Très touchée par le vécu de Caroline: ses trois ans d'"attente", ce conjoint qui l'aime et qui attend... malgré la difficulté de vivre de son amoureuse, et Caroline, toi, qui dois obligatoirement passer par les étapes, même si elles sont différées. J'ai différé, moi aussi, mais pendant deux ans.
Deux ans de course folle, de voyages pour le voyage, de projets de rénovation-maison (on fait tous ça ou presque

), de travail 55 heures par semaine, avec une fillette, toute seule, un patron qui tombe amoureux, l'angoisse de tout perdre, l'épuisement mental, et peut-être physique.
Tout ça vécu seule, personne ne le savait. Sans vouloir faire la victime, j'ai été délaissée par tous: la famille, les amis. Ils voulaient "me laisser tranquille".
Deux ans, jour pour jour ou presque après le décès de Lowell, j'ai enfin... flanché. Je fonçais dans un mur de ciment.
Ça m'a pris 6 mois pour vivre la troisième étape, d'avril passé à septembre.
J'ai pleuré dans la forêt, sur la route des USA, au Canada anglais, dans les Motels, avec ma fille. J'ai demandé à deux amies de regarder le vidéo de Fauré (70 min) avec moi, je les ai serrées dans mes bras... Un bel été quoi! Et l'été québécois a été le plus beau qu'on a eu depuis des décennies: sec et chaud.
Ma Lou 9 ans va mieux. Tu sais, Caroline, tes enfants sont ou seront ton miroir. Toi tu vas mal? Je ne peux pas croire qu'ils vont si bien, intérieurement. Ils doivent voir leur mère pleurer, avoir de la peine, si c'est ce que tu vis, sinon, ils seront plus dévastés que si tu ne le fais pas. J'ai rencontré une femme qui a attendu 10 ans... une femme très bien, qui est entrée dans la course folle de l'activité, suite au décès brutal de son jeune mari... 10 ans plus tard, son fils était drogué et sa fille a fait une tentative de suicide. C'est le psy de sa fille qui lui a dit qu'elle devait faire une thérapie, si elle voulait "sauver" ses enfants.
Suite à sa thérapie, ses enfants vont 100000 fois mieux. Et c'est une femme magnifique, qui dégage, qui parle ouvertement de ce qu'elle a vécu. Elle n'est pas fermée. Et elle est directrice d'une des plus grandes écoles publiques de la ville de Québec... une femme archi occupée quoi. Elle prend le temps de discuter avec moi, des fois 1 heure et demi!!!!
Bref, cette "expérience" de la mort doit nous aider à mieux vivre notre vie, pas son contraire. Et la vivre veut dire ne pas la cacher. Vivre avec le deuil toute sa vie, c'est continuer à faire vivre l'homme qu'on aimait, c'est le nommer au quotidien, c'est se souvenir des bons et moins bons moments, c'est allumer une bougie en son nom, c'est aller dans la forêt et lui parler.
Non pas en faire une obsession, mais l'intégrer à notre vie, avec les nôtres...
À la fin (4ème étape, si on suit ces étapes du site), on arrive à des moments de bonheur, à d'autres tout aussi difficiles, des pleurs, mais moins forts, plus "vivables", moins éprouvants pour nous et les nôtres.
Trouver au moins 3 personnes qui nous écoutent, c'est nécessaire.
Bon courage, et bonne continuité, Caroline de France

Caroline de Québec