Bonsoir à toutes et à tous, comme il est apaisant et réconfortant de lire tous vos messages. On peut laisser couler ses larmes, exploser de colère et de douleur, hurler sa peine, coucher ses états d'âme sans jamais se sentir jugé, sans craindre de lasser nos interlocuteurs.
Ce week-end de Pâques a été interminable. Et le soleil qui brillait poussait à sortir pour tenter de se réchauffer un peu. Mais les rues, les parcs étaient remplis de gens heureux, de familles exposant leur bonheur au plein jour, d'amoureux main dans la main. Comment leur en vouloir ? Ils ne sont pas responsables de nos malheurs, de notre chagrin incommensurable. Mais c'était tout simplement insoutenable. Et ces larmes qui reviennent comme les vagues sur le sable. Impossible de retenir ce flot incontrôlable. Et là, on a envie de leur hurler la mort de son amour en pleine face et leur demander s'ils sont bien conscients de la chance qu'ils ont d'être à deux et s'ils sont au moins capables de le savourer. Au lieu de ça, on ravale ses larmes tant bien que mal, on entend se dire que le deuil est encore récent, que la douleur passera, qu'il fait beau, qu'il faut malgré tout profiter de la vie parce qu'on est vivant. Non, on n'est pas vivant, on est mort nous aussi, on est mort à l'intérieur ou tout au moins on est parti pour un très long sommeil. Et puis il faut aussi écouter les histoires des copines sur meetic qui en plus demande notre avis, notre ressenti. Alors comme elles ont été présentes ces derniers temps, on les écoute, on n'ose pas leur dire que l'on s'en fout, qu'on est pas réceptif là, que c'est le cadet de nos souci. Qu'on a juste besoin de ne pas être seule mais qu'on n'a pas forcément envie de parler, c'est pas qu'on se fout de leur vie mais juste qu'on arrive plus à gérer la nôtre, alors... Et pour occuper le temps qui nous parait interminable, on se fait un ciné qui nous laisse froid comme un glaçon. Retour à la maison, fin du week-end pourri. Juste envie de se mettre sous la couette, s'enfouir, se cacher et laisser libre cours à sa douleur.
Et je me refais le film de nos deux dernières années de bonheur. J'essaie de revivre par le menu chaque instant que nous avons passé ensemble mon chat et moi. Et resurgissent sans cesse ces deux mois dingues, absurdes, abominables à l'hôpital de Rouen, mon amour devenu martyr. Et cette vie qui s'étire sans but depuis le 30 janvier. Moi aussi j'ai mis des photos partout. J'avais déjà affiché notre amour au temps du bonheur et depuis qu'il est parti j'en ai rajouté, en grand format. J'ai besoin de m'entourer de son visage, dans toutes les pièces, comme un rempart protecteur à trop de douleur. Et je suis en train de préparer de jolis livres plein de bonheur, de douceur, d'amour.
Nous aussi Sylvie nous habitions dans deux villes différentes, Alain à Rouen et moi à Nantes. Mais j'étais chez lui (qui était devenu aussi chez moi) lorsqu'il est mort. Il m'avait légué, notamment, par testament sous seing privé, tout ce qu'il y avait dans son appartement. Dans un souci d'apaisement et pour tenter de les réconcilier après la mort, j'ai tout remis à son fils avec qui Alain était fâché depuis plus de 4 ans. Nous avons organisé la cérémonie d'adieux ensemble. Mais c'était moi la détentrice de ses cendres, au funérarium de Rouen. Nous étions convenus d'organiser une jolie fête de départ en Haute-Savoie à la Toussaint avec tous les gens qu'Alain aimait pour un dernier au-revoir. Toute à la douleur d'avoir perdu mon amour, j'étais heureuse malgré tout d'avoir créé des liens que je pensais fort avec son fils. J'avais l'impression de tenir entre mes doigts un petit fil qui me reliait toujours à mon chat, notamment à travers ses deux petits-enfants qu'il n'avait jamais eu la joie de connaître. Et puis, il y a 8 jours en allant chercher le reste de mes affaires à Rouen, j'ai appris que son fils avait volé les cendres de son père pour les "monnayer" contre les assurances vie que mon amour m'a laissé. Aujourd'hui encore ça me semble impensable tellement c'est abjecte. Chaque fois que j'y pense, j'ai des nausées. Toute la semaine dernière, j'ai été très abattue, choquée que l'on commettre un tel acte. Et puis j'ai tout de même décidé de me battre par voie légale. Ergé a raison de te dire de te battre. Tous ces gens qui agissent de la sorte ne sont que des imbéciles dénués de tout sentiment qui ont une revanche à prendre sur leur triste vie. Je ne suis pas croyante mais je me dis malgré tout qu'ils pourront me voler tout ce qu'ils veulent, y compris les cendres de mon amour, ils ne me voleront pas son âme. C'est moi qu'il aimait et je le porte en moi. Personne ne nous volera jamais l'amour que nous nous portons. Mais il ne faut pas non plus baisser les bras même si la douleur nous anéantit et que nous nous passerions bien d'un combat supplémentaire.
Du courage, du courage, du courage, c'est tout ce qu'il nous faut. Mais ce que nous avons vécu nous appartient à jamais. Nous avons tous connus ici, des amours extraordinaires. Aux imbéciles, tant pis pour eux, ils ne connaîtront jamais ce bonheur-là...
Je vous embrasse tous. Merci d'être là
Je t'aime mon chat
Gaëlle