FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Vivre le deuil de son conjoint => Discussion démarrée par: tony36 le 05 février 2018 à 16:07:35

Titre: à l'usure
Posté par: tony36 le 05 février 2018 à 16:07:35
Des fois ça va, des fois je suis triste, des fois j'angoisse et lorsque mes sentiments dominants sont négatifs c'est pénible.
Marre de me traîner trop souvent même si j'arrive à faire des choses et que j'avance, d'autre fois, je recule tellement psychiquement que c'est décourageant !

Marre d'être submergé par la peur d'un seul coup ou par la mélancolie.
Marre des médicaments.

Je me demande si ça ne va pas finir par m'avoir à l'usure tout ça car on croit qu'on mène un combat alors on se dit  logiquement qu'à un moment soit on perd et on meurt (ou on sombre) soit on gagne mais il y a une fin au moins.
Mais non, tant qu'on reste sur le ring, tant qu'on ne déclare pas forfait, il n'y a jamais de fin... "Ca s'en va et ça revient" comme disait Claude François (j'aime pas citer des intellectuels).
2 ans et demi que ma femme est partie et cela continue inlassablement même si les choses s'atténuent.

Le combat est continuel (jusqu'à ce qu'on tire enfin le rideau ?) et c'est en cela qu'il est épuisant.
On ne stabilise jamais un état émotionnel qui a été complètement anéanti, si ?
On met en place des stratégies, bonnes ou mauvaises, pour tenir debout, on segmente sa vie en moments où on doit assurer, en moments où on médite, où on essaye de se stabiliser, en moment où l'on chiale comme un bébé... l'existence se résume à cela : une sorte de bordel émotionnel qu'il faut gérer. On devient des espèces de bipolaires...

Certains arrivent à dépasser cet état, peut-être, je me demande comment ils font.
Est-ce parce qu’ils n'ont pas été complètement anéantis car ils avaient des ressources mentales, ou des ressources "matérielles" et humaines leur permettant de se focaliser sur autre chose : un travail formidable, leurs croyances, beaucoup d'argent leur permettant de s'isoler loin, ailleurs, de se reposer, de se tirer...
Il y a les enfants et la famille, ça c'est important quand il y en a, pour se dire qu'il faut tenir (pas le choix), ça donne une motivation pour le combat mais ça ne donne pas d'armes et de solutions.

On m'a évoqué le cas de France Gall récemment (c'est d'actualité), qui avait perdu sa fille et son mari, et on me disait qu'elle, elle avait été très forte !

Comment a-t-elle fait ?

Bien sûr, la douleur est la même pour tout le monde, mais c'est peut-être plus gérable (je ne dis pas atténué) si l'on peut faire comme France Gall et partir en Afrique ou ailleurs vers une autre vie plutôt que de devoir reprendre un quotidien parfois un peu plus lourd ou empêtré dans les merdes . Et encore, pour ma part, je ne suis pas dans les plus à plaindre j'ai pu me sortir de la banqueroute, mais j'imagine celles et ceux qui se retrouvent en plus de la peine avec des ennuis matériels dont ils se passeraient bien.

Voilà, je me faisais ces réflexions concernant la gestion de la peine et de tous les sentiments négatifs...

Si ça se trouve, le fait de s'en sortir ne dépend pas de nous uniquement mais aussi des ressources extérieures dont on dispose, à moins de devenir complètement fou (comme ça le problème est réglé) ou encore d'être à la base plus rustique, avec un seuil de tolérance face à la perte injuste d'un être cher bien plus élevé qu'un être humain qui a vécu dans un environnement civilisé et pacifié.

Je me demande si, aux antipodes de France Gall, ceux qui viennent d'un monde brutal et violent n'arrivent pas aussi à s'en sortir mieux que d'autres parce qu’ils ont été baignés dans la brutalité et la violence, alors ils encaissent. Ils ont l'habitude. Par contre, le revers de la médaille, c'est qu'ils ont une forte chance d'être devenus des gens robustes certes, mais aussi insensibles, voire brutaux, à l'image de l'enfer de leur quotidien, et même à moitié dingues !
 
Je crois que les autres ne se rendent pas bien compte de ce que c'est au jour le jour, comme ces gens qui me disent souvent "il faut remonter la pente". Ce n'est pas un coup de blues bordel de merde, voir la mort en face et la mort de son amour, c'est un peu plus violent que ça !

Bref...

Il faut continuer le combat pour vivre au mieux, c'est épuisant, mais il le faut parce qu'il reste des choses à faire, pour l'entourage, et parce que de ce malheur de merde il ressort aussi des choses positives même s'il faut parfois creuser franchement pour les trouver. Et parc qu'on a sans doute une âme et tant qu'on est physiquement sur terre, on doit accomplir des choses !

Mais je dois me rendre à l'évidence, si c'est faisable, je crois, il faut ramer, ramer, ramer, toujours ramer... Tant mieux pour ceux qui ont un moteur à leur bateau, ceux qui n'ont qu'une petite cuillère et un canoé vont en baver davantage mais on fait avec ce qu'on a (les fameuses ressources matérielles) !
Ce n'est vraiment pas tous les jours facile et l'idée de se laisser emporter par le courant, et pourquoi pas de se laisser couler dans un remous sans se débattre, peut paraître tout simplement apaisante !
Le repos, juste le repos, ça paraît luxueux !
Tant mieux pour ceux que la vie n'a pas fait atterrir dans ce fleuve long et noir de la tristesse.

Après ces réflexions, je vais reprendre mes rames et pagayer, pagayer, pagayer, y'a pas d'autres choix.
J'aurais bien aimé ne pas me retrouver dans le fleuve de la tristesse avec son courant si puissant, mais si je me laisse porter par sa force ça n'ira qu'en empirant et je me retrouverai dans un fleuve encore plus large et puissant, alimenté par ses affluents que sont la culpabilité, la peur, la nostalgie et combien d'autres encore ! Et au final c'est l'océan du désespoir et du néant, alors tout ne sera que noirceur !
Pagayer, il faut pagayer !

Titre: Re : à l'usure
Posté par: souci le 05 février 2018 à 16:18:08

   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.

   
   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.

   M.

   
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Nicole54 le 05 février 2018 à 20:43:53
...de tout coeur avec vous.

Je prends la rame aussi......même si je viens tout juste d'embarquer......je ne veux pas rester sur la rive...ou m'étourdir dans un bouillon....

Donc je vais pagayer aussi....ca va me faire du bien aux "gras de bras".... et je dormirai exténuée la nuit venue.

Amitié xxx
Titre: Re : à l'usure
Posté par: qiguan le 05 février 2018 à 20:53:49
Tony
tu as su décrire les réalités vécues et différentes sans doute
il y aurait beaucoup à échanger sur tout cela ...
mais pagayons
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Eric38 le 06 février 2018 à 08:47:16
Le club des galériens est ouvert...tout le monde à la rame !  ;)
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Alexandra le 06 février 2018 à 15:46:24
Bonjour Tony,
Merci pour ce que tu écris, merci parce que ça fait sortir les larmes dont j'avais justement besoin. Plus d'un an et demi, je ne sais plus bien, je ne compte plus... Je suis toujours là, hébétée, à attendre d'atteindre à nouveau la "rive des vivants" comme on me l'a promis. J'ai arrêté de pagayer, je me laisse dériver avec le courant. J'ai arrêté de lutter contre la réalité. Tom est mort et il ne reviendra pas.

Pourtant j'en ai fait du chemin. J'ai rencontré quelqu'un et je n'ai pas refusé de vivre ce que j'ai à vivre avec lui. Je suis en train d'acheter la maison dont on rêvait avec Tom avec l'assurance vie. J'ai même fait ce que je refusais, faire quelque chose de bien pour moi de la mort de Tom, en me protégeant d'une famille trop intrusive. Le parfait exemple de celle qui "s'en sort" et qui est "forte". Des foutaises oui... Je suis fatiguée, épuisée de tout ce chagrin qui ne me quitte pas.

Mais comment je suis arrivée à donner le change? Justement avec ce que tu décris. J'ai grandi dans la violence physique de ma mère et psychologique de mon père. Sauf que grandir dans la violence ne te prépare pas à celle-là... A la mort de Tom, je suis partie à 1000 km. Sauf qu'en partant si loin des bribes de notre vie, la violence a été encore plus brutale. J'avais cru jusque là qu'en me battant, je pourrais m'en sortir. J'étais persuadée que j'avais déjà vécu toute la violence supportable pour une vie entière. C'était faux.

Plus d'un an j'ai lutté. La colère et la culpabilité ont nourri le déni, comme si être en colère contre Tom, contre moi, contre le monde entier, contre la vie allait me ramener Tom. Il n'est pas revenu, j'ai largué mes rames dans le courant, j'ai vomi ma colère et ma culpabilité à m'en rendre folle. Depuis je dérive avec le courant, j'attends la prochaine catastrophe avec angoisse parce que maintenant je sais, je sais que je n'ai pas de prise sur certaines choses. J'ai arrêté de pagayer, parfois le courant mène vers des bras de rivière plus calmes, j'essaie de ne pas penser au torrent qui m'attend au bout.

Alors je vous verrai peut-être passer les uns et les autres avec vos canoës et vos petites cuillères ou pour les plus chanceux avec vos bateaux à moteur. Si vous en avez envie, arrêtez vous un moment, on fera un bout de dérive ensemble... En ce moment, là où je suis, ça pleure encore et ça rit enfin, ça fait toujours de jolis arcs-en-ciel.

Alex
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Nicole54 le 06 février 2018 à 15:52:28
Citer
Le club des galériens est ouvert...tout le monde à la rame !  ;)-Eric
;D ;D :'( :)

Alexandra....je sens ton impuissance...et ta force...

Reste aux aguêts....il arrive qu'on rame à contre-courant....on va te ramasser....
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 06 février 2018 à 17:05:06
Sérieusement, il faudrait un programme de réinsertion pour les gens trop déglingués... Je sais pas moi, tailler des vignes, faire quelque chose de manuel, de concret.
Tout, mais pas être collé devant un ordinateur avec des applications informatiques ou faire des réunions abstraites.

Je crois que ce n'est pas bon pour un cerveau abîmé.

Je l'avais déjà évoqué dans un sujet sur la réinsertion après un drame. Il y a tout un suivi psychologique qui existe, mais après ? Après il faut ramer, moi je le fais sur le plan personnel, mais sur le plan professionnel c'est la misère.
Je patauge et c'est ça qui me plombe.
Je ne récupère plus mes capacités, j'en n'ai plus rien à foutre de faire carrière ça n'a aucun sens,  je n'arrive plus à m'intéresser aux trucs qui servent à rien comme les applications informatiques.
J'ai pas l'énergie pour changer de voie, j'en utilise bien trop à me réguler tous les jours.
C'est un peu dommage, je trouve, d'arriver à ramer pour sortir un peu de la tristesse mais d'être rattrapé par le quotidien.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: souci le 06 février 2018 à 17:27:04
    Salut compagnons rameurs,

    Eh oui ... on vit dans des pays "riches" à cette condition de servir toutes sortes d'intérêts sibyllins qui sont censés "rapporter", mais au fond, ils rapportent surtout de l'ennui et toujours plus de frustrations tellement nous sommes harcelés par la propagande consumériste.

   Enfin, l'autre jour je suis tombée sur un documentaire détaillant l'engrenage absolument infernal dans lequel est maintenu le peuple Nord-Coréen (23 millions de personnes), bien sûr leur misère ne nous console en rien des travers de notre propre société, mais ce peuple-là me fait vraiment de la peine, ces gens n'ont même pas de barque ni de sagaie pour bouger, ils sont pris dans les marécages ...

    Nous, on peut toujours essayer de faire "des choses", on a des opportunités.
    Mon admirable grand-mère répétait souvent: "La nécessité rend l'Homme ingénieux".
    En deuil, nous remettons en question nos nécessités.
    Courageons, les amis, M.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Nicole54 le 06 février 2018 à 21:01:08
Souci..tu m'inspires aujourd'hui! xxx
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Titenam le 07 février 2018 à 07:57:22
Comme ton témoignage raisonne en moi en ce moment... je tente les actives manuelles à m’en dégoûter ça apaise sur le moment mais une fois terminé , tout est encore là, prêt à repartir dans la dérive parce que  tout cela semble tellement inutile... je ne trouve pas de solution... comme toi je perds patience avec ces va et vient émotionnel  alors que je dois me retrouver une vie au risque de tout perdre...
Titre: Re : Re : à l'usure
Posté par: Eric38 le 07 février 2018 à 09:38:06

 j'en n'ai plus rien à foutre de faire carrière ça n'a aucun sens,  je n'arrive plus à m'intéresser aux trucs qui servent à rien comme les applications informatiques.


je suis pareil . La carrière, les gadgets, me semblent sans intérêts.


    Eh oui ... on vit dans des pays "riches" à cette condition de servir toutes sortes d'intérêts sibyllins qui sont censés "rapporter", mais au fond, ils rapportent surtout de l'ennui et toujours plus de frustrations tellement nous sommes harcelés par la propagande consumériste.


c'est tellement vrai.
Claire, mon épouse, avait compris cela dès le début de sa maladie. Les soucis matériels de ses collègues ou de ses proches lui laissait l'impression d'être plus ou moins artificiels. Elle s'est cherché spirituellement pendant ses dernières années, rejetant le consumérisme qu'on nous assène sans fin et qui n'a qu'une finalité : remplir les poches des grands patrons.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 07 février 2018 à 15:02:04
C'est exactement le problème et ce que je trouve terrible : c'est d'être rattrapé après tout ce chemin par ce que je vais qualifier vulgairement de "toute cette merde".

Le consumérisme, les gadgets, le fric, le matérialisme, etc etc etc...

D'ailleurs, "toute cette merde" porte bien son nom vu que c'est ce qui tire le monde vers le bas (le mal, l'abrutissement, la destruction, appelez cela comme vous le voulez).  Moi j'appelle cela plus souvent "la merditude" lorsque je médite.

On pagaye, on souffre, on s'interroge sur le sens de la vie, on pense avoir compris certaines choses, et tout ça pour quoi ?

Pour se foutre devant une application informatique complètement débile dès qu'on est en état ?

Voilà la merditude qui revient.

J'en suis arrivé à la conclusion que ça n'avait pas de sens.
Je ne sais pas quelle est la solution mais je suis certain que si ça n'a pas de sens il faut en trouver un ou qu'il faut le provoquer.
Je cherche, je creuse, mais dans mon coin comme un con je ne trouve pas grand chose et ce n'est pas mon chat grignette qui va pouvoir m'aider malgré son intelligence supérieure ! Intelligence supérieure car pour elle, l'important dans la vie c'est d'être aux côtés de ceux qu'elle aime et non pas d'avoir le dernier smartphone bourré d'applications qui la laisse complètement indifférente, cqfd.

En attendant je compartimente les choses, le travail, la famille, le monde, j'essaye de me diriger vers un statu quo avec le monde extérieur et surtout avec la merditude.
Mais la merditude est partout, difficile de l'éviter (j'aimerais bien et c'est ce que j'essayais d'expliquer quand je parlais des ressources : certaines ressources matérielles et spirituelles permettent de s'affranchir davantage de la merditude et ça, c'est un atout incontestable dans le chemin de la vie d'après). 

A tout cela, les être pragmatiques m'ont dit que je devais faire un travail pour reprendre confiance en moi (dans le but de reprendre ma carrière en main etc...). Je comprends cela comme le fait qu'il faudrait que j'élimine tout ce que j'ai acquis de positif dans ce drame pour ne garder que des souvenirs douloureux et afin d'essayer de redevenir un connard lambda bien intégré.
J'ai des doutes sur ce point de vue et je me demande si les "êtres pragmatiques" ne sont pas en train de m'enfumer grave en me servant un dogme issu directement de la toute puissante merditude !
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Alexandra le 07 février 2018 à 16:03:06
Bonjour Tony,
C'est bien absurde tout ça et au fond on le savait tous bien avant de traverser toute cette horreur. Nous en tout cas, on attendait de pouvoir changer de vie, se trouver une maison au milieu de nulle part, la bricoler du sol au plafond, planter nos légumes. On n'a juste pas eu le temps... C'est pile quand ça aurait pu commencer que Tom est mort. Va savoir s'il avait senti les choses venir, s'il avait tellement envie qu'on ait notre vie de rêve qu'il a tenu bon le plus loin possible... Va savoir si ça n'est pas la merditude qui justement l'a tué, parce qu'il avait du mal à la supporter, le manque de reconnaissance au travail, les batailles administratives pour des conneries, les saloperies qu'on mange et qu'on respire... Je crois que je ne le saurai jamais.

Mais ce que je sais, c'est que la merditude n'a plus la même prise sur moi. Je travaille, j'avais négocié mon poste avant qu'on apprenne pour ce foutu cancer et que Tom ne meure. Je travaille mais je ne me laisse plus bouffer comme avant par les cons arrogants. En ce moment, c'est vraiment magnifique, nos adhérents sont super insultants avec mes patrons et ma collègue. Moi, je rigole à chaque mail pour les aider à dédramatiser et j'apporte mon soutien du mieux que je peux mais je ne me laisse pas impacter. Je m'en fous, s'ils ont envie d'être cons et arrogants, grand bien leur en fasse! Souvent, je ne fous pas grand chose de ma journée parce que je n'y arrive pas. Je m'en fous, j'arrive plus tôt, je repars plus tard ou je me bouge le lendemain.

La merditude, je la laisse aux autres, je l'ignore complètement. Si ça me permet de rentrer un salaire sur mon compte en banque, tant mieux. J'en ai besoin pour tenir la promesse que j'ai faite (ou plutôt que je me suis faite) dans ce que j'avais écrit à Tom pour la cérémonie. Je vais l'acheter notre maison, les planter nos légumes et essayer de bricoler (sans me couper un doigt ou m'assommer mais c'est pas gagné!). Je crois bien qu'une des solutions pour supporter la merditude, c'est de réussir à trouver un équilibre ailleurs, le jour où on arrive à trouver de la place pour soi dans le vide intersidéral de ces deuils. Acheter une maison, faire du bénévolat, peindre, changer de travail, s'occuper des enfants, câliner le chat, méditer, ... il y a un million de possibilités pour faire pencher la balance vers la coolitude.

Bon c'est facile à dire, malgré les cons arrogants, j'ai quand même un travail qui a du sens, mes employeurs sont de vrais Bisounours et après une thèse j'ai suffisamment de ressources pour que les jours où je suis incapable de travailler soient indétectables. Mais j'espère que mon je m'en foutisme de la merditude sera contagieux. Il y a des réfractaires, des "toi c'est pas pareil, t'es forte", mais j'ai bon espoir d'être contagieuse.

Et pour les pragmatismes et leurs bons conseils, c'est sûrement les mêmes qui expliquent de tourner la page ou de se foutre un bon coup de pied au cul. A priori, ils ont fait un choix qui leur convient dans leur vie, tant mieux, mais ça n'est pas forcément le bon chemin pour toi.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Titi62 le 07 février 2018 à 18:12:51
Alexandra, Tony,

C'est vrai qu'on est changé par le drame que l'on vit. Je continue à travailler mais les choses n'ont plus du tout la même importance. Je me sens détachée devant tous les petits tracas des uns ou des autres. Je n'ai plus d'énergie à mettre dans la poursuite d'une carrière ou dans la résolution de problèmes qui me paraissant tellement futiles aujourd'hui.
Les gens me trouvent zen alors qu'en fait je suis vide, mais je poursuis ma route, en attendant .... je ne sais pas quoi.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 12 février 2018 à 12:40:02
Avec la merditude, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de ce que j'avais à voir dans la vie, mais il me reste un entourage et une famille et je ne dois pas l'oublier.

Ce monde me fatigue, il ne convient pas mais on ne peut rien faire pour le changer. Les gens m'intéressent peu (avant j'aimais bien discuter), ils racontent trop souvent leur quotidien pas plus intéressant que le mien (alors pourquoi en parler ?). Moi, maintenant, j'aime bien échanger pour apprendre quelque chose, avoir une information, un pointde vue, mais ne pas parler pour parler.

Moi aussi je me fatigue et je ne me conviens pas. Je ne suis pas au-dessus de la masse.
Je manque d'énergie, je suis trop cassé, j'ai le cerveau en vrac et je n'arrive pas toujours à faire ce que je souhaite. Je suis devenu nul dans beaucoup de domaines.

Parfois, j'ai hâte que tout se termine, non pas par désespoir, mais simplement pour pouvoir me reposer définitivement et pour ne plus à avoir à soutenir la merditude.

La merditude, c'est à dire le quotidien : les applications informatiques, le boulot, les interdits, les bobos bien-pensants, les radars automatiques, la façon dont on nous dirige sans nous demander notre avis même pour la moindre petite chose (des travaux devant chez soi), tout cela me gonfle profondément.
Marre d'être un pion qui flotte sur l'océan de la merditude dont les courants sont dirigés par les puissants. Si encore ils étaient compétents, lucides et proches du peuples, mais c'est loin d'être le cas. Argent, économie, rentabilité... Qu'est ce qu'ils peuvent emmerder le monde, les puissants, avec leur logique matérialiste !

La merditude, je pense qu'elle pousse les gens à être individualistes et à avoir des idées arrêtées sur tout. On devient un bobo dogmatique (ou à l'inverse un facho dogmatique mais c'est pareil), on s'enfonce dans les loisirs, dans la technologie en passant son temps devant l'ordinateur et le smartphone, on se lobotomise, ou encore on s'enfonce dans ses vices (alcool, drogue, jeux, sexe etc) histoire de vivre quelque chose. On se détache alors complètement de ce qui est humain, de ce qui est réel ou spirituel.

Ma femme me faisait penser qu'il y avait tout de même des gens vraiment au-dessus de la merditude, mais elle est morte.
Il ne faut pas vivre complètement dans le passé et autour de moi, il y a encore quelques personnes au-dessus de la merditude, Il ne faut pas idéaliser ce qui n'existe plus et ceux qui n'existent plus (dans le monde réel) et être aveugle sur ce qui vit encore (ceux qui vivent encore).
Mais c'est tout de même difficile de faire abstraction du passé, il faut faire un effort pour regarder ce que l'on a et pas toujours ce qu'on a perdu.
Ce n'est pas anodin ce qu'on a vécu et ce n'est pas rien la manière dont ça s'est passé pour certain(e)s d'entre nous, c'est une blessure évidemment indélébile. On a beau ramer, faire des choses ; ce qui s'est passé, le drame et avant, revient toujours et encore.
Alors continuer, oui continuer, mais c'est si fatiguant lorsqu'on patauge dans la merditude.

Je crois que c'est cela l'avantage des personnes ayant vécu un drame qui ont des ressources matérielles ou spirituelles suffisantes comme je l'expliquais : ils peuvent s'extraire de la merditude et de sa corrosion pour de vrai.
C'est la solution comme tu disais Alexandra, mais encore faut-il pouvoir le faire !

Comme toi Titi62, je poursuis ma route, mais elle est fatigante...
à l'usure !
Titre: Re : à l'usure
Posté par: 3 pommes le 12 février 2018 à 16:59:59
Bonjour Tony,

La merditude oui ce mot me convient. A chacun d'entre nous d'y placer ce qu'il veut.
Tu as l'air faché avec les applications informatiques, tu en parles régulièrement dans tes messages.  Moi je ne  suis pas une grande fan, je me sers d'un minimum. D'ailleurs si nous communiquons tous sur ce forum c'est bien grace à çà.
Maintenant que la société de consommation que nous vivons  aujourd'hui soit merdique, c'est un fait;   
Quand on subit un deuil, on ne voit plus la vie de la meme  façon.  Tout ce que l'on voudrait c'est retrouver nos biens aimés; Tout le reste est superflu ou  inintéressant. Reste pour certains, notre environnement proche  .
Tu t'es tourné vers la spiritualité et tu médites. il y encore quelque chose qui t'apaise.
A chacun son chemin;
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 14 février 2018 à 14:07:31
Je me suis tourné vers la spiritualité tout en considérant qu'il n'y a pas de réponses sur le "comment ça marche".
J'essaye juste de percevoir des choses, des sensations, afin de suivre ma route, me recadrer, ou m'apaiser, avoir des réponses à mes questions, savoir ce que je dois faire. J'obtiens des résultats je pense mais je trouve cela très compliqué et pas toujours très clair !
C'était si simple lorsque je n'étais qu'un connard qui s'intéressait au fric et à comment concilier toutes les composantes de ma vie pour être le mieux possible, et faire en sorte que mon entourage soit aussi le mieux possible. 

C'est assez compliqué en fait pour quelqu'un qui ne connaissait pas ces choses-là et qui se débrouille tout seul dans son coin sans avoir recours à un mode d'emploi (c'est à dire une religion ou un dogme spirituel).

Je suis très méfiant vis à vis des théories toutes prêtes sur l'au-delà et sur le spirituel.
Comment dire... je pars simplement du principe que si justement il y a une séparation très opaque entre la vie et la mort et qu'on ne sait pas d'emblée ce qu'il y a après la mort, c'est qu'il y a une très bonne raison !
De temps en temps, on a certes un pied dans ce monde, surtout les gens comme nous, et on perçoit certaines choses qu'on peut travailler.
Mais c'est tout... Comment ça marche ? On n'a pas à le savoir !

Certains pensent que la vie est une sorte de test ou un apprentissage, un moyen d'améliorer son âme, ce n'est pas idiot, mais on ne connaîtra pas le sens profond de la vie.

Si nous avions des certitudes, nous ne révélerions pas la véritable nature de notre âme pendant la vie, et les partisans de la théorie de la vie comme une sorte de test ou une école devraient considérer ce postulat de base et ne pas définir des théories sur l'après-vie trop... certaines.

Je prends un exemple : si un dieu avec une barbe blanche descendait sur terre entouré d'éclairs en clarifiant définitivement la situation et en listant par exemple toutes les actions nous conduisant en enfer, c'est à dire dans un endroit où l'on est torturé pour l'éternité. Évidemment toutes les âmes se diraient que Dieu existe, auraient peur de cet enfer et se tiendraient à carreau (à moins d'être franchement très très dérangé) !
Même chose si un ange gardien nous apparaissait sous une forme éthérée façon princesse Leia en nous disant que si on fait telle chose de "mal" on se réincarnera en bousier débile !

Et non, pour qu'on révèle vraiment notre âme, il faut qu'on patauge, qu'on doute et qu'on puise au fond de nous pour vraiment faire ce qu'on pense faire de bien, ou de mal, ou de nécessaire, ou de neutre, pour penser tout simplement, et au final on fait ce qu'on est, on est ce qu'on fait.
Je mets de côté ceux qui suivent des modes d'emploi de la vie, c'est très bien lorsque ce mode d'emploi n'est pas trop mauvais mais lorsqu'il est mal interprété, c'est une autre histoire ! Cela reste des modes d'emploi écrit par des Hommes pour des Hommes, à considérer donc comme tels, rassurants, cadrés, peut-être trop cadrés justement si notre âme doit être testée, montrer ce qu'elle est vraiment car alors il faut qu'elle sorte du cadre et là, ça devient plus dangereux  !
Titre: Re : Re : à l'usure
Posté par: Alexandra le 14 février 2018 à 15:50:54
Bonjour Tony,
Quand je te lis, je me dis que ce fil aurait tout aussi bien pu s’appeler « Et maintenant ? ». Parce que beaucoup d’entre nous ont probablement l’impression d’être morts ce jour-là aussi, beaucoup d’entre nous ont probablement espéré pouvoir mourir de chagrin mais ça ne s’est pas produit.

On est encore là, complètement paumés, l’espace complètement rempli de leur absence, et à se demander pourquoi il faut subir tout ça. A se rendre compte que le monde n’a pas été de tourner avec ses absurdités. A se rendre compte que tout ce qu’on croyait savoir jusque là s’est effondré et qu’on ne sait plus bien si quelque chose a du sens.

Et avec ce même constat, nous allons probablement tous partir dans des directions différentes pour le temps qu’il nous reste. Se battre jusqu’à l’usure pour ceux qui pourront, arrêter de ramer à contre-courant pour d’autres, trouver un autre sens dans la spiritualité pour ceux à qui ça parle, ne plus chercher de sens pour ceux qui n’y croient plus. Il y a sûrement un constat de départ et des millions de possibilités qui en découlent.

Et en te lisant, je me dis que peut-être déjà tu as trouvé une direction. S’extraire de la merditude, s’extraire des dogmes sociaux comme des dogmes spirituels, ça revient toujours dans ce que tu écris. Peut-être que c’est ton chemin à toi maintenant, de trouver une façon de t’extraire de tout ça, malgré les contraintes matérielles et spirituelles. Peut-être aussi que c’est ton chemin à toi d’apprendre à le faire avec tes contraintes matérielles et spirituelles justement. Et avec la souffrance qui est toujours là en arrière plan.

Je n’arrive pas à croire que tu sois juste « devenu nul dans beaucoup de domaines » sans que ce deuil n’ouvre de nouvelles portes. Peut-être pas tout de suite, mais puisque tout a été profondément bouleversé dans ta vie, j’ai envie d’espérer pour toi – et pour nous tous ici – que ces nouvelles portes existent. Maintenant, je ne sais pas où elles se trouvent ces portes, c’est ce que je m’efforce de découvrir entre deux crises de « pourquoi je dois vivre sans toi ? » et c'est pas si simple...
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 22 février 2018 à 17:05:22
Je suis plutôt actif au quotidien, mais j'ai toujours ces pics de douleur très intenses quand ce n'est pas l'angoisse ou le raz-le-bol de la merditude.
la douleur revient toujours,  pour la moindre chose : hier par exemple quelqu'un qui remplissait une petite bouteille d'eau, ça me rappelait les petites bouteilles d'eau de ma chérie que je lui remplissait le soir. C'est gérable dans un environnement plaisant, bien entouré, mais pas dans la merditude.

Ça me donne envie de crier ou de crever.

Le problème de la merditude, en fait, c'est que je crois qu'elle contribue aux pics de douleur et à l'angoisse. Concrètement, vissé devant un ordinateur ou à gesticuler pour des bêtises, ce n'est pas bon pour un cerveau qui a été abîmé.
C'est là que je disais que ceux qui ont les ressources peuvent mieux gérer leur douleur en s'évinçant de nécessités et problèmes du quotidien.
Vas la gérer ta douleur devant un putain de logiciel de merde qui te fait chier (désolé d'être vulgaire).

Je ne peux pas en parler autour de moi, ma famille, pour eux les choses sont censées être rentrées dans l'ordre, mon entourage je ne veux pas qu'il me voit me plaindre, les amis  pffff j'en parle même pas...
Il y a mon psy, c'est tout !

En fait, on attend de nous que les choses soient rentrées dans l'ordre je crois. Voilà, on est censés redevenir comme avant, comme si on s'était pété le pied, mais après un drame c'est compliqué.
Je fais de gros efforts pour faire semblant de comprendre, d'être normal, de pas me plaindre, mais moi parfois j'ai envie de secouer les gens et même de leur taper dessus en leur disant "mais tu comprends pas bordel, tu comprends pas que je peux pas faire ça, que je patauge ou que je n'entrave rien à ce que je dois faire ?"

J'ai assez peur de ma réaction le jour où je vais tomber sur quelqu'un qui voudra me faire du mal : j'entends pas là des réflexions, des remontrances, ou pire encore : du harcèlement moral ou du manque de respect au travail...

Vu que je n'ai plus peur de la mort (je tiens à rester en vie pour mon entourage mais pour ma propre personne, la mort ça ne me fait ni chaud ni froid), je ne crois pas que ça me fasse beaucoup peur d'attaquer quelqu'un si j'estime qu'il veut me nuire dangereusement et surtout si je considère sur le coup que c'est une vraie saloperie !

Une fois un type m'a fait une réflexion sur la bague que je porte (celle de ma femme) et je lui ai collé mon poing dans la figure immédiatement. J'imagine que si je fréquente régulièrement sur une personne cassante et irrespectueuse au travail (en dehors on peut les éviter) ma réaction pourrait être assez vive.

Ce que je veux dire par là, c'est que c'est déjà très dur de gérer la douleur et l'angoisse au quotidien, on ne se rend pas compte quand on n'est pas dedans.
Comme je ne veux pas moisir au fond de mon lit je me force à être assez actif et je me bourre de caféine toute la journée depuis le décès de ma femme (d'ailleurs les médecins se demandaient comment je faisais pour me lever et marcher beaucoup quand j'étais bourré de médicaments puissants). Mais alors par contre je ne peux absolument pas gérer un élément parasitaire extérieur qui viendrait me déstabiliser et me pourrir la vie, j'ai vraiment autre chose à gérer ! Je sais pas si vous comprenez ce que j'essaye d'exprimer...
Titre: Re : Re : à l'usure
Posté par: Mononoké le 22 février 2018 à 22:21:57


Je ne peux pas en parler autour de moi, ma famille, pour eux les choses sont censées être rentrées dans l'ordre, mon entourage je ne veux pas qu'il me voit me plaindre, les amis  pffff j'en parle même pas...

je crois que tu as raison, ça les rassure, ils peuvent retourner dans leur petite vie, j'ai entendu une fois :
"on est rassuré maintenant, on sait que tu vas t'en sortir",.. pffftttt, je les ai moins vu


oui, tu es clair Tony, les autres ont cas ne pas venir te titiller, et c'est tout

je te souhaite un peu de douceur pour cette nuit
affectueusement
Titre: Re : à l'usure
Posté par: qiguan le 22 février 2018 à 22:45:58
comme c'est dit dans la vidéo de l'article donné dans ce fil http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/sur-le-site-dont-est-issu-ce-forum/msg92952/#msg92952
on est tombé de la falaise et on ne pourra jamais y retourner et on ne verra des points de repos = rochers que peu à peu et ils sont bien loin les uns des autres bien souvent
Tony lire tes "colères" semble me montrer que quoique tu en perçoives tu avances et réussis à mobiliser des forces pour ces pensées combattantes et je veux croire que c'est "utile" pour toi, pour continuer
bien amicalement
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Ela le 22 février 2018 à 23:48:14
Oh si Tony ! Je comprends très bien. Trop bien même... Je ne travaillais pas quand mon conjoint est décédé, il y a 22 mois... Et avant ça, j'étais en recherche de travail depuis 10 mois... Donc ça va bientôt faire 3 ans que je suis "hors emploi"... Alors pour moi, la "merditude", actuellement, consiste entre autres choses à essayer de trouver des gens suffisamment bienveillants et compréhensifs pour me donner une chance de ré-investir, petit à petit, une activité. Parce que j'en ai besoin... Ne serait-ce que pour pouvoir recouvrer un minimum d'autonomie financière. Je ne me plains pas, non. Je ne cherche pas un traitement de faveur, de la sur-empathie et surtout pas de la pitié. Juste à être considérée avec humanité... Et malheureusement, c'est loin d'être toujours le cas. Et tout comme toi... toutes ces confrontations, ces prises de tête me désespèrent. Parce que je n'ai plus du tout d'énergie à investir dans des combats qui ne m'intéressent pas...
Je sais que parfois on ne peut pas éviter ces confrontations, mais autant que possible... je crois qu'il faut se préserver... Désormais, lorsque quelqu'un se plaint de choses que je trouve superficielles... ou m'envahit avec ses mauvaises ondes... j'apprends à dire "stop". A dire "non". A couper court, à m'éloigner. Avant que cela ne me bouffe totalement. Et j'essaye de ne pas laisser les ruminations s'installer... et ça, c'est un vrai exercice. Quand je sens que les tracas du quotidien ou les attitudes à la con de certaines personnes me rongent... j'essaye de me ménager une pause au calme et de me recentrer sur ce qui est vraiment important pour moi désormais... De nourrir les relations qui me font du bien et de me détourner de ce qui me fait du mal, sans scrupule... Après, j'ai conscience que dans le monde du travail, cet équilibre est souvent très très difficile à trouver et à maintenir...
Mais ne t'inquiète pas, tu n'es pas le seul, loin de la, à ressentir, parfois... souvent... trop souvent malheureusement... ce rapport aux autres, au monde extérieur... comme une agression. Je suis d'accord avec Qiguan. Je pense que de parvenir à poser des mots sur ces émotions, de réaliser ce qui te fait du bien et ce qui te bouffe dans ton environnement, c'est déjà une façon de te positionner, d'apprendre à gérer ces difficultés.
Je t'envoie mon affection. Et continue à dénoncer la connerie aussi souvent que nécessaire. Ça fait du bien parfois! (d'ailleurs, te lire m'a donné envie de vider mon sac, parce que j'en ai gros sur la patate aussi à propos de la merditude! Alors je vais aller me lâcher un peu dans "les petites phrases dont on se passerait bien..."
Je t'embrasse.

Titre: Re : Re : Re : à l'usure
Posté par: Eric38 le 23 février 2018 à 06:41:51

je crois que tu as raison, ça les rassure, ils peuvent retourner dans leur petite vie, j'ai entendu une fois :
"on est rassuré maintenant, on sait que tu vas t'en sortir",.. pffftttt, je les ai moins vu


 :o
je viens de me rappeler (brutalement pour le coup) que ma famille m'a dit çà il y a quelques mois.
J'ai du l'oublier inconsciemment.....
et effectivement, puisqu'ils se sentent rassurés, ils s'investissent moins.....
Titre: Re : à l'usure
Posté par: arfaca le 23 février 2018 à 09:45:36
Je l ai ressenti ,l entourage est content de noys voir aller mieux et ils lachent prise... car le mieux est parfois éphémère et sentir ces presences s éloigner fait un peu mal!!je me rends compte que la douleur on la combat seul..
Amitiés
Titre: Re : Re : Re : Re : à l'usure
Posté par: Alexandra le 23 février 2018 à 10:00:54
et effectivement, puisqu'ils se sentent rassurés, ils s'investissent moins.....

De mon côté, c'est justement ce qui me fait du bien. Ma famille est rassurée, je travaille (ils n'ont pas besoin de savoir que j'ai des journées où j'en suis incapable), j'achète une maison (ils n'ont pas besoin de savoir que je débloque tellement à l'idée que Tom n'y vivra pas que je pense à y rapatrier ses cendres), je suis occupée les week-ends (ils n'ont pas besoin de savoir que malgré ça Tom me manque horriblement), ... Et c'est vraiment reposant de ne plus avoir leurs jugements de valeur qui me rendaient dingues!

Je vois très bien ce que tu veux dire Tony, d'autant que la colère est la couleur dominante de mes émotions. J'ai toujours du mal avec les jugements extérieurs cela dit, il ne faut pas grand chose pour me rendre dingue. Les "ça va mieux?" et les "tu avances" provoquent une réaction épidermique, je m'énerve ou je fais la morale pendant des heures. Ma meilleure stratégie avec ça c'est l'évitement ou le cloisonnement. Il y a des gens à qui je ne parle pas de certaines choses (par exemple ma famille ne sait pas que j'ai quelqu'un dans ma vie pour qu'ils me foutent la paix), je me garde des moments juste "pour Tom" qui ne regardent personne et je ne parle de mes trucs flippants qu'ici ou à ma psy.

J'espère que je ne réponds pas trop à côté de la plaque Tony, je me suis demandé si ça t'aidait ce que j'écris en le relisant. Surtout n'hésite pas si effectivement ce que je dis tombe à côté.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: nathT le 23 février 2018 à 16:58:31
Bonjour,

Je voulais juste donner mon humble témoignage
Je ne comprenais pas pourquoi mon entourage était vite passé à autre chose (presque 6 mois depuis le départ de mon compagnon)
De la part de mes collègues de travail je trouve normal qu'elles m'en puissent plus de me soutenir; mon chagrin, ma douleur leur font peur.
De la part de mes enfants (mon compagnon n'est pas leur père) je comprends également qu'ils veuillent que j'aille mieux très vite parce que tout simplement ils aiment leur mère et n'ont pas envie voir  de  de me voir souffrir, cela leur fait trop mal
Alors je 'triche' pour ne pas faire de mal à mon entourage je dis que çà va mieux même si ce n'est pas vrai
Je trouve du soutient ailleurs ; ma psy, un groupe de parole constitué de 'veuves'et ce forum ici je me sens bien !
Qu'aurai-je fait à leur place?
Je ne sais qu'aujourd'hui ce qu'on peut dire (quoi que?) à une personne en deuil
Je pense sincèrement que la plupart des gens sont 'bienveillants' et tant pis pour les petites phrases dont on se passerait bien .... on les oublie ..... on se concentre sur celles qui nous réconfortent (il y en a beaucoup, beaucoup ici....)
Nath
Titre: Re : à l'usure
Posté par: MADR le 23 février 2018 à 18:49:24
la  douleur on la combat seule........
 je 'triche' pour ne pas faire de mal à mon entourage je dis que çà va ....... même si ce n'est pas vrai
Ma meilleure stratégie avec ça .....c'est l'évitement ou le cloisonnement

Voilà 3 phrases écrites par : arfaca, nathT et Alexandra.

Je les partage totalement et je me mets en mode OFF , mais est ce la bonne solution??
Titre: Re : à l'usure
Posté par: tony36 le 26 février 2018 à 17:14:11
Bon, j'ai repris le contrôle, pour le moment... Et je vous remercie de vos témoignages.

Alexandra : j'ai eu la même question concernant les cendres.
J'ai décidé de rendre la liberté d'un point de vue symbolique (elle aimait par dessus tout la liberté) à ce qui n'est plus que des cendres, l'âme est ailleurs.
Titre: Re : Re : à l'usure
Posté par: Stana le 27 février 2018 à 18:34:40

   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.

   
   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.

   M.

 
Je me retrouve beaucoup dans ce que tu dis Souci.
Oui, nous sommes à la fois plus forts et plus fragiles, c'est ce que je me suis très souvent dit. Le deuil nous a dévastés, il nous reste cette fragilité extrême, cette hypersensibilité d'écorchés vifs, et en même temps on a dû, dès le début, puiser en nous une force que nous ne soupçonnions même pas, mais qui ètait là en nous, à l'état latent, et qui est sans doute notre instinct de survie, présent malgrès tout. Seul cet instinct nous donne le courage de continuer malgrès tout, de garder un tans soit peu la tête hors de l'eau, de supporter l'insupportable, d'"accepter" l'inacceptable. On sais qu'on n'a pas le choix, et ce, malgrès cette terrible expèrience. Il nous reste ce traumatisme qui nous rend plus vulnérables, et en même temps nous oblige à puiser dans notre force intèrieure...on encaisse, sans que les autres personnes (à part celles qui sont suffisamment perspicaces et intuitives pour comprendre) se doutent, le plus souvent, du combat que nous devons mener. On arrive à être à peu près stoïque? D'après eux, c'est qu'on "encaisse bien", qu'on vas bien même ou/et qu'on a "tourné la page"  >:( ils ne sont pas dans notre tête, ils se fient aux apparences...mais entre nous, nous savons. Et nous comprenons mieux que personne les efforts que ça nous a demandé, et que ça nous demande encore.
Titre: Re : à l'usure
Posté par: qiguan le 28 février 2018 à 09:36:47
je réponds à ton post sur le fil de Stana
ici sur ton fil
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/etre-separes-dans-cette-vie-ci/msg93179/#msg93179
chacun oui peut avoir des expéreinces particulières ou pas
se constituer aussi par des lectures, vidéos conférences des croyances personnelles
en parler ici d'ailleurs le forum est bien fait il y a une section spéciale
http://forumdeuil.comemo.org/philosophie-spiritualite-deuil/

Je partage beaucoup de tes questionnements et de tes croyances cf les liens mis dans la section spiritualité ...
mais nous pouvons ne pas être agressif avec cela, en témoigner sur nos fils, ça sert souvent aussi à ceux qui nous lisent sans s'inscrire ici
L'important est de se sentir cohérent et que ça aide !
douceur ...
Titre: Re : à l'usure
Posté par: Stana le 28 février 2018 à 19:33:21
Voilà qui est bien parlé Qiguan  :-*