Des fois ça va, des fois je suis triste, des fois j'angoisse et lorsque mes sentiments dominants sont négatifs c'est pénible.
Marre de me traîner trop souvent même si j'arrive à faire des choses et que j'avance, d'autre fois, je recule tellement psychiquement que c'est décourageant !
Marre d'être submergé par la peur d'un seul coup ou par la mélancolie.
Marre des médicaments.
Je me demande si ça ne va pas finir par m'avoir à l'usure tout ça car on croit qu'on mène un combat alors on se dit logiquement qu'à un moment soit on perd et on meurt (ou on sombre) soit on gagne mais il y a une fin au moins.
Mais non, tant qu'on reste sur le ring, tant qu'on ne déclare pas forfait, il n'y a jamais de fin... "Ca s'en va et ça revient" comme disait Claude François (j'aime pas citer des intellectuels).
2 ans et demi que ma femme est partie et cela continue inlassablement même si les choses s'atténuent.
Le combat est continuel (jusqu'à ce qu'on tire enfin le rideau ?) et c'est en cela qu'il est épuisant.
On ne stabilise jamais un état émotionnel qui a été complètement anéanti, si ?
On met en place des stratégies, bonnes ou mauvaises, pour tenir debout, on segmente sa vie en moments où on doit assurer, en moments où on médite, où on essaye de se stabiliser, en moment où l'on chiale comme un bébé... l'existence se résume à cela : une sorte de bordel émotionnel qu'il faut gérer. On devient des espèces de bipolaires...
Certains arrivent à dépasser cet état, peut-être, je me demande comment ils font.
Est-ce parce qu’ils n'ont pas été complètement anéantis car ils avaient des ressources mentales, ou des ressources "matérielles" et humaines leur permettant de se focaliser sur autre chose : un travail formidable, leurs croyances, beaucoup d'argent leur permettant de s'isoler loin, ailleurs, de se reposer, de se tirer...
Il y a les enfants et la famille, ça c'est important quand il y en a, pour se dire qu'il faut tenir (pas le choix), ça donne une motivation pour le combat mais ça ne donne pas d'armes et de solutions.
On m'a évoqué le cas de France Gall récemment (c'est d'actualité), qui avait perdu sa fille et son mari, et on me disait qu'elle, elle avait été très forte !
Comment a-t-elle fait ?
Bien sûr, la douleur est la même pour tout le monde, mais c'est peut-être plus gérable (je ne dis pas atténué) si l'on peut faire comme France Gall et partir en Afrique ou ailleurs vers une autre vie plutôt que de devoir reprendre un quotidien parfois un peu plus lourd ou empêtré dans les merdes . Et encore, pour ma part, je ne suis pas dans les plus à plaindre j'ai pu me sortir de la banqueroute, mais j'imagine celles et ceux qui se retrouvent en plus de la peine avec des ennuis matériels dont ils se passeraient bien.
Voilà, je me faisais ces réflexions concernant la gestion de la peine et de tous les sentiments négatifs...
Si ça se trouve, le fait de s'en sortir ne dépend pas de nous uniquement mais aussi des ressources extérieures dont on dispose, à moins de devenir complètement fou (comme ça le problème est réglé) ou encore d'être à la base plus rustique, avec un seuil de tolérance face à la perte injuste d'un être cher bien plus élevé qu'un être humain qui a vécu dans un environnement civilisé et pacifié.
Je me demande si, aux antipodes de France Gall, ceux qui viennent d'un monde brutal et violent n'arrivent pas aussi à s'en sortir mieux que d'autres parce qu’ils ont été baignés dans la brutalité et la violence, alors ils encaissent. Ils ont l'habitude. Par contre, le revers de la médaille, c'est qu'ils ont une forte chance d'être devenus des gens robustes certes, mais aussi insensibles, voire brutaux, à l'image de l'enfer de leur quotidien, et même à moitié dingues !
Je crois que les autres ne se rendent pas bien compte de ce que c'est au jour le jour, comme ces gens qui me disent souvent "il faut remonter la pente". Ce n'est pas un coup de blues bordel de merde, voir la mort en face et la mort de son amour, c'est un peu plus violent que ça !
Bref...
Il faut continuer le combat pour vivre au mieux, c'est épuisant, mais il le faut parce qu'il reste des choses à faire, pour l'entourage, et parce que de ce malheur de merde il ressort aussi des choses positives même s'il faut parfois creuser franchement pour les trouver. Et parc qu'on a sans doute une âme et tant qu'on est physiquement sur terre, on doit accomplir des choses !
Mais je dois me rendre à l'évidence, si c'est faisable, je crois, il faut ramer, ramer, ramer, toujours ramer... Tant mieux pour ceux qui ont un moteur à leur bateau, ceux qui n'ont qu'une petite cuillère et un canoé vont en baver davantage mais on fait avec ce qu'on a (les fameuses ressources matérielles) !
Ce n'est vraiment pas tous les jours facile et l'idée de se laisser emporter par le courant, et pourquoi pas de se laisser couler dans un remous sans se débattre, peut paraître tout simplement apaisante !
Le repos, juste le repos, ça paraît luxueux !
Tant mieux pour ceux que la vie n'a pas fait atterrir dans ce fleuve long et noir de la tristesse.
Après ces réflexions, je vais reprendre mes rames et pagayer, pagayer, pagayer, y'a pas d'autres choix.
J'aurais bien aimé ne pas me retrouver dans le fleuve de la tristesse avec son courant si puissant, mais si je me laisse porter par sa force ça n'ira qu'en empirant et je me retrouverai dans un fleuve encore plus large et puissant, alimenté par ses affluents que sont la culpabilité, la peur, la nostalgie et combien d'autres encore ! Et au final c'est l'océan du désespoir et du néant, alors tout ne sera que noirceur !
Pagayer, il faut pagayer !