Voilà, nous sommes le 30 janvier, dans quelques petites minutes la première boucle sera bouclée...
Il y a un an, mon Cœur, tu partais sans moi pour un mystérieux voyage dont je ne sais rien et dont tu ne reviendras jamais.
Un an... 365 jours ... j'ai parfois l'impression que c'était hier tant les sentiments sont vivaces mais, à bien des moments, je constate que non, le temps n'a pas arrêté sa course lui, le temps a filé.
Envie de dire, sur ce forum qui m'a sauvée il y a quelques mois, l'effet que ça fait d'être le jour anniversaire du décès de l'être aimé. Et puis voilà, c'est à toi que j'écris...
Il y a de longs mois que je ne t'ai plus écrit, ce besoin vital s'est tu. Je continue à te parler, tous les jours, d'une manière différente des premiers temps, d'une façon plus intériorisée et apaisée aussi. Je te parle mais ma foi, à mon grand regret, tu me laisses monologuer... notre communication me manque, nos discussions légères ou profondes, nos chamailleries sur certains sujets, nos projets qui ne verront jamais le jour, nos élucubrations, notre humour décalé et nos fous rires, ta main dans la mienne et tant de choses encore ...
J'ai changé tu sais, beaucoup. Pas en mal je crois, non, il me semble que je te plairais toujours ainsi. Une certaine force commence à faire place à l'anéantissement et au désespoir. Je me suis raccrochée à la promesse que tu m'as faite te faire avant de mourir "prendre soin de moi à ta place, puisque tu ne serais plus là pour le faire". Oui, je remplis de mon mieux cette part du contrat qui m'incombe. Je ne te cache pas que ce n'est pas facile et qu'après le temps de la survie vient maintenant le temps du "que sera ma vie ? pour quoi ? pour qui ?".
J'ai changé d'environnement, de relations, je ne m'encombre plus de fausses amitiés ou de relations toxiques, je ne m'encombre plus de problèmes, je leur trouve une solution, celle qui me parait la plus adaptée dans l'instant (en me référant souvent à ce que tu aurais fait, avec ton sens pratique, je l'avoue). J'ai compris que le seul vrai problème, sans solution, c'est la mort alors le reste ...
Ta mort a vu s'envoler une partie de l'entourage. C'est leur choix et il leur appartient. Ceux qui sont restés ont la présence judicieuse et aidante. De nouvelles rencontres, par ce forum et ailleurs, sont venues se glisser dans le vide. Ma vie redevient plus riche et plus profonde. Mais rien ni personne ne te remplace. Tu me manques... tout toi me manque.
Notre relation s'est transformée. La cartésienne que j'étais a fini par se plier aux "signes" qu'elle croit avoir reçu. Il y a peut-être un ailleurs, ailleurs, où une part de toi se trouve. Qui sait ?
Avant de mourir, mon Cœur, tu m'as dit, les larmes dans les yeux "J'aurais tellement voulu être là pour toi, à mon tour, quand tu en auras besoin" . N'hésite pas ...
Actuellement, je suis en quête de sens. Le thème de réflexion t'aurait plu. Je ne cherche plus le sens de ta mort. Je ne le trouverais pas si tant est qu'il y en ait un. Je cherche le sens de ma vie sans toi, de ce chemin qui me reste à parcourir., dont je ne voulais pas sous cette forme. Durant ces derniers mois, vivre au jour le jour et ne penser qu'à "l'ici et maintenant" m'a servi de béquille. Mais maintenant ? J'aimerais que cette expérience extrême qui est de faire mon deuil, non pas de toi, mais de ta présence dans ma vie, ne soit pas vaine.
Ces derniers jours ont été rudes, parsemés de nombreux "flashes" de ton séjour en soins palliatifs et de ta mort. Les larmes sont revenues, permettant au trop plein et trop difficile de s'évacuer. J'avais préparé depuis quelques mois ce que serait cette journée du 30 si particulière. J'avais prévu de poser une journée de congés et J'y ai mis tous les ingrédients pour ne pas la subir mais, au contraire, la vivre à fond avec toi. Ça y est, j'ai sauté le pas, le tatouage est là. Pas celui que l'on avait en projet tous les 2 puisqu’on ne l'avait pas terminé. Autre chose, qui me parle, de toi, de nous. Et oui, tu vois, je t'ai toujours "dans la peau" ...
La promenade sur notre sentier côtier préféré m'a bien piqué les yeux et trempé les mouchoirs mais, là aussi, j'en ai retiré beaucoup d'apaisement. Notre arbre se porte toujours comme un charme. Il pourra maintenant dialoguer avec une petite bouteille à la mer, sans doute plantée dans la vase à cet endroit.
Tu vois, c'est curieux la vie. Moi qui ne voyais pas l'utilité des lieux de souvenirs (parce que le souvenir est partout, en nous, et qu'il en est de même pour l'être aimé) je me retrouve à créer des rituels qui m'apportent beaucoup d'apaisement et de douceur.
J'ai eu bien de la chance aujourd'hui : des messages de soutien, des pensées et du thé qui réchauffent, Myla et un diner tout prêt au bout de mes heures de route puis un concert de 2 h pour achever ma journée (et m'achever un peu aussi... il y avait du soporifique dans l'air par moment...).
Ça te plairait, je sais, qu'au quotidien j'ai retrouvé l'humour, le rire et depuis peu l'envie de cuisiner "pour de vrai", comme avant (pas de là à cuisiner les plats que tu aimais pour l'instant...), j'ai recommencé à bouger beaucoup à nouveau : cinéma, théâtre, concert (ah non pas de musique que nous aimions ou que tu jouais... pas pour l'instant), WE, restau ... bien souvent avec Myla (et oui, qui se ressemble s'assemble... ). j'ai aussi en perspective de reprendre des études et je commence à en parler (pour être certaine de me lancer peut-être ...). Pas de projet "d'avenir", de projets construits, d'envie réelle. Je suis comme dans un "entre deux", inconfortable je ne te le cache pas.
Un jour comme aujourd'hui j'aurais aimé que ... mais non... les miracles n'existent pas, je le sais. Dommage... j'aurais essayé ...
Mes yeux rougis tombent de sommeil mais j'ai du mal à te quitter. Nous allons continuer notre conversation en dehors du forum je crois parce que, que dire de plus ici ? Peut-être comme J. Carol OATES que , durant cette année, "J'ai réussi à rester en vie".