Auteur Sujet: à l'usure  (Lu 8248 fois)

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Hors ligne tony36

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à l'usure
« le: 05 février 2018 à 16:07:35 »
Des fois ça va, des fois je suis triste, des fois j'angoisse et lorsque mes sentiments dominants sont négatifs c'est pénible.
Marre de me traîner trop souvent même si j'arrive à faire des choses et que j'avance, d'autre fois, je recule tellement psychiquement que c'est décourageant !

Marre d'être submergé par la peur d'un seul coup ou par la mélancolie.
Marre des médicaments.

Je me demande si ça ne va pas finir par m'avoir à l'usure tout ça car on croit qu'on mène un combat alors on se dit  logiquement qu'à un moment soit on perd et on meurt (ou on sombre) soit on gagne mais il y a une fin au moins.
Mais non, tant qu'on reste sur le ring, tant qu'on ne déclare pas forfait, il n'y a jamais de fin... "Ca s'en va et ça revient" comme disait Claude François (j'aime pas citer des intellectuels).
2 ans et demi que ma femme est partie et cela continue inlassablement même si les choses s'atténuent.

Le combat est continuel (jusqu'à ce qu'on tire enfin le rideau ?) et c'est en cela qu'il est épuisant.
On ne stabilise jamais un état émotionnel qui a été complètement anéanti, si ?
On met en place des stratégies, bonnes ou mauvaises, pour tenir debout, on segmente sa vie en moments où on doit assurer, en moments où on médite, où on essaye de se stabiliser, en moment où l'on chiale comme un bébé... l'existence se résume à cela : une sorte de bordel émotionnel qu'il faut gérer. On devient des espèces de bipolaires...

Certains arrivent à dépasser cet état, peut-être, je me demande comment ils font.
Est-ce parce qu’ils n'ont pas été complètement anéantis car ils avaient des ressources mentales, ou des ressources "matérielles" et humaines leur permettant de se focaliser sur autre chose : un travail formidable, leurs croyances, beaucoup d'argent leur permettant de s'isoler loin, ailleurs, de se reposer, de se tirer...
Il y a les enfants et la famille, ça c'est important quand il y en a, pour se dire qu'il faut tenir (pas le choix), ça donne une motivation pour le combat mais ça ne donne pas d'armes et de solutions.

On m'a évoqué le cas de France Gall récemment (c'est d'actualité), qui avait perdu sa fille et son mari, et on me disait qu'elle, elle avait été très forte !

Comment a-t-elle fait ?

Bien sûr, la douleur est la même pour tout le monde, mais c'est peut-être plus gérable (je ne dis pas atténué) si l'on peut faire comme France Gall et partir en Afrique ou ailleurs vers une autre vie plutôt que de devoir reprendre un quotidien parfois un peu plus lourd ou empêtré dans les merdes . Et encore, pour ma part, je ne suis pas dans les plus à plaindre j'ai pu me sortir de la banqueroute, mais j'imagine celles et ceux qui se retrouvent en plus de la peine avec des ennuis matériels dont ils se passeraient bien.

Voilà, je me faisais ces réflexions concernant la gestion de la peine et de tous les sentiments négatifs...

Si ça se trouve, le fait de s'en sortir ne dépend pas de nous uniquement mais aussi des ressources extérieures dont on dispose, à moins de devenir complètement fou (comme ça le problème est réglé) ou encore d'être à la base plus rustique, avec un seuil de tolérance face à la perte injuste d'un être cher bien plus élevé qu'un être humain qui a vécu dans un environnement civilisé et pacifié.

Je me demande si, aux antipodes de France Gall, ceux qui viennent d'un monde brutal et violent n'arrivent pas aussi à s'en sortir mieux que d'autres parce qu’ils ont été baignés dans la brutalité et la violence, alors ils encaissent. Ils ont l'habitude. Par contre, le revers de la médaille, c'est qu'ils ont une forte chance d'être devenus des gens robustes certes, mais aussi insensibles, voire brutaux, à l'image de l'enfer de leur quotidien, et même à moitié dingues !
 
Je crois que les autres ne se rendent pas bien compte de ce que c'est au jour le jour, comme ces gens qui me disent souvent "il faut remonter la pente". Ce n'est pas un coup de blues bordel de merde, voir la mort en face et la mort de son amour, c'est un peu plus violent que ça !

Bref...

Il faut continuer le combat pour vivre au mieux, c'est épuisant, mais il le faut parce qu'il reste des choses à faire, pour l'entourage, et parce que de ce malheur de merde il ressort aussi des choses positives même s'il faut parfois creuser franchement pour les trouver. Et parc qu'on a sans doute une âme et tant qu'on est physiquement sur terre, on doit accomplir des choses !

Mais je dois me rendre à l'évidence, si c'est faisable, je crois, il faut ramer, ramer, ramer, toujours ramer... Tant mieux pour ceux qui ont un moteur à leur bateau, ceux qui n'ont qu'une petite cuillère et un canoé vont en baver davantage mais on fait avec ce qu'on a (les fameuses ressources matérielles) !
Ce n'est vraiment pas tous les jours facile et l'idée de se laisser emporter par le courant, et pourquoi pas de se laisser couler dans un remous sans se débattre, peut paraître tout simplement apaisante !
Le repos, juste le repos, ça paraît luxueux !
Tant mieux pour ceux que la vie n'a pas fait atterrir dans ce fleuve long et noir de la tristesse.

Après ces réflexions, je vais reprendre mes rames et pagayer, pagayer, pagayer, y'a pas d'autres choix.
J'aurais bien aimé ne pas me retrouver dans le fleuve de la tristesse avec son courant si puissant, mais si je me laisse porter par sa force ça n'ira qu'en empirant et je me retrouverai dans un fleuve encore plus large et puissant, alimenté par ses affluents que sont la culpabilité, la peur, la nostalgie et combien d'autres encore ! Et au final c'est l'océan du désespoir et du néant, alors tout ne sera que noirceur !
Pagayer, il faut pagayer !


Hors ligne souci

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Re : à l'usure
« Réponse #1 le: 05 février 2018 à 16:18:08 »

   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.

   
   Dotés de BEAUCOUP de sensibilité,

   nous sommes A LA FOIS plus fragiles ET plus forts.
   
   Et surtout tout est BEAU.


   M.

   

Hors ligne Nicole54

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Re : à l'usure
« Réponse #2 le: 05 février 2018 à 20:43:53 »
...de tout coeur avec vous.

Je prends la rame aussi......même si je viens tout juste d'embarquer......je ne veux pas rester sur la rive...ou m'étourdir dans un bouillon....

Donc je vais pagayer aussi....ca va me faire du bien aux "gras de bras".... et je dormirai exténuée la nuit venue.

Amitié xxx

Hors ligne qiguan

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Re : à l'usure
« Réponse #3 le: 05 février 2018 à 20:53:49 »
Tony
tu as su décrire les réalités vécues et différentes sans doute
il y aurait beaucoup à échanger sur tout cela ...
mais pagayons
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char

Hors ligne Eric38

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Re : à l'usure
« Réponse #4 le: 06 février 2018 à 08:47:16 »
Le club des galériens est ouvert...tout le monde à la rame !  ;)

Hors ligne Alexandra

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Re : à l'usure
« Réponse #5 le: 06 février 2018 à 15:46:24 »
Bonjour Tony,
Merci pour ce que tu écris, merci parce que ça fait sortir les larmes dont j'avais justement besoin. Plus d'un an et demi, je ne sais plus bien, je ne compte plus... Je suis toujours là, hébétée, à attendre d'atteindre à nouveau la "rive des vivants" comme on me l'a promis. J'ai arrêté de pagayer, je me laisse dériver avec le courant. J'ai arrêté de lutter contre la réalité. Tom est mort et il ne reviendra pas.

Pourtant j'en ai fait du chemin. J'ai rencontré quelqu'un et je n'ai pas refusé de vivre ce que j'ai à vivre avec lui. Je suis en train d'acheter la maison dont on rêvait avec Tom avec l'assurance vie. J'ai même fait ce que je refusais, faire quelque chose de bien pour moi de la mort de Tom, en me protégeant d'une famille trop intrusive. Le parfait exemple de celle qui "s'en sort" et qui est "forte". Des foutaises oui... Je suis fatiguée, épuisée de tout ce chagrin qui ne me quitte pas.

Mais comment je suis arrivée à donner le change? Justement avec ce que tu décris. J'ai grandi dans la violence physique de ma mère et psychologique de mon père. Sauf que grandir dans la violence ne te prépare pas à celle-là... A la mort de Tom, je suis partie à 1000 km. Sauf qu'en partant si loin des bribes de notre vie, la violence a été encore plus brutale. J'avais cru jusque là qu'en me battant, je pourrais m'en sortir. J'étais persuadée que j'avais déjà vécu toute la violence supportable pour une vie entière. C'était faux.

Plus d'un an j'ai lutté. La colère et la culpabilité ont nourri le déni, comme si être en colère contre Tom, contre moi, contre le monde entier, contre la vie allait me ramener Tom. Il n'est pas revenu, j'ai largué mes rames dans le courant, j'ai vomi ma colère et ma culpabilité à m'en rendre folle. Depuis je dérive avec le courant, j'attends la prochaine catastrophe avec angoisse parce que maintenant je sais, je sais que je n'ai pas de prise sur certaines choses. J'ai arrêté de pagayer, parfois le courant mène vers des bras de rivière plus calmes, j'essaie de ne pas penser au torrent qui m'attend au bout.

Alors je vous verrai peut-être passer les uns et les autres avec vos canoës et vos petites cuillères ou pour les plus chanceux avec vos bateaux à moteur. Si vous en avez envie, arrêtez vous un moment, on fera un bout de dérive ensemble... En ce moment, là où je suis, ça pleure encore et ça rit enfin, ça fait toujours de jolis arcs-en-ciel.

Alex

Hors ligne Nicole54

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Re : à l'usure
« Réponse #6 le: 06 février 2018 à 15:52:28 »
Citer
Le club des galériens est ouvert...tout le monde à la rame !  ;)-Eric
;D ;D :'( :)

Alexandra....je sens ton impuissance...et ta force...

Reste aux aguêts....il arrive qu'on rame à contre-courant....on va te ramasser....

Hors ligne tony36

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Re : à l'usure
« Réponse #7 le: 06 février 2018 à 17:05:06 »
Sérieusement, il faudrait un programme de réinsertion pour les gens trop déglingués... Je sais pas moi, tailler des vignes, faire quelque chose de manuel, de concret.
Tout, mais pas être collé devant un ordinateur avec des applications informatiques ou faire des réunions abstraites.

Je crois que ce n'est pas bon pour un cerveau abîmé.

Je l'avais déjà évoqué dans un sujet sur la réinsertion après un drame. Il y a tout un suivi psychologique qui existe, mais après ? Après il faut ramer, moi je le fais sur le plan personnel, mais sur le plan professionnel c'est la misère.
Je patauge et c'est ça qui me plombe.
Je ne récupère plus mes capacités, j'en n'ai plus rien à foutre de faire carrière ça n'a aucun sens,  je n'arrive plus à m'intéresser aux trucs qui servent à rien comme les applications informatiques.
J'ai pas l'énergie pour changer de voie, j'en utilise bien trop à me réguler tous les jours.
C'est un peu dommage, je trouve, d'arriver à ramer pour sortir un peu de la tristesse mais d'être rattrapé par le quotidien.

Hors ligne souci

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Re : à l'usure
« Réponse #8 le: 06 février 2018 à 17:27:04 »
    Salut compagnons rameurs,

    Eh oui ... on vit dans des pays "riches" à cette condition de servir toutes sortes d'intérêts sibyllins qui sont censés "rapporter", mais au fond, ils rapportent surtout de l'ennui et toujours plus de frustrations tellement nous sommes harcelés par la propagande consumériste.

   Enfin, l'autre jour je suis tombée sur un documentaire détaillant l'engrenage absolument infernal dans lequel est maintenu le peuple Nord-Coréen (23 millions de personnes), bien sûr leur misère ne nous console en rien des travers de notre propre société, mais ce peuple-là me fait vraiment de la peine, ces gens n'ont même pas de barque ni de sagaie pour bouger, ils sont pris dans les marécages ...

    Nous, on peut toujours essayer de faire "des choses", on a des opportunités.
    Mon admirable grand-mère répétait souvent: "La nécessité rend l'Homme ingénieux".
    En deuil, nous remettons en question nos nécessités.
    Courageons, les amis, M.

Hors ligne Nicole54

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Re : à l'usure
« Réponse #9 le: 06 février 2018 à 21:01:08 »
Souci..tu m'inspires aujourd'hui! xxx

Hors ligne Titenam

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Re : à l'usure
« Réponse #10 le: 07 février 2018 à 07:57:22 »
Comme ton témoignage raisonne en moi en ce moment... je tente les actives manuelles à m’en dégoûter ça apaise sur le moment mais une fois terminé , tout est encore là, prêt à repartir dans la dérive parce que  tout cela semble tellement inutile... je ne trouve pas de solution... comme toi je perds patience avec ces va et vient émotionnel  alors que je dois me retrouver une vie au risque de tout perdre...

Hors ligne Eric38

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Re : Re : à l'usure
« Réponse #11 le: 07 février 2018 à 09:38:06 »

 j'en n'ai plus rien à foutre de faire carrière ça n'a aucun sens,  je n'arrive plus à m'intéresser aux trucs qui servent à rien comme les applications informatiques.


je suis pareil . La carrière, les gadgets, me semblent sans intérêts.


    Eh oui ... on vit dans des pays "riches" à cette condition de servir toutes sortes d'intérêts sibyllins qui sont censés "rapporter", mais au fond, ils rapportent surtout de l'ennui et toujours plus de frustrations tellement nous sommes harcelés par la propagande consumériste.


c'est tellement vrai.
Claire, mon épouse, avait compris cela dès le début de sa maladie. Les soucis matériels de ses collègues ou de ses proches lui laissait l'impression d'être plus ou moins artificiels. Elle s'est cherché spirituellement pendant ses dernières années, rejetant le consumérisme qu'on nous assène sans fin et qui n'a qu'une finalité : remplir les poches des grands patrons.

Hors ligne tony36

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Re : à l'usure
« Réponse #12 le: 07 février 2018 à 15:02:04 »
C'est exactement le problème et ce que je trouve terrible : c'est d'être rattrapé après tout ce chemin par ce que je vais qualifier vulgairement de "toute cette merde".

Le consumérisme, les gadgets, le fric, le matérialisme, etc etc etc...

D'ailleurs, "toute cette merde" porte bien son nom vu que c'est ce qui tire le monde vers le bas (le mal, l'abrutissement, la destruction, appelez cela comme vous le voulez).  Moi j'appelle cela plus souvent "la merditude" lorsque je médite.

On pagaye, on souffre, on s'interroge sur le sens de la vie, on pense avoir compris certaines choses, et tout ça pour quoi ?

Pour se foutre devant une application informatique complètement débile dès qu'on est en état ?

Voilà la merditude qui revient.

J'en suis arrivé à la conclusion que ça n'avait pas de sens.
Je ne sais pas quelle est la solution mais je suis certain que si ça n'a pas de sens il faut en trouver un ou qu'il faut le provoquer.
Je cherche, je creuse, mais dans mon coin comme un con je ne trouve pas grand chose et ce n'est pas mon chat grignette qui va pouvoir m'aider malgré son intelligence supérieure ! Intelligence supérieure car pour elle, l'important dans la vie c'est d'être aux côtés de ceux qu'elle aime et non pas d'avoir le dernier smartphone bourré d'applications qui la laisse complètement indifférente, cqfd.

En attendant je compartimente les choses, le travail, la famille, le monde, j'essaye de me diriger vers un statu quo avec le monde extérieur et surtout avec la merditude.
Mais la merditude est partout, difficile de l'éviter (j'aimerais bien et c'est ce que j'essayais d'expliquer quand je parlais des ressources : certaines ressources matérielles et spirituelles permettent de s'affranchir davantage de la merditude et ça, c'est un atout incontestable dans le chemin de la vie d'après). 

A tout cela, les être pragmatiques m'ont dit que je devais faire un travail pour reprendre confiance en moi (dans le but de reprendre ma carrière en main etc...). Je comprends cela comme le fait qu'il faudrait que j'élimine tout ce que j'ai acquis de positif dans ce drame pour ne garder que des souvenirs douloureux et afin d'essayer de redevenir un connard lambda bien intégré.
J'ai des doutes sur ce point de vue et je me demande si les "êtres pragmatiques" ne sont pas en train de m'enfumer grave en me servant un dogme issu directement de la toute puissante merditude !
« Modifié: 07 février 2018 à 15:06:45 par tony36 »

Hors ligne Alexandra

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Re : à l'usure
« Réponse #13 le: 07 février 2018 à 16:03:06 »
Bonjour Tony,
C'est bien absurde tout ça et au fond on le savait tous bien avant de traverser toute cette horreur. Nous en tout cas, on attendait de pouvoir changer de vie, se trouver une maison au milieu de nulle part, la bricoler du sol au plafond, planter nos légumes. On n'a juste pas eu le temps... C'est pile quand ça aurait pu commencer que Tom est mort. Va savoir s'il avait senti les choses venir, s'il avait tellement envie qu'on ait notre vie de rêve qu'il a tenu bon le plus loin possible... Va savoir si ça n'est pas la merditude qui justement l'a tué, parce qu'il avait du mal à la supporter, le manque de reconnaissance au travail, les batailles administratives pour des conneries, les saloperies qu'on mange et qu'on respire... Je crois que je ne le saurai jamais.

Mais ce que je sais, c'est que la merditude n'a plus la même prise sur moi. Je travaille, j'avais négocié mon poste avant qu'on apprenne pour ce foutu cancer et que Tom ne meure. Je travaille mais je ne me laisse plus bouffer comme avant par les cons arrogants. En ce moment, c'est vraiment magnifique, nos adhérents sont super insultants avec mes patrons et ma collègue. Moi, je rigole à chaque mail pour les aider à dédramatiser et j'apporte mon soutien du mieux que je peux mais je ne me laisse pas impacter. Je m'en fous, s'ils ont envie d'être cons et arrogants, grand bien leur en fasse! Souvent, je ne fous pas grand chose de ma journée parce que je n'y arrive pas. Je m'en fous, j'arrive plus tôt, je repars plus tard ou je me bouge le lendemain.

La merditude, je la laisse aux autres, je l'ignore complètement. Si ça me permet de rentrer un salaire sur mon compte en banque, tant mieux. J'en ai besoin pour tenir la promesse que j'ai faite (ou plutôt que je me suis faite) dans ce que j'avais écrit à Tom pour la cérémonie. Je vais l'acheter notre maison, les planter nos légumes et essayer de bricoler (sans me couper un doigt ou m'assommer mais c'est pas gagné!). Je crois bien qu'une des solutions pour supporter la merditude, c'est de réussir à trouver un équilibre ailleurs, le jour où on arrive à trouver de la place pour soi dans le vide intersidéral de ces deuils. Acheter une maison, faire du bénévolat, peindre, changer de travail, s'occuper des enfants, câliner le chat, méditer, ... il y a un million de possibilités pour faire pencher la balance vers la coolitude.

Bon c'est facile à dire, malgré les cons arrogants, j'ai quand même un travail qui a du sens, mes employeurs sont de vrais Bisounours et après une thèse j'ai suffisamment de ressources pour que les jours où je suis incapable de travailler soient indétectables. Mais j'espère que mon je m'en foutisme de la merditude sera contagieux. Il y a des réfractaires, des "toi c'est pas pareil, t'es forte", mais j'ai bon espoir d'être contagieuse.

Et pour les pragmatismes et leurs bons conseils, c'est sûrement les mêmes qui expliquent de tourner la page ou de se foutre un bon coup de pied au cul. A priori, ils ont fait un choix qui leur convient dans leur vie, tant mieux, mais ça n'est pas forcément le bon chemin pour toi.

Hors ligne Titi62

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Re : à l'usure
« Réponse #14 le: 07 février 2018 à 18:12:51 »
Alexandra, Tony,

C'est vrai qu'on est changé par le drame que l'on vit. Je continue à travailler mais les choses n'ont plus du tout la même importance. Je me sens détachée devant tous les petits tracas des uns ou des autres. Je n'ai plus d'énergie à mettre dans la poursuite d'une carrière ou dans la résolution de problèmes qui me paraissant tellement futiles aujourd'hui.
Les gens me trouvent zen alors qu'en fait je suis vide, mais je poursuis ma route, en attendant .... je ne sais pas quoi.