Un mois, deux mois, six mois, un an... le temps passe, le manque et l'absence restent. On ne s'habitue pas à l'absence, on s'habitue à vivre avec le chagrin. Il n'y aura jamais rien pour remplacer celui qui est parti, il y aura peut-être autre chose.
J'écris à mon mari, au jour le jour. J'écris pour lui raconter ma vie sans lui. J'écris pour lui dire à quel point c'est dur. J'écris pour avancer, faire un pas, puis un autre, vers...

Vers rien. Vers demain. Pas de victoire à continuer de respirer. Mais surtout, ne pas m'arrêter maintenant. La mort me l'a volé, elle ne me détruira pas. Si je dois choisir de partir, je le ferais lorsque j'aurais retrouvé un peu de sérénité.
J'ai discuté avec un psy et arrêté quand il m'a demandé de lui parler de mon enfance! J'ai discuté avec un pasteur, et l'ai quitté quand il m'a parlé "des forces du mal".
Maintenant, je discute avec Pierre, mon mari.
Parfois, je lui fais une réflexion à haute voix. Nous avions tant de choses qui nous liaient, il y avait tant d'Amour, de la joie, de la passion, des projets. Je continue sans lui, pas à pas. Son grand départ m'a fait chercher et trouver au fond de moi des ressources insoupçonnées. Il était exceptionnel et je me laissais vivre avec lui. Je dois être à la hauteur de ce qu'il m'a appris, je n'ai pas le droit de le décevoir, il a été si courageux dans la maladie. C'est une belle Âme et elle doit encore exister à travers moi, à travers ce que je fais chaque jour, à travers mes écrits.
Parfois, je lui écris simplement que je l'aime, comme s'il était en voyage. Parfois, je lui demande comment faire ceci ou cela, comme s'il allait me répondre. J'insère dans mon texte des photos, de la maison où nous avons été si heureux, de la famille qui s'agrandie, un pêle-mêle de lui enfant et ado, des poèmes, des paroles de chansons... Parfois, je sens très nettement qu'il me guide, sans pour autant le sentir au dessus de mon épaule; j'aimerais bien, mais non. En Ange Gardien, j'ai du mal à l'imaginer! Non, c'est un outil que je cherche, et ... un outil que je trouve dans un endroit incongru, c'est un appel au secours et une réponse par le biais d'un rayon de soleil, une plume d'oiseau... que sais-je, tous ses messages sont tellement bienvenus!
Je parle beaucoup de lui autour de moi, et souvent je parle de lui encore au présent. J'aime qu'il fasse partie de nos conversations, qu'il existe encore par des riens, une bougie que j'allume dès le matin, certains de ses vêtements que je porte... Je n'en fais pas un héros, ni une idole, c'est l'homme que j'aime et je le garde avec moi, autour de moi, en moi.
Chaque jour j'apprends. Je pleure toujours, je cris parfois, je maudis la terre entière, je me recroqueville dans un coin de notre lit, maintenant bien trop grand. Et puis je m'endors épuisée. Et au matin, je repars, un pied après l'autre et encore un.
Je ne veux pas penser à l'avenir. Sans lui, cela me semble insurmontable. Le présent est déjà si dur à vivre.
Oui, c'est un combat quotidien. 15 mois et 10 jours que je lutte. Déjà. Seulement.
Et demain est un autre jour.
Nous n'avons pas pu avoir d'enfant. J'aurais tant voulu avoir un petit "Pierre" miniature, pour lui raconter son père. Mais je continue, aussi parce qu'il y a plein de personnes comme moi et de savoir que je ne suis pas seule me donne du courage.
Il parait que peu à peu les périodes "positives" l'emportent sur les moments de désespoir. Si on le dit...
Françoise, prends un cahier et un stylo, un ordi, n'importe quoi et raconte ta douleur, tes bonheurs, ton désespoir, l'Amour, le jour de votre rencontre, la naissance de ta puce,... Comme moi, pleurs et ris en construisant cet immense puzzle qui sera un jour les racines de ta fille. Ecris tout sans retenue aucune, tu corrigeras plus tard, quand ton coeur sera plus calme. Construis sur le néant de ce départ.
Faisons cela, ensemble.
PiMa