Auteur Sujet: huit ans après  (Lu 4055 fois)

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hérissonne

  • Invité
huit ans après
« le: 10 mai 2012 à 16:03:30 »
Bonjour à tous,

Mon mari est mort il y a huit ans, le 19 avril dernier. Cette année, j'ai tout revécu comme il y a huit ans, ma souffrance est aussi intense qu'au début. J'ai l'impression que je l'ai perdu à nouveau, comme si j'avais pris conscience que je ne le verrai plus jamais, pas même dans l'autre monde. Jamais il ne me prendra dans ses bras. J'ai voulu faire la commémoration de sa mort, comme à chaque anniversaire, mais rien ne s'est pas passé comme je l'avais souhaité. Je ne l'ai pas retrouvé, et j'ai échoué à honorer sa mémoire.
Je suis depuis deux semaines dans une souffrance horrible, j'ai l'impression qu'on m'arrache le coeur.
Je sais que si je vais consulter un psychiatre, il m'étiquètera "deuil pathologique", me prescrira des antidépresseurs, et me conseillera de "venir en parler". Mais je ne veux pas parler, je veux pleurer et trouver une consolation. Où le retrouver ? Ni dans les lieux, ni dans les objets.
Que puis-je faire ?

Caroline3

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #1 le: 10 mai 2012 à 16:20:44 »
Bonjour Hérissonne,

Si tu ne peux pas en parler, pourrais-tu nous l'écrire? Qui était ton mari? À quoi ressemblait-il? Que faisiez-vous ensemble? Le quotidien, c'était bien? Tiens, qu'est-ce qu'il aimait manger?

Nous serons présents pour lire ta réponse.

Beaucoup de courage, et je crois, très sincèrement, que c'est bien de ça que tu es faite: une montagne de courage!

Amitiés,

Caroline

cello59

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #2 le: 10 mai 2012 à 22:15:59 »
"Hérissonne",  (… un prénom serait plus "humain")

Après Caroline et Yohann, j'essaie de t'apporter une réponse, certainement très incomplète, et peut-être maladroite ou inadaptée.

Je retiens surtout que, 8 ans après, ta blessure est toujours très profonde, comme si la cicatrisation n'avait pu se faire progressivement, au fil du temps.
Aussi, je souhaite d'abord te proposer de visionner une vidéo d'une récente conférence du Dr Christophe Fauré, qui a écrit le livre "Vivre le deuil au jour le jour" dans lequel beaucoup d'entre nous ont trouvé réconfort et apaisement. Il nous guide dans le chemin de deuil qui nous est propre.
Tu retrouveras cette vidéo, qui nous a été proposée hier, dans le fil "Conférence de Christophe Fauré".

C. Fauré y explique en particulier que le processus de deuil consiste en une longue cicatrisation intérieure, qui nécessite que l'on y consacre du temps, que l'on mobilise nos forces afin qu'il s'opère (il faut "user la douleur"). Si cette cicatrisation ne peut se faire correctement, alors la blessure ne se referme pas, ou mal.
Il me semble que tu pourras déjà y trouver des réponses à certaines questions qui te taraudent, mieux comprendre ainsi la nature des bouleversements que tu vis encore.

Reviens-nous ensuite, et essaie de nous en dire plus sur ton vécu :
- dans quelles conditions ton mari t'a-t-il quitté il y 8 ans?
- après le décès de ton mari, as-tu eu la possibilité de prendre soin de toi? As-tu pu recevoir un appui auprès d'associations venant en aide aux personnes endeuillées?
- comment étais-tu alors entourée? Comment l'es-tu aujourd'hui? Quels proches peuvent te venir en aide ou te soutenir?
- …..

Bon courage, et à très bientôt.

Très cordialement.     Daniel
« Modifié: 10 mai 2012 à 22:22:28 par cello59 »

hérissonne

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #3 le: 13 mai 2012 à 18:08:35 »
Merci pour vos réponses, je n'avais pas consulté le site avant et je ne savais pas qu'on m'avait répondu.
Mon mari est mort après dix mois de souffrance d'un cancer. Il voulait que personne ne sache qu'il était malade, et je devais constamment mentir ou ruser pour dissimuler son état à ses proches. C'était une double peine pour moi, car je devais tout faire toute seule et je ne pouvais demander d'aide ou de conseil à personne. Mais j'ai été son "vaillant petit soldat", me battant toute seule à ses côtés pour le soutenir et apaiser sa souffrance physique et morale.
Depuis, je suis de plus en plus seule : sa famille et ses amis m'en ont voulu d'avoir gardé ce secret, et peut-être pensent-ils que c'était ma seule initiative pour l'isoler d'eux. Mais c'était sa fierté : il ne voulait pas qu'on le voit ou le sache diminué, il se sentait humilié d'être malade (il était médecin). Quant à mes amies et à ma propre famille, elle n'a pas supporté de me voir toujours dans la souffrance, et de garder ma fidèlité à celui que j'aime si longtemps après. Je l'aime toujours, et je suis toujours mariée.
Après sa mort, j'ai écrit un livre, que j'ai envoyé à tout le monde, pour raconter ces dix mois de souffrance et d'amour. Mais les gens n'ont pas compris que c'était peut-être un appel de ma part, ils n'ont pas apprécié ma franchise alors, et personne ne m'a répondu.
J'ai écrit un recueil de poèmes sur lui, sur nous, mais personne ne les lit !
Voilà où j'en suis maintenant : je sais que le sens de ma vie, c'est simplement vivre, pour garder son souvenir, peut-être pour écrire notre histoire (projet récurrent) si j'en ai la force.
Mais par moments, je n'ai plus de forces, c'est trop dur d'être tout seul, de ne pas avoir une épaule sur laquelle pleurer, j'ai envie de tout abandonner...


hérissonne

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #4 le: 14 mai 2012 à 10:06:37 »
Je remercie tous ceux qui m'ont répondu et dit des paroles sages et pleines de compassion. Je n'ai pas tout lu, je n'ai pas pu. Mais j'ai fait une erreur en venant sur ce site. Je sais que je ne peux trouver d'aide. Je dois continuer à cheminer seule sur mon chemin de ronces jusqu'à  ce que je le rejoigne, c'est ma seule raison d'être. J'ai eu un moment de faiblesse, dans une trop grande détresse, je le regrette.
Merci encore et adieu.

Caroline3

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #5 le: 14 mai 2012 à 13:30:15 »
Chère Hérissonne, même si en ce moment, tu préfères prendre du temps hors de ce site, tu seras toujours la bienvenue. La compassion, le soutien peuvent simplement aider à avoir moins mal. À rendre la vie plus douce.

Je pense à toi, aujourd'hui, à partir du Québec. Et te souhaite quelques secondes, minutes de douceurs.

Bon courage,

Amicalement,

Caroline

cello59

  • Invité
Re : huit ans après
« Réponse #6 le: 14 mai 2012 à 15:03:13 »
Non, "Hérissonne", pas adieu, mais à bientôt.

Pourquoi appuyer sur une blessure encore ouverte au point de te faire mal, alors qu'il faudrait y appliquer un baume apaisant?
Pourquoi être inhumaine avec toi, alors que c'est de douceur que tu as besoin afin de retrouver un peu de sérénité?
Pourquoi dire que tu as "fait une erreur en venant sur ce site", alors qu'il est fait pour des personnes comme toi et comme nous tous?
Pourquoi, quand on s'apprête à se "noyer", refuser les mains qui se tendent?

Avouer ses faiblesses (d'ailleurs est-ce une faiblesse que de rechercher une aide qui nous est indispensable?), n'est-ce pas d'abord être pleinement humain.


J'ai lu ton dernier commentaire, alors que je devais m'absenter quelques heures pour aller rechercher un de mes petits-fils à l'école afin de l'accompagner pour le déjeuner. Toute la route, tes propos m'ont "tracassé", et je cherchais que te dire afin de te convaincre de rester avec nous.
Attendant quelques minutes mon petit-fils, j'ai alors poursuivi la lecture du livre "La consolation", et ce sont ces propos de Philippe Grimbert (psychanalyste et écrivain) que j'ai eu alors sous les yeux. Je te les livre, car ils disent, mieux que je ne saurais le faire, ce qu'il convient de te dire, et te convaincre en particulier que tu ne vis pas un "deuil pathologique".
"Lorsque je suis en deuil, je ne veux pas être consolé, je ne veux pas oublier que je suis "en deuil de", je veux simplement que le deuil soit supportable, pouvoir vivre en paix avec, sans ressentir une douleur trop aiguë, afin de continuer à faire vivre à l'intérieur de moi ceux que j'ai perdus"
"On ne dit pas à un patient : Ne pleurez pas. On lui dit : Allez jusqu'au bout de vos larmes"
"Au moment où j'ai vécu des deuils extrêmement douloureux, ma douleur était encore plus grande à l'idée qu'un an ou deux ans plus tard, je pourrais oublier d'aller fleurir la tombe de ceux qui venaient de partir. Il m'était curieusement très douloureux d'imaginer que je n'allais plus souffrir, autrement dit que j'aillais les" faire mourir" à nouveau. Et si quelqu'un m'avait dit que je les oublierais certainement un peu, un jour, j'en aurais été malade car je n'ai absolument pas le désir d'oublier les morts. Je veux que cela reste vif!"


Si tu le veux, raconte-nous ton histoire au travers de quelques extraits du livre que tu as écrit, qui témoignent de "dix mois de souffrance et d'amour" (Marina avait ouvert, à cet effet le fil "Racontons notre histoire"). Ce sera un témoignage de vie pour nous tous.
Comme t'y invite Yohann, donne nous à lire également quelques beaux poèmes que tu as écrits. Certain(e)s d'entre nous sont particulièrement sensibles à cette forme d'expression.

Si d'autres, qui ne comprennent pas, n'ont pas voulu te lire, ici tu seras lue.

Alors, à très bientôt "Hérissonne".

Cordialement.    Daniel