Bonjour à toutes et tous.
J'ai besoin de vous écrire aujourd'hui.
Vendredi prochain, cela fera 6 mois, et je me sens plus mal que jamais.
Bizarre ces vagues, avec ces creux, et puis ces remontées, et ces creux encore pire...
Au début, j'étais dans l'action, la gestion de l'administratif, la nouvelle organisation du quotidien pour mes filles et moi, et finalement, même s'il y avait cette souffrance, ça allait.
Ensuite, il y a eu cette période de fatigue, et de grande colère, où je ne supportais plus rien, ni plus personne. J'ai fait un break sans mes filles, et ça allait mieux.
Et puis il y a eu ces "fêtes" de fin d'année, que j'appréhendais, qui ont été dures, mais il y avait le rire des enfants de toute la famille... Le plus dur est finalement le retour de ces fêtes, le retour au quotidien, le retour à cette solitude, ces soirées sans fin, fatigué, mais pas envie de se coucher, envie de s'occuper pour ne pas penser, mais impossible de se concentrer, ni sur un film, ni sur un bouquin. Moi qui adore les BDs, je n'arrive plus à en lire. Je n'arrive plus à m'intéresser aux nouveautés...
Alors il y a seulement une profonde tristesse, et la trouille, la trouille de l'avenir, pour moi, mais surtout pour mes filles.
Elles vont pour l'instant bien. Elles dorment bien sans cauchemars, elles mangent bien, et leurs résultats et comportement à l'école n'ont pas changé.  Je discute beaucoup avec la grande de 8 ans, surtout le soir en la couchant quand on est tranquille tous les 2. Elle parle très librement de sa maman et de ses sentiments. Je pense que c'est très important. Je joue le plus possible avec la petite de 4 ans. Plus difficile d'interpréter ce qu'elle pense et ressent : à son âge, elle ne met pas forcément les mots sur ses émotions. À moi d'être vigilant, à son écoute, et disponible pour ses besoins de tendresse.
Les filles vont bien, heureusement, car c'est déjà lourd à porter, s'occuper seul de 2 petites filles, et leur avenir sans maman est une interrogation permanente pour moi. Heureusement, j'ai dans mon entourage beaucoup d'amies qui m'aide quand je me pose trop de questions, ou qui me prennent les filles quelques heures quand j'ai besoin d'air. Car c'est indispensable de parfois s'éloigner un peu pour mieux revenir.
Et puis, moi, tout au fond en ce moment.
J'ai un coup de cœur pour une femme. Au début, sans que je puisse l'expliquer, et alors que je ne la connaissais quasiment pas, je lui ai parlé très librement de la mort de ma femme, de ma tristesse, de mes peurs. Question de compatibilité de caractères, de sa qualité d'écoute et d'empathie aussi. Elle est devenue très vite une amie et confidente indispensable. Elle même m'a raconté sa vie et beaucoup de choses très intimes. Mais petit à petit, mes sentiments ont évolué : je pense de plus en plus souvent à elle, quand je suis avec elle je vais bien, quand elle n'est pas là elle me manque... Et c'est finalement dur à vivre, car d'un côté j'ai envie d'aller plus loin avec elle, de passer un cap, mais d'un autre côté je n'ai pas envie de la perdre comme amie, de gâcher cette relation amicale qui m'est devenue indispensable. J'ai envie de tendresse avec elle, de chaleur (ne vous y trompez pas, je ne parle pas forcément de sexe, en tout cas ce n'est pas l'essentiel), mais je n'ai pas envie de perdre ce que je vis déjà : coups de fil à n'importe quelle heure, quelques resto confidence en tête à tête, discussions qui durent des heures.
Alors finalement, je laisse le temps faire son œuvre, il se passera ce qui devra se passer, mais parfois, mon cœur se serre : je pense à ma femme, je pense à cette femme, et je peux vous dire que je pleure, je m'effondre, sans réponse à toutes ces questions dans ma tête.

Les ami(e)s, je me livre à vous comme à personne, sauf ma petite sœur, qui est la seule à savoir tout ça. Pas de crainte d'être jugé, c'est pour ça qu'on vient sur ce forum, en tout cas c'est pour ça que j'y viens.

Merci de m'avoir lu,
Fathio.

Fathio,

Ce besoin de tendresse, de compréhension et de partage, nous le connaissons tous, il nous dévore même.
 Il est difficile de vivre dans un désert affectif, et tu es dans cette période des "6 mois" où l'on est complètement déboussolé, on a compris que notre amour était parti mais on a du mal à le laisser nous échapper, je le sais pour l'avoir vécu il y a peu de temps...

Tu as la chance d'avoir rencontré une amie qui t'écoute et partage un peu de ton vécu, elle semble t'apaiser, alors si votre relation doit évoluer elle évoluera. Ne précipite rien et laisse vivre cette amitié qui peut être se transformera. Le principal est d'essayer dêtre honnête avec toi même et avec ton amie. Difficile, sûrement, le discernement nous fait tellement défaut...


Je te laisse ces mots, tirés du livre de Christophe Fauré, je ne sais pas si tu le possèdes, mais c'est le chapitre page 83. Ils m'ont beaucoup interpelés, surtout le passage que je cite à la fin.

" Si on se retrouve seul, on n'en est pas moins confronté à ce possible désir sexuel dans les premiers temps du deuil. Il peut arriver qu'on souhaite avoir des relations sexuelles dans les premiers temps du deuil, même si on éprouve un certain malaise à revendiquer un besoin aussi peu conforme à l'image qu'on a d'une personne en deuil. Là, il est important d'être vigilant pour soi même et pour l'autre : la relation sexuelle ne repose pas toujours sur un sentiment amoureux ; elle peut n'avoir pour but qu'un simple apaisement physique, et il est bon alors d'être le plus honnête possible avec sa partenaire sur ce que l'on recherche vraiment...
L'autre piège est de tomber amoureux dés les premiers instants d'intimité. Bien sûr c'est possible. Mais il faut bien comprendre que ce mouvement n'est le plus souvent qu'une tentative inconsciente de fuir la souffrance du deuil en tentant de la court-circuiter par un élan amoureux. L'autre, en face, existe rarement dans cette situation et , tôt ou tard, on s'en rend compte, alors qu'on est peut être déjà très avancé dans une relation dont on ne sais plus que faire".


Difficile d'y voir très clair dans tout ça hein ? Alors prends le temps, laisse s'épanouir votre amitié, et surtout, essaie d'être honnête avec toi même et ton amie.
Ce n'est là bien sûr que ma façon de voir les choses, et je ne prétends aucunement détenir les clés.

Je t'embrasse
Cathy

Oui Tititou, mes filles vont bien, et étant donné les circonstances, c'est énorme.
Éphémère, je me souvenais de tes mots sur un autre fil, qui m'avaient déjà à l'époque fait du bien, merci. L'expérience de ton vécu, en tant que fille d'un papa qui a pu refaire sa vie me rassure un peu aussi.
Cathy, oui, j'ai lu le livre du dr Faure, et le passage dont tu parles m'avait interpellé. Il n'empêche qu'il est difficile de parler de ce sujet. La preuve, même sur ce forum, où l'on se dit quasiment tout j'ai l'impression, peu abordent ce sujet.
Je suis en plein deuil, je pense même être dans une des phases les plus difficiles. J'aimais ma femme plus que tout, 21 ans de vie commune sans un accroc, sans avoir jamais même l'idée de regarder une autre femme. Et là pourtant, après si peu de temps, ces sentiments qui m'envahissent... J'ai l'impression de la trahir, de la tromper en quelques sorte. Est ce que je l'aimais si fort que ça? Je n'en parle avec quasiment personne, même avec des amis proches, c'est bien que quelque part, j'en ai honte, que je pense mériter, ou craindre, d'être mal jugé.
Même ici, sur ce site, je suis sur que certains qui me lisent me jugent durement, mais ne l'écrivent pas... Pour me ménager, par incompréhension, ou par indifférence tout simplement...
Merci à vous,
Fathio.

bonjour Fathio

honnêtement, je pense que personne ici ne juge .... et en plus ? qu'y-a-t-il à juger ben rien !
on fait face à un vide épouvantable dans notre vie, on essaie de combler ce vide comme on peut ... moi je fume comme un pompier, clop sur clop et je picole trop ... alors tu vois ...

de plus je pense que la libido d'un homme et d'une femme est différente ... L'âge jour aussi un rôle ... on n'a pas les mêmes pulsions à 15, 20, 30,40 ou 50 ans ... ça évolue ...
après à toi de savoir si c'est un coup de cœur ou un désir ....

et puis tu as trouvé quelqu'un a ton écoute, c'est tellement précieux alors je crois que c'est normal que tes sentiments s'embrouillent ... Mais je rejoins les autres, attention à notre fragilité : elle est énorme , on est écorché vif et on ferait n'importe quoi pour ne plus souffrir ou pour moins souffrir ...

Tout comme beaucoup ici qui ont à s'occuper d'enfants, de jeunes enfants, il me semble qu'on ait mis "de côté" notre souffrance pour parer au plus urgent : le quotidien : le gite et le couvert et leur bien-être.
on s'est oublié tout ce temps et quand tout semble "rentrer" à peu prêt dans l'ordre, c'est là que la douleur remonte encore plus cruelle, encore plus intense ... c'est ce que je ressens "maintenant que mes larmes ont trouvé leur chemin, elles deviennent incontrôlables"...

Aucun jugement, il n'y a aucun jugement, il n'y aura aucun jugement. Essaie de faire le point avec toi-même en toute honnêteté  

je t'embrasse

Claire

Oh que si Éphémère, tes mots m'aident toujours.
Tes questions, ces questions, je me les pose sans réponse claire non plus.
Je sais que je n'oublierais jamais mon premier amour, j'en suis sur et certain.
Mes questions, mes doutes, ma honte viennent plutôt de la précocité de ces sentiments ambigus. C'est plus cette précocité que je crains que mon entourage aurait du mal à accepter et à comprendre. Ma belle famille : pour eux, ce serait une sorte de 2ème perte. Mes amis : pour la plupart aussi les amis de ma femme, voire d'abord les amis de ma femme. Ils l'aimaient aussi, ils souffrent aussi, ils pourraient penser que ma souffrance n'aura pas été suffisante. En tout cas, il faudrait beaucoup discuter. Mes filles : personne ne remplacera leur maman, jamais. Mais ce serait normal qu'elles doutent aussi, qu'elles s'inquiètent. Encore une fois, le dialogue devra être primordial.
Sincérité, toujours....

J'ai parfois la sensation de vivre une double peine. De subir plutôt cette double peine.
Perdre mon premier amour, brutalement, sans y être pour rien.
Et ne pas avoir le droit d'en vivre un autre. Comme tu dis : devoir rester définitivement mort à l'intérieur, sec, une enveloppe vide...

Je te cite : rejeter ce qui fait la vie pour être quelqu'un de bien. Il y a évidemment derrière tout ça, derrière cette notion de jugement, un fond de notre éducation globalement judeochretienne : s'autoriser du plaisir est un péché que l'on doit expier. Dans cette tradition, un veuf ou une veuve doit pleurer le reste de sa vie, en tenue noire, ou avec un crêpe noir. C'est cette tradition qui a "inventé" cette notion de "veuve joyeuse" si méprisante... Je suis pourtant athée, je crois encore moins à un dieu bienveillant, depuis que l'une des plus belle personne sur terre est morte injustement il y a bientôt 6 mois, mais cette éducation reste ancrée en nous.

Comme tu vois Éphémère, beaucoup de questions, mais pas plus de réponses que toi...

Affectueusement,
Fathio.

Merci Samy, sincèrement.
Ces mots de Pierre Teilhard de Chardin, que je ne connais pas, me touchent vraiment. Je vais me renseigner sur cet homme.
Et ton intervention me fait plaisir. Je me rends compte que peu d'hommes réagissent sur ce sujet. Par pudeur?
Amicalement,
Fathio