Bonsoir à vous tous et toutes qui me faites du bien depuis quelque temps.
Je n'ai pas écrit avant, je n'en avais pas la force ni l'énergie. Je le fais ce soir mais sans grande conviction quant à ce qui peut sortir de moi. Je vais simplement vous raconter notre histoire.
Je m'appelle Nathalie, mon mari c'est André. Il nous a quittés dernièrement suite à un long et courageux combat contre le cancer. Un combat que nous avons fait ensemble pendant 3 ans, au terme duquel tout s'est écroulé. Tout, autour et en dedans de moi.
Nous nous sommes connus au collège, à 13 ans. C'était une école privée, un endroit fantastique où nous étions pensionnaires durant la semaine et à la maison la fin de semaine. Il a été mon premier amour, m'a offert mon premier baiser. Je me rappelle la toute première fois où je l'ai vu, notre première conversation. Il arrivait d'Algérie où il avait vécu pendant 2 ans avec sa famille pour le travail de son père. La bas, il fréquentait un Lycée français pour l'élite et quand il est arrivé avec ce petit accent français (nous sommes québécois), j'ai craqué. Il etait brillant, avait un regard bleu intense et il parlait si bien... Je rêvais d'Afrique et d'aider. Dès nos premiers échanges, nous refaisions le monde.
Nous étions si jeunes. Lui, il a su à ce moment que j'étais la sienne, la bonne, celle qu'il allait aimée toute sa vie. Il a su aussi que nous avions des choses à vivre et à expérimenter chacun de notre côté. Çe que nous avons fait d'ailleurs, après quelques petites années de collège. Moi je n'avais aucune idée de rien... Nous étions si jeunes...
Nous avons fait chacun notre vie, en se croisant parfois mais toujours au mauvais temps. Puis un jour, 20 ans plus tard, nous avons organisé une grande fête de réunion de notre promotion. La magie de ce moment restera à jamais gravée dans ma mémoire. Et c'est suite à cette soirée que nous avons repris contact. Durant nos années séparées, il avait pris soin de tout mettre en place pour que mes rêves puissent se réaliser le jour où nous serions réunis. Vous dire à quel point cet homme était merveilleux... Il avait mis sur pied une entreprise, établi des contacts en Afrique et travaillé à un projet extraordinaire pour me permettre de réaliser mon rêve. Sans connaître à ce moment ses sentiments si profonds, je suis venue travailler avec lui à partir de là. J'ai finalement vu et connu l'Afrique. Plusieurs fois. Puis il m'a dévoilé toute sa vérité sur l'amour qu'il me portait depuis tout ce temps. C'était tellement gros, j'ai eu du mal à y croire... Et j'ai mis beaucoup (trop) de temps à m'abandonner à lui.
Il a attendu... Patiemment, sans jamais vouloir me faire de tord, en souffrant de mon absence... de mes promesses non tenues... d'un divorce extrêmement difficile et du manque de ses enfants... Il m'a attendue parce qu'il savait que c'était moi, la femme de sa vie.
Et il avait raison. Comment il savait tout ça reste un mystère... Mais il avait raison. Nous étions faits l'un pour l'autre. Parce bien évidemment, un jour je me suis abandonnée à lui et j'ai ainsi connu le grand amour. Un amour sain, vrai, respectueux, grandiose. Nous avons été amis, partenaires, amoureux et nous avons fait une équipe de feu.
Puis est arrivée la maladie il y a 3 ans. Boum, incurable. Un cancer avancé avec métastases. Il n'y a rien à faire, que peut être acheter un peu de temps avec quelques traitements qu'il faudra faire un apres l'autre, dans un ordre donné. Chacun pouvant acheter entre quelques et plusieurs mois, toujours en causant des effets secondaires désagréables. Ok, on prend le premier (hormonothérapie), on gagne 3 mois, puis ca revient. On prend la Chimio, le maximum de sessions, pendant 8 mois, on gagne 2 mois de plus et ça revient. Reste un traitement et on y met tous nos espoirs. On gagne 3 mois et ça revient... Ça revient toujours avec un peu plus de force en prenant toujours bien soin de détruire ou d'affaiblir le système au passage. La on nous dit que c'est bien fini, qu'il n'y a plus rien à faire... On y a jamais vraiment cru à la fin. Et pas plus cette fois. Y a de la recherche qui se fait, on va tenter cette avenue. Çe que nous avons fait, mais il se faisait tard, la destruction etait bien entammée. Ca n'a pas fonctionné. Nous avons su début fevrier... On nous a dit moins de 3 mois. Il est décédé le 8 avril, bien exactement 2 mois plus tard.
Jusqu'à 2 semaines avant sa mort, nous y avons cru... On allait vaincre cette foutue maladie. Pendant 3 ans, nous avons tout essayé, alimentation, médecine alternative, produits naturels, frequences radios... Jamais nous n'avons lâché. Puis, le 23 mars, en nous rendant à une transfusion sanguine, ça m'a frappée, comme un coup de poing au coeur. C'était fini, je venais de perdre espoir. Ce moment a été d'une souffrance inouïe, que je n'avais jamais anticipée. Perdre espoir, c'est insensé.
C'est à partir de là que la douleur s'est installée en moi, pour ne plus me quitter. Les 2 semaines qui ont suivi ont été atroces. Mon amour s'en allait et je ne pouvait rien faire. Je l'ai accompagné jusqu'au bout, je l'ai rassuré, j'ai promis de me relever, de continuer et de vivre pour nous deux, j'ai calmé ses inquiétudes, j'ai créé un environnement de confiance et d'amour à l'entour de lui... Je voulais qu'il soit paisible et qu'il se sache aimé. Je savais qu'il allait mourir mais je n'étais toujours pas prête quand le moment est venu. Nous avons passé les 4 derniers jours dans une maison de soins palliatifs. À chaque jour, lorsque la journée était passée, que tout le monde était parti, on se retrouvait tous les deux, tranquilles, je lui donnais à boire, on écoutait de la musique. Il ne parlait presque plus et dormait beaucoup. Il se réveillait souvent la nuit parce qu'il avait soif. Un peu d'eau et on se rendormait. De toutes façons, on ne dormait plus tranquilles depuis des mois. À chaque jour, c'était une autre journée de passée et on se réveillait le lendemain. Puis ce samedi soir là, il a eu de très grosses douleurs, comme je ne l'avais jamais vu en avoir. Il etait 21:30, sa dose était prévue à 22:00. J'ai sonné et l'infirmière est venue lui donner une entre-dose. Puis revenue à 22:00 avec la dose prévue. J'ai dit que je n'allais pas dormir au cas où il ait encore mal, je voulais pouvoir les avertir rapidement. Elle m'a dit de dormir qu'elle allait passé aux 30 minutes. Je me suis endormie à 23:30 collée sur lui, puis réveillée 1h plus tard. Elle etait à côté du lit et m'a dit qu'elle le trouvait encombré dans la gorge, qu'elle allait aller chercher un médicament pour le désencombrer et qu'elle revenait tout de suite. Je me suis rendormie. 10 minutes plus tard elle m'a réveillé et m'a dit "il est en train de partir". Je me suis immédiatement assise dans le lit en Indienne, je lui ai caressé la tête et le bras, j'ai dit ne t'inquiète pas, on va être ok. J'ai tout ce que j'ai trouvé à dire. Le reste il le savait de toutes façons. Elle m'a expliqué qu'il aurait encore quelques respirations mais qu'elles seraient éloignées les unes des autres.... Ca a duré quelques minutes, je ne sais pas. Puis un moment donné j'ai demandé s'il allait y en avoir une autre et elle m'a dit non. Le coeur de mon amour avait arrêté de battre...
Ma vie venait de changer à tout jamais...
Depuis cet instant, je ressens un vide immense. C'est comme un grand trou directement en plein milieu de mon corps. Il me manque cruellement. Je m'inquiète pour les enfants (les siens de sang et les miens de coeur) qui souffrent aussi beaucoup. Je n'arrive pas à rester chez nous, dans notre maison... J'arrive à y aller mais jamais seule. Tout ca est tellement irréel... Je fais de mon mieux pour m'en sortir mais je souffre atrocement. On n'a pas eu assez de temps, mais ça a été les plus beaux moments de ma vie. Lorsque je lui ai dit ça, il a repondu, tant mieux, c'etait exactement mon but...
Finalement, il est sorti beaucoup plus de moi que je ne le pensais au début de ce récit.
Merci pour ce forum et pour toutes vos contributions qui m'ont accompagnée dans les dernières semaines. Je suis absorbée par ma douleur mais encore capable d'être sensible au fait que vous souffrez tous et toutes aussi beaucoup. Mes meilleures pensées sont avec vous.