Voilà seulement quelques jours que je vous lis.
Toute cette bienveillance, ces partages d'émotions me poussent à sauter le pas et à venir coucher ici mon errance quotidienne depuis le départ de mon époux. Je sais que je ne serai pas jugée.
18 mois
Oui... 18 mois déjà, que mon très cher F. s'en est allé.
Je n'aurai jamais pensé survivre ne serai-ce qu'une semaine sans lui.
Mais force est de constater que notre corps use de stratagèmes inimaginables pour nous tenir debout...
La quarantaine, mariés, parents de deux merveilleux enfants, agriculteurs passionnés par notre métier.
Heureux...
Jusqu'au jour ou la vie bascule.
Un coup de téléphone :
"- Mamou... j'ai eu un accident, viens vite.
- Comment ça tu as eu un accident? Tu es où?
- Sur le chemin... Le tracteur... J'ai appelé les pompiers, viens vite.
- M..de. J'arrive. Je t'aime."
Je suis arrivée quelques minutes avant les secours. Mon F., conscient, qui se bat mais qui me répète qu'il va mourir.
Je le sais...
Mais je tente de le rassurer. Que faire?
L'hélicoptère est arrivé lui aussi, mais F. n'est pas stable, le médecin m'annonce qu'il doit débuter les soins sur place.
Un dernier bisou.
10 minutes plus tard, F. rend les armes.
Je suis dans ma bulle.
Une vingtaine de pompiers, autant de gendarmes. Accident du travail = enquête...
Annoncer cette terrible nouvelle aux enfants... A la famille. Tout le monde s'écroule.
Tout s'enchaîne si vite.
Car l'urgence est maintenant à l'organisation : ce soir, demain, et les jours suivant , il va falloir s'occuper des quelques 250 animaux présents sur l'exploitation.
Modifier les horaires de traite pour tenter d'être sur tous les fronts. Les enfants, la maison, l'administratif, les vaches
Je relève les manches. Mode automatique "ON".
-10 kg en 15 jours, mais jusqu'au premier anniversaire de son départ, je ne faiblirai pas et me surprendrai à effectuer des travaux que je n'aurais jamais envisagé faire auparavant. La charge de travail est énorme, physique. Je dors, je dévore mes repas.
J'accompagne les enfants autant que possible. Le petit voit une psychologue. Le grand essaie mais il n'accroche pas.
Il m'aide beaucoup au quotidien.
Puis le PV de l'accident m'est rendu. Plus d'un an après.
C'est tard, mais cela conditionne l'avancement de nombreux dossiers. Je me replonge alors là dedans naïvement et je perds pieds.
Nous y sommes...
Depuis, les vagues d'émotions se succèdent, les questions se bousculent. Je ne tiens plus la barre, à la dérive. Heureusement que les enfants sont présents.
Les dernières fêtes de fin d'année accompagnées d'une bonne grippe sont venues m'achever.
Le suivi psy est devenu une évidence.
C'est si dur.