Bonjour à tous,
Me voilà de retour d’une escapade dans la Drôme, 6 jours chez une amie de longue date.
Comme pour vous, les vacances sont une période difficile et j’ai pris le parti du « complètement différent » après une longue hésitation.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, un bref (enfin je vais essayer) résumé de mon histoire. Une belle et longue (30 ans) histoire d’Amour avec l’homme de ma vie, Pierre. Le bonheur ne se décrit pas, ne se raconte pas. C’est le Bonheur.
Et puis la maladie, un cancer des voies urinaires, les soins, l’hôpital, le dernier souffle, le 22 juillet 2010.
Un cataclysme, un tsunami, une douleur viscérale, animale, insupportable, inacceptable, intolérable, l’envie de dormir, de mourir, et l’instinct de survie. Et la non-vie sans lui, l’obligation de vivre, alors la recherche de ce qui pourrait m’aider à tenir… Et les questions…
Comment, pourquoi, qui, où

Qui a voulu son départ ? Pourquoi lui, si bon, si généreux, si noble ? Où est-il maintenant ? Comment vais-je faire pour vivre sans lui ? Qui peut imaginer cette souffrance ?
Vous tous.
Apprendre, il a fallu tout réapprendre, apprendre à supporter l’absence, et chercher par tous les moyens à le garder présent, le garder mais ne pas en faire une icône, un Dieu, un culte. Apprendre à respirer, manger, chercher le sommeil seule, ou avec des médicaments. Beaucoup de médicaments ? Pourquoi pas, cela semble si facile et cela serait si …reposant. Mais non, je ne m’en sens pas le droit, je ne suis pas seule dans cette douleur.
Parler, écrire, pleurer, beaucoup, beaucoup, beaucoup, énormément. Détecter ce qui fait mal, … se faire mal, ou apprendre à éviter de se faire mal.
A fleur de peau. Ne rien supporter, ou au contraire tout accepter.
Et puis, un jour, un sourire, et plus tard, même un rire… entre deux crises de larmes. Et se battre pour avancer sur le chemin, parce qu’on n’a pas le choix, parce qu’il l’aurait voulu, parce qu’on a fait le premier pas, parce que d’autres disent que la vie peut de nouveau être acceptable.
Lire, lire et lire encore, beaucoup, les témoignages de autres, le vécu des autres, ne plus se sentir aussi seule dans le chagrin. Et puis aider aussi, parce qu’aider cela fait du bien, être utile. Tant de souffrance autour de moi.
... ...
Voilà.
2 années ont passées.
Il me manque toujours autant. Mais il est toujours avec moi et je continue à lui parler.
Mais j’ai avancé. J’ai appris. Je contrôle mieux.
J’ai découvert que je m’endors plus facilement de son coté du lit.
J’ai appris à me servir de la tronçonneuse. J’ai tenu tête au garagiste.
J’ai gagné une certaine forme de paix. Pas une résignation, mais un constat, j’ai eu une si belle part de bonheur que cela devrait m’aider à sourire encore un peu jusqu’à ce que cela soit mon tour.
Mais certaines questions restaient en suspend.
La Drôme est le pays des sorcières et des rebouteux. Les scorpions côtoient les lucioles, et le ciel m’a offert une voie lactée d’une pureté… divine.
« Si Dieu existe… j’espère qu’il a une bonne excuse », répétait un de mes amis meurtri par la vie.
Un petit jardin au coucher du soleil, les lauriers roses en fleurs, et le romarin qui exhale. Monsieur Le Chat qui chasse en silence et une joyeuse tablée qui savoure cette fin de journée autour d’un verre de vin rosé.
J’en suis.
Nous nous connaissons peu et nous livrons doucement au fur et à mesure que la nuit tombe. Moi, bien sûr, ma vie, c’est Pierre. Il n’y a que lui dans ma tête et dans mon cœur. Voilà longtemps que je n’ai pratiquement plus d’autres sujets de conversation, que mon chagrin et la perte si cruelle que je vis. Au fil des mois écoulés j’ai aussi appris à résumer, le bonheur et le malheur en quelques phrases, souvent avec les yeux embués de larmes que j’ai aussi appris à ravaler au plus vite pour ne pas gêner les autres.
Ma voisine pose alors délicatement sa main sur mon poignet et me dis : « Si tu savais comme il est heureux maintenant ! ». Son visage irradie tellement que j’en ai la chair de poule. Mais cette simple phrase me va droit au cœur et soudain, je me sens plus légère et les questions reviennent.
A l’autre bout de la table, mon hôte a capté le lien qui vient de se créer et à son tour m’explique que les âmes des morts, (car il faut prononcer ce mot et ne pas le fuir, me dit-on), les âmes des morts, donc, montent vers un espace d’Amour infini avant même que le cœur ne se soit arrêté. Nous voilà tous à l’écoute de ce langage inattendu.
Je trouve tant d’empathie de la part de ces personnes que je ne connais que depuis quelques heures, tant de douceur, de chaleur humaine. Et sous la voute étoilée, je me sens en plein accord avec leurs propos.
Plus tard dans la soirée, dans cette chambre inconnue, je me sens épuisée mais étrangement calme, emplie de tant de réflexions nouvelles que j’ai peur de les oublier et de repartir en arrière sur ce chemin de la résilience, vers laquelle je marche depuis de longs et douloureux mois.
Mot après mot je reprends ce que j’ai entendu, et tout soudain semble s’emboiter comme un puzzle, s’accorder comme un orchestre symphonique. C’est tellement évident que cela me fait presque peur.
... ...
J’ai aussi beaucoup de réticence à vous en faire part, car je ne veux entrainer personne sur cette route là. J’ai eu la chance de rencontrer des interlocuteurs sincères, et sans l’avoir cherché. J’ai retrouvé dans ce qu’ils m’ont dit le vécu de personne comme Patricia DARE, dont le livre était recommandé sur le site de l’INREES.
En réalité, ce qui me pousse à parler de cette expérience, c’est qu’elle m’a fait un bien phénoménal. J’ai attendu un peu afin de m’assurer que les vacances+la chaleur+le vin rosé… n’y était pas pour quelque chose, mais non, je me sens vraiment mieux.
... ...
Comme Yohann, j’ai assez vite après le départ de Pierre, ressenti sa « présence » près de moi. J’ai cru voir des signes, non, j’ai vu des signes et j’ai cru en voir qui ne l’étaient pas. J’avais fini par trouver cette situation, sinon heureuse, au moins, moins douloureuse que l’absence. Et puis un jour, plus rien, plus de signes, plus de « présence ». J’ai vécu cela comme un nouvel abandon, et les souffrances du début m’ont envahie à nouveau, les larmes, la peur, l’angoisse… De longs mois, durant lesquels j’ai tellement espéré un « retour », jusqu’à ce que j’admette ce dernier départ, en me remémorant un post dans lequel il était écrit : Un jour, au cimetière j’ai senti qu’il me demandait de le libérer, alors je l’ai fait, je lui ai rendu sa liberté et ensuite, je me suis sentie mieux.
Alors, j’ai libéré Pierre. Sentie mieux

Pas vraiment mais au moins en paix.
Ma voisine m’a écouté avec tant de douceur, d’attention, de compassion. La compassion n’est pas la pitié, c’est prêter sincèrement attention à l’autre.
Et enfin, je me tais, et elle me dit : « Tu as bien fait de le libérer. Lorsqu’ils montent vers la Lumière, ils gardent un œil sur ceux qui les pleurent si fort. Ils souffrent de tant de larmes et maladroitement tentent de leur faire comprendre qu’ils sont bien, heureux et que la vie doit continuer (les signes !). Les pleurer et ne pas chercher à avancer, c’est les lier à nous, et à un moment ils devront quand même partir et se fondre dans cet espace d’amour en nous laissant. Les libérer, c’est comme lâcher la ficelle d’un ballon qui s’élève au plus haut jusqu’à disparaitre à nos yeux. »
Une dernière phrase, au moment de se séparer, elle me dit, le visage éclairé d’une lumière intérieure : « Vous vous retrouverez, j’en suis sûre, je le sais. Vous vous retrouverez, il y a tant d’amour entre vous. Et vous vous reconnaitrez. Quand deux âmes s’aiment autant, elles doivent continuer ensemble ce qu’elles ont commencé. »
Alors, j’attendrais et je vivrais.
Une fois encore, je n’ai pas pu faire court et pourtant, je me suis censurée, croyez le !
Y croire ou non
Je souhaite seulement vous faire partager la douceur qui m’habite depuis cette conversation, vous donner un souffle d’espoir, vous pousser à continuer le chemin, au bout, il y a vraiment la lumière.
Tendresses à tous.
Marina