu'on pourra qualifier d'heureuse au bout du bout, une vie heureuse « malgré tout ».
Ai-je
profité de lui ?
Je ne sais pas non plus. J'ai juste eu la conscience aiguë de ce qu'il était, de ce qu'il devenait, de ce qu'il ne serait plus. Est-ce qu'on peut aimer plus devant une fin annoncée ? Est-ce qu'on peut, dans un temps donné, enfermer tout cet amour qu'on pensait dispenser sur de longues, longues années ?
Je ne sais toujours pas. Je ne culpabilise pas. Lui et moi avons fait ce qu'on a pu avec les pauvres moyens qu'on avait. Et lui, m'a t-il aimée plus parce qu'il se savait s'en aller ?
Il y a une chose dont je suis sûre.
J'ai
profité des angoisses, de la peur de l'avenir, de sa souffrance morale et physique, de la tristesse de nos enfants, d'une immense lassitude, d'une abstinence forcée, de rires qui s'effaçaient, de mots qui s'envolaient, d'un petit bonheur qui s'évadait ...
J'ai
profité de sa main qu'il a glissée pour une dernière fois dans la mienne. Et je me trouve bien
désavantagée aujourd'hui.
Et vous, les empêcheurs de tourner en rond ma peine, en-avez vous profité ?