Auteur Sujet: 14 juillet 2011  (Lu 8963 fois)

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Yohann

  • Invité
14 juillet 2011
« le: 12 mai 2012 à 18:48:48 »

14 juillet 2011
La Fête nationale, comme chaque année.
Et pourtant, ce jour-là, tout a de nouveau basculé, sans qu'on le sache encore.

Les vacances étaient parfaites, Monique heureuse, après ce fichu cancer du sein de mai 2010, décelé au dépistage systématique.
Rien de bien important donc, une petite intervention  suffirait à l'enlever.
Manque de chance, une chimio fut nécessaire, mais en ce 14 juillet 2011, tout était déjà lointain, terminé, un mauvais souvenir, quoi !

Jamais ces vacances de 2011 ne nous avaient paru si radieuses, heureuses : le cancer était fini, les peurs évanouies !

En ce midi du 14 juillet donc, nous prenions l'apéritif sur la terrasse, un Porto pour changer, avec nos amis.
Ce qui devait être un instant de redémarrage heureux de la vie allait, par ce geste, semer un doute.

Le lendemain matin, Monique souffrait bien d'un petit malaise digestif, mais rien de grave; pas l'habitude du Porto, donc il a dû mal passer !
Pourtant, cette petite gêne n'allait plus la quitter des vacances.

Au retour, petite visite chez le médecin qui prend ça comme nous, comme un petite malaise biliaire ou hépatique; nous étions le 2 août 2011. Avec néanmoins, quelques petites analyses sanguines, au cas où !

Le 3 septembre, l'ensemble des résultats d'analyses tombe : le cancer avait franchi les voies lymphatiques et envahi d'autres zones.
Démarrage pour un nouveau combat.

13 septembre, j'ai connaissance du diagnostic : pas d'espoir, aucun espoir, le foie, les voies lymphatiques, les intestins sont atteints et plus grave encore, une CIVD (Coagulation Intra-Veineuse Disséminée) se déclenche.
Je me tais, ne lui dis rien : un bobo en plus à soigner comme l'an passé !

13 septembre après-midi : appel de l'oncologue et entrée d'urgence en clinique : le taux de plaquettes est descendu au-dessous du seuil critique de risque hémorragique. Je ne dis rien, simplement qu'il s'agit d'une hospitalisation de précaution.

21 septembre : un miracle , Tous les indicateurs sont remontés au beau fixe.
Ne reste plus qu'à se retaper un  peu.
"Tu vois, je ne t'avais pas menti"

23 septembre, 17h15 : la vie s'est envolée ...

Je lui avais menti pour rien, pour lui éviter le retour de la peur et elle avait eu confiance en moi.

Confiance ...


 :'( :'( :'(

Yohann

suzy

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #1 le: 12 mai 2012 à 19:39:38 »
Oui Yohann...La confiance...
Tu ne lui as pas menti à ta Monique...Tu lui as simplement transmis le fond de ta pensée la plus profonde, à savoir ce que tu souhaitais de tout ton être, de toute ta force, de toute ta pensée...
Et parce qu'elle croyait en toi, elle a sans doute pu partir sereinement...après les vacances magnifiques qu'elle venait de passer avec toi...
Ne culpabilise pas , cher Yohann, tu lui as apporté tout ce que tu pouvais lui apporter...jusqu'à son dernier souffle...
Aujourd'hui, elle est là, juste au coin de la rue...Elle t'attend...
Suzy

Caroline3

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #2 le: 12 mai 2012 à 19:52:48 »
Cher, cher Yohann,

Votre histoire est magnifique, douloureuse, dure, douce.  Ton attitude remplie de compassion savait exactement ce qu'il fallait faire. Elle est partie tout en douceur, sans souffrances inutiles, grâce à toi.

Maintenant, tu t'occupes de toi, pour que ta vie reprenne une signification qui sera tienne, sans ta douce et surtout pour que la culpabilité ne fasse pas partie de ton quotidien.

---

En même temps, je te comprends tellement. Je m'en veut d'avoir fait l'opposé: tout a été dit directement à Lowell, sans "parachute", sans ambages, durement, par le docteur. Puis, de mon côté, j'ai été tellement soufflée, et lui ne parlant pas... nous nous sommes retrouvés, tous les deux, devant une douleur innommable, impossible à verbaliser, juste la peur au ventre. Tout ça, sans en parler véritablement.

Et toi, Yohann, tu peux partager cette douleur qui, à l'époque, tu as gardé pour toi seulement?

Tu es courageux, ta démarche est remarquable, Yohann.

Caro xx

Chris-ka

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #3 le: 12 mai 2012 à 20:00:41 »
Yohann,

À travers ton récit, on voit comme cette maudite maladie est vicieuse. Elle te prend, te laisse un moment de répit pour mieux te dévorer ...

Tu n'as pas menti à Monique, toi aussi tu avais l'espoir qu'elle guérisse, toi aussi tu devais y croire .... Alors c'est ce que tu lui as dis ....

Elle est partie après de belles vacances, un espoir et surtout ton AMOUR ....

Amicalement,
Karine

elo73

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #4 le: 13 mai 2012 à 22:35:23 »
Yohann qui tu es : un homme tout simplement ayant donné tout son amour à sa femme, à sa moitié. Elle te savais auprès d'elle à ce moment là comme tu l'es encore aujourd'hui d'une certaine façon et qu'elle est à tes cotés à chacun de tes pas.

Comme on dis "on ne tire pas sur les ambulances" alors arrêtes de te mettre plus bas que terre, d'abord parce que tu souffres déjà assez et que tu n'a pas à culpabiliser du tout. Tu as fait de ton mieux et elle le sait

Je t'embrasse
Elodie

cha7829

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #5 le: 13 mai 2012 à 23:07:41 »
Elle a choisi d'être seule pour partir, Yohann, et tu n'y pouvais rien, à part respecter son choix.
 Ne culpabilise pas, tu as essayé de la protéger, alors, elle te l'a rendu en t'épargnant assister à son départ vers les anges.

Caroline3

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #6 le: 14 mai 2012 à 05:08:18 »
Tous ces regrets, ces hontes, et aussi (dans mon cas): la faute des autres, ça, je suis dedans encore: une directrice comptable qui me dit, quelques jours après le décès de mon mari: "Tu sais, tu aurais pu prendre 5 semaines (payé par le gouvernement) le jour où vous avez su qu'il allait mourir... Je lui ai répondu: "Je vais le prendre maintenant". Elle m'a dit: "Mais non, il est déjà mort"...

Ça m'est tombé dessus: j'aurais pu m'occuper correctement de Lowell, de ma fille, durant plusieurs semaines, sans travailler, au lieu de courir comme une poule pas de tête... le choc! J'ai été tellement fâchée: "Pourquoi tu me l'as pas dit?" "Je croyais que tu le savais" répond cette même directrice.

C'est la première fois que j'engueulais quelqu'un dans un cadre professionnel: elle m'est apparue cruelle.

Deux ans plus tard, je lui en veut tellement!

Et pourquoi je ne savais pas ça? J'aurais pu être présente plus humainement pour Lowell, durant ses grandes souffrances. Moi, j'allais au boulot et lui restait seul dans la maison, durant des heures et des heures... il surfait sur le net, faisant passer le temps... le temps de mourir... de cracher sa tuberculose, et penser à quoi ressemble la mort, seul, dans un salon froid du Québec, alors qu'il avait vécu plus de 40 ans de sa vie en Afrique. 

Je m'en veut tellement!

Bon, voilà, Yohann, tu fais sortir mon "méchant".

Allez, merci. Caroline

(dans ton histoire, tu n'as pu être présent au moment de son décès, pour aider ta propre mère... c'est quand même noble, Yohann).

suzy

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #7 le: 14 mai 2012 à 06:31:11 »
Je pense comme cha7829, cher Yohann, elle a voulu être seule pour partir et tu n'y pouvais rien... J'ai entendu dire dans le corps médical, que certaines personnes ne pouvaient mourir lorsqu'elles étaient entourées, comme si une certaine pudeur les empêchait de se "lâcher"...Je me souviens, il y a 6 ans, lorsque mon père est décédé. Nous l'avions veillé jour et nuit avec ma mère et ma soeur. A un certain moment, le voyant endormi et paisible, nous nous sommes juste accordé 10 minutes pour aller boire un café. Et lorsque nous sommes revenues, il avait rendu son dernier souffle... Comme s'il avait attendu d'être seul pour le faire...
Vraiment Yohann, je ne pense pas que tu aurais pu faire plus pour ta chère Monique...C'est elle qui a préféré s'en aller seule et elle ne voudrait pas que tu culpabilises.
Je t'embrasse et te souhaite une bonne journée
Suzy

nantes

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #8 le: 15 mai 2012 à 13:50:33 »
Bonjour Yohann

Je suis une nouvelle arrivante sur le forum et je viens de lire vos messages
concernant votre ressenti sur le départ de votre épouse Monique...
Comment trouver les mots pour vous apaiser sachant que je ressens vos
questionnements votre cupabilité concernant mon compagnon Benoit que
j'ai accompagné à travers cette maladie.
Benoit a traversé de bien nombreuses épreuves avec des phases de rémissions
auxquelles nous avons toujours voulu croire.Tout comme pour vous, c'est le 07
juillet 2011 durant nos vacances sur l'île de Ré, que nous avons appris sa récidive.
D'un cancer primitif du côlon , nous étions sur des métastases hépatiques et osseuses...
Je savais, de part ma formation médicale que c'était grave...Mais moi aussi, j'ai menti...
Il était dans la vie, on s'aimait passionnément, il était inconcevable de nous quitter...J'ai
fais comme si...Une nouvelle chinio a démarré avec des résultats peu satisfaisants aussi
en décembre, les médecins ont décidé de faire de la radiothérapie.Ce fut une catastrophe
sur le plan physique.Je ne pouvais que constater cette déchéance et puis au miracle
petit espoir une pose de prothèse au niveau des voies hépatiques était possible.Certes
pas pour guérir, mais pour prolonger de quelques mois notre vie ensembles.On a pris...
Mais les douleurs osseuses étaient de plus en plus présentes et continuelles.Rien ne pouvait
soulager les souffrances de Benoit, l'équipe médicale était impuissante....Une sédation a donc
été décidé....Je voulais tant qu'il ne souffre plus....J'ai le sentiment d'avoir menti, moi aussi,
car je savais que cette sédation signait à plus ou moins long terme la fin.Benoit souhaitait
être soulagé mais ne voulait pas mourir.J'ai le sentiment de lui avoir volé sa propre mort.
Je lui avais promis que nous allions rentrer à la maison , il détestait l'hopital pour y avoir
séjourné à de nombreuses reprises.Je n'ai pas eu le temps d'honorer ma promesse...
A chacun notre histoire, mais ces moments de vies partagés, me font penser que nous
sommes tous égaux dans ces étapes de deuil qu'ils nous faut traverser.
Je voulais juste vous dire combien je partage votre ressenti et combien je souhaite que
tous ces questionnements nous permettent de continuer notre chemin...
Isa

Caroline3

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #9 le: 15 mai 2012 à 19:24:02 »
C'est un peu cette phrase là, Yohann, qui me fait croire que je prends la bonne décision, de m'apitoyer, non pas comme un cheval croulant morbide, mais comme une femme qui a le droit de pleurer.

J'ai plus souvent entendu qu'il ne fallait pas s'apitoyer que le contraire. Cette peur qu'on a tous de rester stagner dans cet apitoiement infini, c'est incroyable ce que finalement, ça fait plus souffrir à long terme que le fait de pleurer quand c'est le temps!

Pleurer sur mon sort, souvent, jusqu'au moment où, effectivement, le mal sera diminué chaque fois suivante.

Caroline

nantes

  • Invité
Re : 14 juillet 2011
« Réponse #10 le: 15 mai 2012 à 20:33:06 »
Yohann

Quand je dis j'ai l'impression de lui avoir volé sa mort, c'est certainement parce que je n'ai
pas pu en parler avec Benoit;du moins, pas autant que je l'aurais souhaité.J'ai respecté ses
silences et sa volonté d'y croire jusqu'au bout.Pour nous aussi, l'hospitalisation à domicile
était prévue mais ses douleurs étaient tellement atroces que la sédation a été démarré sans qu'il
puisse s'en rendre compte véritablement.J'ai le sentiment que malgré le fait qu'il ne pouvait
plus communiquer durant les trois derniers jours, il était toujours présent et sa douleur de
devoir partir envahissait son visage.Je n'ai pas pu le ramener dans notre maison et lui ai fait
croire que ce serait pour les jours prochains....Je travaile sur ses images trés prégnantes et
c'est vrai que parfois on a l'impression d'avoir géré un peu cette culpabilité et on se rend compte
qu'elle refait surface. Effectivement, on répète on se souvient on passe d'une étape à l'autre
pour revenir à la précédente et c'est cela qui est trés déstabilisant.J'accepte ces "états d'âmes"
puiqu'ils semblent nécessaires à une future sérénité...
Bon courage
isa