Auteur Sujet: 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...  (Lu 31121 fois)

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Pervenche

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Bonjour,

Mon compagnon Bruno a été victime d'un ACR dans la nuit au mois de mars. J'ai suivi les conseils du service des urgences. J'ai tenté effectué un massage cardiaque sur le lit car je n'ai pas pu le mettre par terre. Les secours sont arrivés et ils ont fait repartir son coeur mais le cerveau a été oxygéné à bas débit trop longtemps. Il est resté dans un comas anoxique pendant 15 jours et nous avons débranché le respirateur.

Je l'ai vu mourir deux fois.

Tout a été très violent et j'ai du mal à surmonter ces images.

Mon compagnon était un homme si doux, si gentil. Nous vivions ensemble depuis presque deux ans. Tout était bien. Je n'avais jamais été si en sécurité avec quelqu'un... nous étions amoureux. Pas un amour passionnel, juste heureux. La violence de ses derniers instants sont tellement en contradiction avec ce qu'il était, j'espère tellement qu'il n'a pas souffert....

Je suis souvent venue en visiteuse sur ce site. Les modules m'aident. Je pense qu'aujourd'hui, je suis à l'étape de déstructuration. La douleur me semble être si forte, intolérable. Je croyais avancer, et tout à coup je m'aperçois que le vide est là et la souffrance me semble être encore pire qu'au début.

Il me manque tellement, ses bras, ses mots, son corps, tous nos éclats de rire... Nous étions au début de notre histoire, nous voulions vraiment qu'elle marche. Nous savions que nous avions quelque chose de précieux. Pourquoi cela n'a t'il pas duré ?

Et maintenant ? ce temps qui m'éloigne et me rapproche de lui. Que faire de tout ce temps ?  Nos enfants respectifs sont adorables avec moi, j'ai beaucoup de chance. Sa famille, son ex femme, tout le monde a été formidable.

Mais malgré tout, chacun est retourné à sa vie. Moi, il était mon quotidien, ma douceur. Pour les autres, cela fait 3 mois, et il est normal que la vie continue. Moi, je voudrais que le temps passe plus vite pour que mon deuil soit moins douloureux !

J'ai tellement l'impression d'être en décalage par rapport à mes amis. Je crois que le deuil nous marque à jamais. Les choses n'ont plus la même importance aujourd'hui. J'ai envie de rapport vrais avec les autres et pourtant je n'arrive pas à aller au devant d'eux...

Bruno, mon ange, merci pour tout le bonheur que tu m'as apporté. Tu es pour toujours en moi.

Merci de m'avoir lue.


Caroline3

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #1 le: 08 juillet 2012 à 21:13:14 »
Bonjour Pervenche,

Trois mois, c'est très très court, on est encore dans la souffrance pure. Ce quotidien qui te manque, son corps, sa gentillesse, ce que vous aviez créé, tout ce que vous vouliez créer... tout, encore tout est coloré de son absence.

Tiens, puisque tu sembles "online" en ce moment, tu pourrais venir nous parler plus longuement de lui, ou des derniers instants. Présente-nous ton amoureux, parle-nous de lui.

Et surtout, continue à croire que ça ira mieux, c'est promis. Tu ne récupéreras pas l'homme que tu as connu, mais tu l'auras différemment, à l'intérieur de toi, tout pur.

Courage, Caro xx

Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #2 le: 08 juillet 2012 à 21:55:58 »
Bonsoir Caroline,

Merci pour ce gentil message. Comment décrire Bruno ? Il était le contraire de tout ce que j'avais vécu. Ce que j'aime en lui c'était sa constance, sa douceur. Il était un vrai gentil. Trop gentil parfois. Les messages de sympathie que nous avons reçus aux obsèques parlaient de sa gentillesse, de sa bonté. Il avait rendu service à tant de gens par son écoute attentive.

Nous revenions d'un cour séjour en normandie. Je lui avait dit que chaque jour, je découvrais de nouvelles qualités. Contrairement aux autres hommes qui partaient "avec un capital de points et qui à chaque fois, par leur comportement, avait -1 point -1 -1..." lui c'était le contraire. Au début, je n'avais pas très envie de le fréquenter. Il ne correspondait pas à l'image "virile" que j'avais dans la tête.

Il a fait du forcing. Je crois, je sais qu'il est tombé amoureux avant moi. J'ai appris à le connaître à aimer sa sensibilité, sa grandeur d'âme. Il me disait "tu es tout pour moi". J'aimais qu'il m'aime autant. C'était la première fois de ma vie et j'ai 48 ans. C'est un amour qui s'est construit petit à petit.

Il avait le sourire toujours. De l'humour. Nous ne nous disputions pas vraiment. Il n'y a pas de choses sur lesquelles j'ai de réels regrets du genre "si j'avais su, j'aurais fait telle ou telle chose". Non, nous étions un couple simple, mais avec une réelle intimité de l'esprit.

Mais ce que j'aimais le plus, c'était cette constance dans ses sentiments. Même quand nous étions en désaccord sur quelque chose. Difficile de se disputer avec lui ! et pourtant, en chipie j'y mettais une sacrée bonne volonté parfois.

Il était facile à vivre, participait à tout dans la maison. Nous pouvions parler de tout. Moi, j'ai toujours peur de tout. Les démarches, les problèmes.... Il me disait "ne t'inquiète pas, je m'en charge".

Il organisait et me faisait participer au choix des sorties, des activités. Nous faisions tout ensemble et du coup, rien n'était une charge. Nous avons fait quantité de choses en un peu plus d'un an et demi : ciné, voyages, famille, vacances, lido, théatre, center parc, promenades.... Une vie en accéléré.
Je lui disais qu'il se rapprochait du prince charmant... et pourtant au début, il ne me plaisait pas du tout !


Avec son décès, j'ai eu l'occasion de voir qu'il n'avait pas une grande part d'ombre. Il était tel qu'il semblait être. Pas de gros secrets. C'est la première fois que je rencontre une vraie personne.

Ses défauts ? oui il en avait : il ne me laissait pas trop mon individualité. Mais il faisait des progrès et avait commencé un livre sur le sujet :"osez la vie à 2". Nous devions le lire à tour de rôle. Nous voulions tant que notre couple fonctionne.

C'était presque trop beau. Je crois que j'ai eu beaucoup de chance mais si peu de temps. La vie n'offre pas de tels cadeaux plusieurs fois. Alors quel avenir ? revivre dans ma tête en boucle mon histoire ?

C'est tellement difficile. J'ai honte de me plaindre avec la chance que j'ai eue. Et pourtant je n'arrête pas de pleurer. c'est comme si j'étais une fontaine. Je suis égoïste quand je pense qu'il y a tant de souffrance par le monde.

J'aimerais te croire Caroline, quand tu dis que cela ira mieux... Es tu passée par tout ce chemin ? combien de temps souffre t'on ?Est ce normal de ressentir une douleur physique ? Ses bras me manquent tant ! Il était si rassurant, je me sens perdue sans lui. Et pourtant avant lui, je vivais sans ce manque. Comment quelqu'un peut prendre autant de place dans notre vie en si peu de temps et laisser tant de vide ?

La semaine prochaine, je vais sur la tombe de Bruno, où sont ses cendres. Ce n'est d'habitude pas mon truc. Mais là, j'en ai besoin. C'est en province et j'irai avec sa maman. Je n'ai pas de culture religieuse. Lui croyait en Dieu, c'était très important pour lui. Depuis mars, je suis allée à l'église me disant que j'y trouverais peut être la paix. Mais parfois j'en veux à ce Dieu s'il existe... alors, je me dis que si je lui en veux, c'est que je lui reconnais une existence... et je pleurs encore.

Merci pour cet espace qui m'a permis de parler. C'est difficile et mes larmes coulent en même temps que j'écris. Je ne sais pas trop qui cela peut intéresser... Peut être juste que ça me libère. Il y a bien un moment où il n'y a plus de larmes... je suis une vraie fontaine depuis 3 mois.


Merci





 

marie-o

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #3 le: 08 juillet 2012 à 22:02:11 »
pervenche,
je ne sais si je peux trouver les mots pour t'apporter un peu de réconfort ,mais je sais qu'ici j'ai trouvé un espace d'expression d'écoute et de soutien , et je souhaite d'en trouver aussi.

oui , le deuil nous amène à changer, ce processus de changement  qu'est la  traversée du deuil , il nous faut l'accueillir, l'accompagner pour ne pas se perdre en chemin. Alors il ne faut pas hésiter à se faire aider , à se faire du bien

il nous faut accepter la douleur , les émotions , comprendre pourquoi ces ressentis et, profiter des moments de répit
 avec toute mon amitié
orchis

Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #4 le: 08 juillet 2012 à 22:14:24 »
Merci Orchis
Me décider ce soir de m'inscrire m'a coûté. Oui, la douleur est là, peut être encore plus intense que durant toutes ces longues semaines.
Je croyais être la seule à souffrir et je découvre que tant d'entre nous ont vécu cela. Je ne croyais pas que tant de gens avaient pu aimer si sincèrement.
Je viens de lire un autre post. celui de Caroline sur la troisième étape. J'ai du mal à me concentrer et je relirai demain. Mais je découvre une telle richesse intérieure de l'être humain. une telle générosité !

Même cela me touche et me fait mal. Je crois qu'en effet, ceux qui ont vécu cela ne seront plus jamais les mêmes. Ils sont en marge du quotidien. En dehors de la médiocrité. Il y a une telle intensité dans la douleur. Une telle quête d'absolu.

Je vais essayer d'apprivoiser ma souffrance. Je me surprends à faire mes choix en fonction de ce qu'aurait fait Bruno.

Cela a été difficile pour moi de franchir le pas de l'inscription sur ce forum, de me livrer. J'ai essayé mais je sais que je n'y arriverai pas seule alors merci pour cet accueil.

Bonne nuit



Chris-ka

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #5 le: 08 juillet 2012 à 22:35:41 »
Pervenche,

Je comprends qu'il soit difficile pour certains d'entre nous de se livrer, de parler de sa souffrance, de dévoiler sa personnalité à travers un forum, à des inconnus virtuels.

Je me suis moi même inscrite ici environ 3 mois après le décès de mon mari et j'y ai trouvé beaucoup de réconfort, tout d'abord par le fait de m'etre sentie moins seule dans ma souffrance, puis d'avoir été écoutée, comprise, réconfortée par des personnes bienveillantes et chaleureuses.

Alors, Pervenche, je pense que tu as bien fait de venir nous rejoindre et si cela te fait du bien, tu peux nous raconter encore et encore tes souffrances mais aussi tes moments de bonheur avec l'homme que tu as aimé ...

Je te souhaite aussi une douce nuit
Karine

Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #6 le: 09 juillet 2012 à 10:07:02 »
Merci Karine de ce message d'accueil.

Une nouvelle nuit sans lui. Le sommeil qui fuit. Puis les cauchemars. Les détails horribles et violents de la nuit de son arrêt cardiorespiratoire.

1ère mort

Les détails du débranchement. L'horreur totale de la violence de l'étouffement.

2ème mort

et pourtant il n'y a pas eu le choix.
J'avais accompagné mon père jusqu'au bout. Son départ s'était fait en douceur.

Mais là. Non ! Je pense que personne ne pouvait prévoir cette violence. Les réactions du corps après la mort....

J'ai mal mais lui ? a t'il souffert ? il parait que non. qu'il était mort cérébralement depuis 15 jours. La deuxième fois c'était juste son écorce corporelle. Mais nous avons tellement espéré en 15 jours, malgré le peu d'espoir de la première nuit. Il fallait au corps médical des certitudes. 15 jours : le temps de dire au revoir pour tout le monde, le temps de dire ce qu'ils n'avaient jamais dit. 15 jours de complications : pneumonie due au respirateur, fièvre, convulsions....
15 jours qui n'auraient pas existé si je n'avais pas fait de massage cardiaque.
15 jours qui ont permis des examens génétiques. Pour ses enfants.

On m'a remercié, et moi j'ai culpabilisé. Avec le recul, je sais qu'il n'y avait pas d'autre choix. J'ai fait ce que tout le monde aurait fait. Mais au delà de 3 minutes d'arrêt les chances de survie diminuent de 10% à chaque minute...

Apprendre les gestes de premiers secours. Avoir un défibrillateur électrique. Ce devrait être obligatoire.
Savoir que le massage cardiaque sert à oxygéner le cerveau.

Et moi, je ne savais pas. j'ai appris dans la panique, en pleine nuit. Sans comprendre ce qui arrivait.

Et puis l'autopsie. Pas de raison, rien. Mon amour est mort et il n'y a pas d'explication.

Le don de la cornée. Qui n'a pas servi. Mais je ne regrette pas ce don. J'aurais seulement préféré qu'il soit utile. Parce que Bruno aurait aimé aidé quelqu'un une dernière fois.

Mes larmes coulent encore en écrivant cela. Et pourtant, malgré tout, je vous épargne la description des vrais détails.

Et ce matin, je suis en vacances. Sans lui.

Un nouveau jour sans toi, mon ange.

Peut être que je vais très mal parce que je sais que nous avons rendez vous sur ta tombe dans quelques jours. J'ai envie d'aller te voir et pourtant je redoute ce moment.

Peut être ce besoin de donner une vraie réalité à ton départ. Plus que d'enlever tes vêtements de l'armoire, d'ouvrir ton courrier, de recevoir tes enfants sans toi.

J'ai eu beau changer des petites choses à la maison, tu es partout. Ce lit où j'ai tenté de te sauver. Cette île qui était notre où nous nous retrouvions chaque nuit...

Désolée, je n'arrête pas de penser à moi. Je n'arrive pas à m'ouvrir à la souffrance des autres. J'aimerais pouvoir être attentive comme je l'étais, comme nous l'étions. Mais aujourd'hui, il n'y a que cette douleur au fond de moi.

Comme un retour aux premiers jours en avril.

Demain cela fera 3 mois.

Claire



Hors ligne Méduse

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Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #7 le: 09 juillet 2012 à 12:30:58 »
Chère Pervenche,

Comment pourrais-tu penser à autre chose en ce moment et t’occuper des autres. Il y aura le temps pour cela. Laisse couler tes larmes, elles t'apaiseront.

C’est une belle histoire d’amour que la vôtre.

Moi aussi, j’ai fait du massage cardiaque à mon mari selon les instructions d’un service des urgences (je l’avais appris, mais cela faisait trop longtemps pour le faire sans instructions). L’instant d’avant, il s’était effondré, inconscient et s’arrêtait de respirer à côté de moi, alors que j’appelais les urgences. Il a repris sa respiration suite au massage cardiaque, mais il restait inconscient. Je lui parlais sans arrêt et le suppliais de revenir. Je lui ai dit tout ce que je souhaitais lui dire. Peut-être vingt longues minutes plus tard ou même plus, les pompiers sont arrivés, puis les urgentistes. Ils m’ont dit de m’éloigner. Je me préparais déjà pour les suivre à l’hôpital et écrivais un mot pour notre seconde fille qui devait rentrer de son stage. Elle est rentrée. Elle avait eu l’intuition qu’il fallait qu’elle se dépêche pour rentrer. Je l’ai mise au courant. Elle ne voulait pas entrer dans la maison pour assister à la réanimation. Je suis restée avec elle dans le jardin. Nous nous sommes tenues et avons parlé à son âme. Au bout d’une heure, ils nous ont dit qu’il était décédé d’un AVC.

En arrivant, les pompiers me disaient que j’avais fait ce qu’il fallait. Moi aussi, je me dis qu’il aurait eu une mort rapide et paisible si je n’avais pas tenté de le réanimer. Mais je n’ai pas réfléchi. Au moins, je ne peux pas m’en vouloir de ne pas avoir agi. A midi même, nous avions parlé tous les trois d’AVC et qu’il valait mieux pouvoir partir que de rester en vie avec d’horribles séquelles. Pour faire mon deuil pour mon mari, cela nous aide de savoir qu’il aurait préféré cette issue.

Nous étions déjà en deuil pour ma fille ainée décédée sept mois et un jour avant son papa. Je viens de lire qu’il faudrait surveiller préventivement les personnes endeuillées, car les infarctus et les AVC sont fréquents pendant un deuil.

J’aimerais dire ici, que les urgentistes se sont bien occupés de ma fille et moi après le décès et ne sont partis qu’une fois que nous avions de l’aide extérieur.

Pervenche, as-tu déjà écouté la conférence du Dr. Fauré ou des modules vidéo ? Ils t’aideront à comprendre ce qui se passe en toi :

http://www.inrees.com/Conferences/dimensions-du-deuil-Comment-vivre-le-deuil/

http://www.traverserledeuil.com/etre-accompagne/les-modules-daccompagnement

Je te souhaite beaucoup de patience. Prends bien soin de toi

Méduse

Chris-ka

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #8 le: 09 juillet 2012 à 12:44:42 »
Claire,

Ton histoire me ramène 7 mois en arrière, le matin de son décès, arrêt cardiaque aussi. Contrairement à toi, je n'ai pas su faire les gestes pour tenter de le sauver et me suis trouvée à ce moment là complètement incompétente (voir même "potiche"), quand les secours sont arrivés, il était déjà trop tard. Mais finalement, comme Méduse, je me suis aussi dit "n'étais-ce pas mieux finalement ?"

Comment t'ouvrir aux autres après le tsunami qui vient de balayer toute ta vie ? Tu n'as pas à culpabiliser pour ça, chaque chose en son temps, tu as déjà tant à gérer ...

Marina m'a dit un jour : "même si toi, tu ne le vois pas, tu as déjà bien avancé sur le chemin : tu t'inquiètes des autres ..."

Je t'embrasse
Karine

Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #9 le: 09 juillet 2012 à 18:54:25 »
Merci Méduse, et merci Karine,

Nous sommes toutes les trois concernées par un arrêt cardiaque. Même si AVC est différent de ACR...

Méduse, comment se fait il que vous en ayiez parlé le midi même ? y avait il des signes ? Tu dis t'être inscrite au bout de trois mois... comme moi. Tu as fait ce que tu as pu. Je comprends combien c'était difficile. Mais il y avait ta fille. Vous avez pu parler à son âme. Comment te sens tu maintenant ? le sens tu proche de toi ? et pour ta fille ? vous avez déjà tellement souffert toutes les deux.

Merci pour les sites. J'avais regardé les vidéos sur ce site. Mais je ne connaissais pas le séminaire sur les dimensions du deuil. J'ai un peu de mal à le regarder car il s'arrête régulièrement et je suis obligée de le mettre en pause pour pouvoir le regarder sans interruption.... Je suis stupéfaire de découvrir ce psy. Je me retrouve tellement dans ce qu'il décrit. Et pourtant je n'en suis qu'à un peu plus de la moitié.

Karine, tu te reproches d'être restée comme une potiche. Non, chacun réagit comme il peut. C'est très impressionnant. Il faut déjà réaliser ce qui est en train de se passer. De ce que j'ai compris dans le cas d'un ACR, c'est que même avec un massage cardiaque, cela ne suffit pas à sauver la personne. Il faut un défibrillateur électrique. Le massage ne sert qu'à oxygéner mais très très peu. Je crois qu'il faut un miracle pour sauver sans séquelles lourdes.
Au dessus de 3 minutes d'arrêt, c'est 10% de survie en moins chaque minute... Tu n'as absolument rien à te reprocher, je t'assure.

Et toi, après ces 7 mois, qu'en est il de ton chemin ?

Arrivez vous à avoir des moments où  l'être (les êtres pour toi Méduse) que vous avez perdus"s'éloignent" de vos pensées ?

J'ai vraiment l'impression de devenir folle. Pas un instant de répit. Bruno est mon obsession.

J'ai relevé une phrase de C. FAURE qui correspond tellement à ce que nous vivons : "un processus de solitude ultime;"

J'ai usé et repassé tant de fois les images des horreurs que je pensais qu'elles me blesseraient moins mais c'est toujours là. J'ai eu le besoin de décortiquer le processus de l'ACR, de comprendre ce qui c'est passé.

Il n'y a rien à comprendre : une lumière s'est éteinte sans raison. Violemment. Alors que nous étions heureux. C'est l'absurdité de ce manque de raison médicale qu me donne envie de hurler l'injustice.

Bruno était heureux. Tout le monde me dit qu'il est mort heureux. Quelle consolation ! oui, je n'ai rien à regretter que notre bonheur, la douceur de la vie avec lui.

Je sais que cela ne fait que 3 mois et déjà, j'entends que la vie continue, que je referai surement ma vie parce que je suis jeune.

Un docteur-collègue m'a dit que je ressortirai de ce processus mieux que d'autres car j'ai eu le besoin de tout comprendre sur ce qui s'est passé. De rechercher le résultat de l'autopsie, de savoir si le don d'organe avait servi. Besoin de savoir pour la recherche génétique en cours....

J'ai toujours eu besoin de décortiquer tout. D'habitude, je le fais pour aider les autres et me voilà, seule. Car déjà, les collègues et amis trouvent qu'au bout de trois mois je devrais aller mieux, sortir...

Mais je n'ai rien envie de faire sans lui. Même si parfois je n'arrive toujours pas à y croire, je sais maintenant qu'il ne reviendra pas. Qu'il est mort.

J'ai tellement conscience du manque. Pour chaque geste, chaque chose de ma vie.

J'ai cru comprendre que cette étape la 3ème, intervenait bien plus tard. Pourtant, j'ai bien l'impression d'y être. Cette souffrance physique intolérable. l'impression d'être folle. cette douleur dans les tripes.

pardon pour le vocabulaire.

Est ce possible ? déjà ? est ce vrai qu'on n'a pas mal en continue ? moi, c'est là depuis 15 jours horribles. J'ai l'impression que les antidépresseurs n'ont plus l'effet de me donner la pêche. je ne dors plus. Je mange pour combler le vide.

Est ce cela la troisième étape ?

Je ne sais pas quoi faire de ces vacances à part aller voir sa maman et me rendre sur la tombe.

Oui, j'ai vu que les endeuillés sont susceptibles de faire aussi un arrêt cardiaque. J'aimerais parfois que cela m'arrive pour ne plus avoir cette peine qui m'englue !

J'espère que vous toutes qui m'avez si gentillement accueillie, Caroline, Orchis, Méduse et Chris ka vous arrivez à voir une lumière.



 

Chris-ka

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #10 le: 09 juillet 2012 à 20:39:21 »
Claire,

Mort subite m'a t-on dit, alors tout comme toi, j'ose espèrer qu'il n'a pas souffert ...

Effectivement, même s'il est encore trop tôt pour faire le bilan de mon deuil, je m'aperçois aujourd'hui après 7 mois que mon cerveau, mes pensées sont moins en ébullition, même si je n'ai pas encore récupéré toutes mes facultés  :o j'arrive de temps en temps à penser à autre chose. Cette impression de perdre pied, de devenir folle comme tu dis, revient par vague et la, ce sont des moments très difficiles, des moments ou je me demande comment je vais me sortir de tout ça.

J'ai 41 ans, deux petites filles et ma vie est désormais recentrée sur leur bien être. La vision que j'avais de la vie a complètement été modifiée, moi qui aimais prévoir, organiser à l'avance, je vis desormais au jour le jour, l'instant présent, sans me projeter dans l'avenir puisque je sais maintenant que la vie ne tient qu'à un fil et que celui-ci me paraît de toute façon bien sombre ....

Quelques personnes (bienveillantes ?) m'ont aussi dit que mon âge était un atout mais ce n'est pas ce que je souhaite entendre, en tout cas pas pour le moment !

On avance pas a pas, jour après jour, mais p...... Que c'est difficile et douloureux !

Je t'embrasse
Karine

mc59

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #11 le: 09 juillet 2012 à 21:15:06 »
bonjour Pervenche;
tu écris  "Cette souffrance physique intolérable. l'impression d'être folle. cette douleur dans les tripes.
 est ce vrai qu'on n'a pas mal en continue ?"

je retrouve ce que moi aussi j'ai écrit , il y a plus d'un an...
la souffrance dans tout le corps ; en ce qui me concerne j'ai tenu jusqu'à l'enterrement , et je me suis retrouvé le lendemain avec des douleurs dans les genoux , je savais à peine marcher ..il m'a fallu près d'un an , et les soins d'un kiné ostéopathe pour aller vraiment mieux physiquement..
et puis la sensation de devenir folle, de ne plus savoir faire ce qui était évident 'avant'..
de devoir tout 'ré-apprendre'
et cette question lançinante : est-ce qu'un jour on a moins mal ?

alors aujourd'hui, je voudrais te dire comme on me l'a dit : oui , on survit , et puis on revit , un jour à la fois..
il ne s'agit pas de se construire une autre vie , mais une 'vie autre';
autre parce qu'il n'y a plus la présence au réveil à coté de soi, parce qu'il n'y a plus une épaule où poser sa tête, parce qu'il n'y a plus la porte du garage ouverte quand je reviens  et qui me disait 'je t'attends'...
autre, mais avec la présence de notre moitié qui s'installe en nous .
et je réapprends à sourire en regardant  nos petits enfants, même la petite dernière qu'il n'a jamais eu dans les bras , puisqu'elle est née 9 mois jour pour jour après son départ.. sourire, comme il le faisait,  en regardant les arbres du jardin , ou un petit lapin venu manger les fraises sauvages qui poussent au bord de la terrasse.

Alors , oui , la douleur, comme la vague , s'en va et revient, plus ou moins violente;
la vague , avec ses creux , mais aussi la vague qui nous porte et nous permet de sortir la tête de l'eau..


alors soit patiente , et surtout prends soin de toi
je t'embrasse
marie-claire

Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #12 le: 09 juillet 2012 à 22:20:22 »
Merci Marie Claire,

C'est un joli message... J'ai l'impression que ton mari et toi aviez une vie pleine de douceurs et de tendresse. Ces petits gestes qu'on croit être les seuls à comprendre... ces sourires, cette épaule rassurante. Oui, tout cela me manque à moi aussi.

Je ne sais plus trop où est ma place et j'ai du mal à imaginer pouvoir supporter cela dans la durée. Le silence malgré la télé. La solitude malgré les collègues au travail. Se forcer à sourire. Ne pas imposer sa peine aux autres parce que je comprends que mon désarroi  déstabilise jusqu'à mon médecin.

Je me mets à la place de ces autres pour qui je suis "celle qui a perdu son compagnon" et rien que cela. Je comprends leur malaise. qu'aurais je fait de mieux à leur place. Pourtant mon malheur n'est pas contagieux. Même les enfants de Bruno ne prononcent jamais son nom. C'est là, entre nous et moi, je parle de lui mais j'ai l'impression que ca les gêne alors, je me replie derrière un sourire.

Et à peine seule, la porte refermée, les larmes, et de nouveaux les images de sa mort. encore et encore. Stress post traumatique. C'est normal il parait.

Je voudrais être prise dans des bras, et pourtant je ne supporte pas le contact. C'est lui que je voudrais et il ne viendra plus. Plus de textos, plus de petits mots répartis dans la maison. Je regarde par la fenêtre mais il n'arrivera plus. Je pourrais hurler ma douleur, négocier avec un Dieu, rien ne changera. Et ce constat est horrible. Tout cet inachevé. Tout ce que Bruno ne verra plus : le soleil qui se lève, les fleurs qu'il aimait tant. Pourquoi nous ?

Ma fille est grande. Ses fils aussi. Il n'y a plus de "nous". Je ne comprends plus le sens de rien. Je n'ai pas de gout à rien. Je croyais aller mieux. Et là, c'est pire. Me voit il ? Quel est le but de tout cela ? pourquoi souffre t'on autant ?

Que dois je faire ? attendre que le processus s'accomplisse ? mais pourquoi ? Je ne vois plus d'avenir. Je suis si fatiguée. J'ai honte de me plaindre. J'ai au moins connu le bonheur. entier. j'étais traitée en princesse. C'est peut être aussi parce que je suis bien consciente des "pertes secondaires" : je n'avais jamais été aimée comme cela. Il me donnait confiance. Il me valorisait. j'étais belle pour lui. Moi qui suis si complexée, il me rendait heureuse.

Il m'a tant donné, je crois que je lui ai donné aussi. Je suis heureuse d'avoir eu la chance de connaitre cela et je ne devrais pas me plaindre. Mais si peu de temps !!! je me sens vide maintenant, sans lui.

Je vois que tu as des petits enfants. C'est merveilleux. Ma fille pour moi est ce que j'ai de plus cher. J'ai maintenant peur pour elle. La vie est si courte. Et parfois, elle ne tient qu'à un fil. Cette fragilité m'effraie pour les autres. Moi j'aimerais me laisser emporter mais sans souffrir.

je suis incapable de me projeter, de faire des projets. moi qui aimait tout prévoir, une manière de tout maitriser. Mais non, on n'a pas de maitrise sur la vie.

Merci pour ton encouragement Marie Claire... Pour l'instant j'ai la tête sous la vague. Pourquoi ne m'emporte t'elle pas ?

bon courage à toi aussi, car je me doute que le chemin est encore long. As tu réappris à marcher sans souffrir ? n'as tu plus mal dans les genoux ?

prends soin de toi
Claire


Pervenche

  • Invité
Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #13 le: 11 juillet 2012 à 09:09:50 »
Hier, Je me suis noyée dans des occupations, j'ai emmenée ma tante de 80 ans faire les boutiques. Pour lui faire plaisir. Mais surtout pour ne pas penser qu'il y a trois mois j'ai vécu l'enfer en te voyant t'étouffer en débranchant le respirateur.

Ces images qui m'obsèdent, qui viennent en boucle et qui, encore plus difficile que ton ACR m'ont fait te voir mourir une deuxième fois mon amour, avec tant de violence.

Aujourd'hui, je pars voir ta maman pour quelques jours. Nous irons sur la tombe où se trouvent tes cendres. Mais où es tu ? qu'il a t'il ? nous vois tu ? Pourquoi es tu parti ? N'as tu vraiment pas eu conscience de ce qui se passait ?

Mes jours mes nuits sans toi. Il n'y a plus de sens à rien. l'absurdité de toute cette souffrance. Le manque. Le vide.
Sourire. continuer. faire semblant. et puis toutes ces larmes qui n'en finissent pas dès que je suis seule. tout me ramène à toi. A cet inachevé.

Mais surtout encore et encore en obsession ces images comme si tu étais sur une chaise électrique. Je ne pense qu'à ça. Encore plus que ta mort, je n'avance plus. Je suis si fatiguée. J'ai tellement l'impression de régresser sur ce chemin. J'ai encore plus mal qu'au début. Je pensais que ces images s'effaceraient. Elles viennent supplanter tous nos jolis souvenirs. Elles gâchent toutes les belles choses que nous avons vécues. Le reste est en plan arrière si loin si loin.

Je voudrais ne pas avoir fait le massage, ne pas avoir vécu ces 15 jours de coma, de faux espoirs... jusqu'à cela.

J'aurais peut être mieux vécu le reste, l'absence, le manque de toi, la perte de notre amour, de notre avenir qui se construisait. Nous étions si heureux, mais là j'ai parfois du mal à croire que cela a pu arriver.

Une amie infirmière qui a travaillé en réa nous a dit à ma tante que jamais elle n'avait vu que les proches assistent à ce qui s'est passé. Qu'elle même n'y a jamais assisté et qu'elle trouvait cela inadmissible.
Je n'arrive pourtant pas à vraiment en vouloir au corps médical. Je pense qu'ils ont été choqués aussi, qu'ils ne pouvaient pas prévoir tant de violence;

Mon Amour, toi si doux, si attentionné, tu ne méritais pas cette fin. Je voudrais croire que tu n'as rien senti. Que ce n'était que réactions corporelles comme cela m'a été dit. Que tu étais vraiment mort 15 jours plus tôt cette nuit là.

Je pars vers ce qui reste de toi dans quelques heures. Dures journées à venir. 










Hors ligne Méduse

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Re : 3 mois à peine, 3 mois de peine, 3 mois déjà... 3 mois seulement...
« Réponse #14 le: 11 juillet 2012 à 13:11:53 »
Chère Pervenche,
Pour moi, ce sont surtout les événements entourant le décès de ma fille et ce qu’on m’a dit de ses dernières heures (j’étais à 800 km d’elle et ne pouvait pas la rejoindre à temps) qui sont passés en boucle. Maintenant, je les ai « usé » et je peux m’empêcher d’y penser. Patience, trois mois, c'est si peu !
Maintenant, je ne ressens plus de douleur physique dû à mon chagrin, juste un épuisement total après tous ces mois sans répit. J'ai l'impression que cet épuisement m'oblige à prendre soin de moi et m'empêche même de penser aux disparus. Et puis, ma fille n'est plus seule puisque mon mari est avec elle. J'ai ressenti cela très fort.
Comme je crois, rien n'est plus fort que la douleur lors de la perte d'un enfant, j'étais comme préparée à celle de mon mari et à toutes les pertes à venir. En plus, j'en suis même un peu jalouse de ne pas être à sa place.

Ce qui me donne de l’espoir, c’est d’avoir découvert les expériences proches de la mort car cela m’a donné la conviction que je retrouverai mes chers disparus.
Je te mets des liens d sites qui en parlent :
http://www.psychologies.com/Moi/Epreuves/Deuil/Articles-et-Dossiers/Voir-la-mort-et-revenir
http://www.nderf.org/French/index.htm
Je te mets ici une copie de ce que j’ai écrit par ailleurs :
De nombreux médecins en ont réuni des témoignages comme par exemple le Dr. Elisabeth Kübler-Ross dans son livre « La mort est un nouveau soleil ». Elle était psychiatre et a accompagné et écouté des mourants pendant toute sa vie et a essayé de percer le mystère de la mort. Je connais ce livre presque par cœur. J’ai l’impression de suivre un peu ma fille et mon mari de cette façon-là, de m’approcher d’eux. Ce sont ces témoignages qui m’ont donné la certitude que la mort n’est pas une fin et que la vie a un sens. J’ai la certitude que je vais retrouver ma fille, il me faudra juste patienter. Les preuves qu’ils ont données m’ont convaincues de la réalité des témoignages (des personnes dans le coma ou cliniquement mort qui savaient où des objets avaient été posés, une petite fille qui se disait accueillie par un frère alors que personne ne lui avait jamais parlé de ce frère mort avant sa naissance !).
J’espère que cela pourra te donner aussi un peu de paix.
Méduse