Stana,
il ne s'agit pas du chanteur Hugues Aufray mais du philosophe
Michel Onfray...
Bonne lecture.

et

Federico
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MICHEL ONFRAY, UN REQUIEM ATHÉE POUR L’HUMANITÉ EN MARCHE
jeudi 31 octobre 2013, par René Barbier
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé (Lamartine) écrivait ce poète romantique au XIXe siècle. C’est ce vers qui m’est revenu à la mémoire en lisant la suite assez brève de pages consacrées à la finitude d’un être aimé par Michel Onfray [1].
Michel Onfray dédie son livre à Marie-Claude Ruel (1951-2013) qui fut sa compagne entre 1977 et sa mort. Par ce décès l’écrivain entre dans la confrérie de tous ceux - innombrables - qui ont perdu une personne aimée soudainement.
Ce sont les silhouettes de Paul Éluard et de sa femme Nush - "Mon amour si léger prend le poids d’un supplice" - comme celle de Christian Bobin et de "la plus que vive" qui surgissent tout à coup.
Pour moi, c’est la figure d’Agnès, disparue en 1997, en quelques minutes dans mes bras. On ne dira jamais assez à quel point la mort d’un seul être saisit le vif - le survivant un peu philosophe - pour l’obliger à comprendre que "tout va vers la mort et vers le froid" comme le rappelait le poète breton Eugène Guillevic, même si la sagesse chinoise, avec François Cheng, nous dessine la voie radicale de la vie sans commencement ni fin dans le processus du déroulement de ce qui est. [2]
Michel Onfray nous emporte dans sa réflexion organisée sous la forme ritualisée du requiem catholique (réminiscence de sa culture d’enfance) mais sans référence consolatrice à la sotériologie chrétienne. Il s’agit bien d’un penseur athée, comme Guillevic ou André Comte-Sponville, qui embrasse non seulement la disparition de sa compagne, mais aussi de la sienne et de celle de l’humanité tout entière, et même de la finitude de notre propre univers dans un cosmos illimité.
En quatre dizaines de pages Michel Onfray, dont la fureur d’écrire si proche de la conscience de la mort nous étonne toujours, nous livre une méditation philosophique sur la vie et l’anéantissement de toute chose et de chaque existence.
Au moment où sort son livre, un film catastrophe de science-fiction issu d’un scénario de bande dessinée, apparaît aussi sur les écrans sur la thématique de l’extinction de l’humanité après une terrible ère nouvelle de glaciation dans les années 2030 [3].
L’humanité restant réduite à quelques centaines d’individus est enfermée dans un train - métaphore de notre condition humaine - qui fait le tour du monde sans s’arrêter, brisant la glace de tous côtés. Une humanité qui va se soulever contre l’injustice d’un dictateur et de ses sbires, qui possède la maîtrise de La Machine et qui est l’inventeur de ce train fantôme.
Après des scènes tragiques, le train déraille et seules survivent deux personnes : une adolescente asiatique et un tout jeune enfant africain, sorties hors du train disloqué, libres avec l’humanité à reconstruire, mais déjà sous l’oeil perçant d’un ours blanc qui lui aussi cherche à survivre.
La finitude que Bernard Delobelle, notre étudiant assassiné au Maroc, a si bien pensée dans une perspective écologique, prend chez Michel Onfray une ampleur métaphysique mais sans dieu.
Il s’agit bien d’une spiritualité laïque, décapante, sans espoir en fin de compte, autre que celle que nous nous donnons pour le temps éphémère de notre existence personnelle et collective. Dans ce cadre tragique mais superbe, la pensée de Cornelius Casoriadis fait sens, sans doute, avec sa volonté d’assumer un vivre-ensemble reflétant un principe d’autonomie qui bouleverse toutes les contraintes non démocratiques. [4]
Mais l’ouvrage de Michel Onfray est surtout un monument érigé comme un hymne à l’être humain et à sa survie impossible dans l’avenir d’un cosmos qui se volatilisera.
Ainsi, à l’issue de l’Épreuve, la mort et le néant, disparaîtront à leur tour, comme l’enfer, le péché, l’âme damnée : tous envolés ! Seuls demeurent les atomes qui dansent dans la lumière.
Devenu plus que rien
Le néant du tombeau sera néantisé lui aussi
Rien sera devenu tout (p.37)
À ce moment tout être ne sera plus jamais qu’un néant de lumière, son essence de toute éternité.
Repose en paix
Corps de lumière
Qui retourne à la lumière (p.11)
L’existence de l’être aimé demeure à jamais neuve. Personne ne peut l’effacer. J’ai existé, tu as existé, nous avons existé dans ce segment de temps si infime, comme l’affirmait si justement Vladimir Jankélévitch. C’est "la Vie de la vie" (p.21)
Il y eut le néant
Il y aura le néant
Mais
Entre les deux néants
Il y eut aussi
Ta vie
Ta vie, notre vie, celle de toute l’humanité, de toutes les vies animales et végétales, à la fois dans leur subjectivité "solaire et lumineuse, "nocturne et sombre".
P.-S.
"Ouvrir la rose", dessin numérique de René Barbier
Un site d’informations pratiques en cas de décès d’un proche
http://www.deces-info.fr/Notes
[1] Michel Onfray, Un requiem athée, Paris, Galilée, septembre 2013, 39 pages
[2] François Cheng, Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie, Paris, Albin Michel, 2013, 169 pages
[3] Snwpercer, Le Transperceneige, du Sud-Coréen Bong Joon Ho, 2013
[4] Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, (1975), 1999, 540 pages