Auteur Sujet: Aujourd'hui: deux ans  (Lu 6137 fois)

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Caroline3

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Aujourd'hui: deux ans
« le: 22 avril 2012 à 08:41:36 »
Le 21 avril 2010, j'étais dans sa chambre d'hôpital. J'avais pris une Maudite (bière du Qc), sachant qu'il allait partir. J'étais totalement avec lui.

Ma Lou 7 ans, en sécurité, était entre bonnes mains, chez des voisins. Lui, il est mort vers 8H pm.

J'ai appelé ma petite soeur, qui est venue dare-dare (comme ce soir) à ma rescousse. On a pris des photos de Lowell mort. Nos mains entrelacées. On a pleuré (surtout moi).

Le corps a refroidit en quelques minutes.

---

Non.

Oui.

C'est vrai et c'est faux.

Je mens, je ne mens pas.

---

Oui: j'étais avec lui, à son décès, dans sa chambre, la bière, même le procsiuotto. La peine, la fin. Ma soeur et tout.

Non pour la sécurité de la petite: un mois plus tard, j'ai su que les voisins n'étaient pas sûrs: 7 autos de polices étaient venues par deux fois, avec un serrurier et ils avaient fait sortir les ordinateurs de la maison: on ne sait toujours pas pourquoi, mais comme la Lou couchait chez eux, j'ai dû stopper toute relation (ils ne sont jamais venu nous expliquer ce qui c'était passé) - et j'en ai pleuré, et crié. De bons voisins, amis. Fini en quelques minutes.

Non:  sachant pourtant qu'il allait mourir, puisque j'avais appelé une ambulance vers 7H du matin, la Lou qui comprenait... "Maman, je sais ce qui se passe".

Lui a dit ses derniers mots: "I love you, see you later". C'était pour Lou.


J'ai travaillé jusqu'à 17H30 -- au Qc, on arrête à 17H, normalement, contrairement en France où on travaille jusqu'à 19H, des fois.

L'oncologue m'a appelée à 17H30 pour me dire de venir rapidement à l'hôpital: Lowell allait mourir. J'étais capable de conduire, ai stoppé chez moi, pris un matelas (in case I have to sleep), ai averti "les voisins"... et je suis arrivée vers 18H.

---

Je lui ai parlé de nos bons moments, de nos difficultés, de notre vie. De sa gentillesse. De son indifférence. De son accident de moto qui a tout fait basculé, alors que Lou avait 9 mois.

J'avoue: j'ai eu du bon temps. J'étais fière d'être avec lui. Avoir le privilège des derniers moments. De SES derniers moments.

Je pleurais, j'avais peur qu'il souffre.

Personne avec nous: autre privilège du tuberculeux.

---

Lowell est décédé vers 20H et des poussières.

J'ai pris une demi-heure, juste pour moi, et lui. Lui parler de sa mère, qui allait s'effondrer, et ne jamais le dire.

Alors, j'ai appelé sa mère.

"Your son is dead".

Je crois que ça, c'est le pire. Je comprends, vraiment, je comprends cette femme. Et ce papa de 80 ans.

Elle m'a raccrochée.

 J'aurais fait pareil. Elle était simplement incapable de parler.

---

Puis, ma mère. Je lui ai dit que mon mari venait de mourir. Elle m'a dit: "J'arrive"

Or, elle est à 3H de distance de la ville de Québec.  J'ai dit:

 "Maman, pas tout de suite, attends un peu". En fait, je savais que j'avais trop de choses à  faire et la connaissant... quand ma mère est là, elle prend toute la place et il faut s'occuper d'elle.

Je ne pouvais pas.

---

Non seulement elle n'est jamais venue, mais elle a appelé mes frère et soeurs pour leur dire qu'il fallait attendre. Que j'étais "occupée".

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Ils ne sont jamais venus et n'ont pas appelé. Mon frère m'a envoyé un billet de loterie (!). Une de mes soeurs d'est excusée un an plus tard.

Encore aujourd'hui, j'en braille...

---

Le lendemain, je suis allée chercher Lou à l'école. Il faisait beau (rare à cette période de l'année, juste pour vous dire, aujourd'hui, il neigeait à Québec).

---

"Laure, ton papa est mort".

Elle a dit, très rapidement: "On va le voir à l'hôpital, on va chercher un appareil photo et un ciseau, je vais prendre de ses cheveux.

Pffff. 7 ans.

---

Une psy du deuil des enfants m'avait dit que c'est elle qui devait choisir si elle désirait le voir.

 "Attention: ne fais pas l'erreur des adultes. Ils n'expliquent jamais aux enfants ce qu'ils vont voir. Il faut décrire le froid, la couleur, la rigidité".

J'ai donc procédé.

Par contre, à l'hôpital, ils ne voulaient pas. Pas d'une petite de 7 ans dans un tel endroit. J'ai compris qu'il arrive rarement qu'un enfant de cet âge vienne visiter le corps de son papa décédé.

Ça pris une heure et demi d'attente (et je les avais appelés deux heures avant). On devait être accompagnés d'un agent de sécurité et d'un infirmier. Presque pire qu'en prison.

Et Lou a attendu patiemment. Elle y tenait vraiment.

L'appareil photo à la main, le ciseau de l'autre.

Belle enfant. Magnifique personnalité.

---

Lorsqu'elle a vu le corps de son père, elle a été estomaquée.

Elle a touché la chose.

"Maman, c'est dégueulasse"

Parce que ce l'était.

Cré Lou.

---

Une chance qu'on ne peut pas mettre une photo, je crois que vu mon état ce soir, je vous l'aurais mise: Lou, 7 ans, apeurée, qui regarde son père froid, sur la civière.

J'entends: "De mauvais goût".

Mais pour moi, c'est une magnifique photo!!!! Lou, qui regarde, étonnée, le corps de son papa décédé...

---

Ce soir, ma petite soeur est venue à grand renforts, avec son coeur, sa gentillesse. Heureusement que je l'ai appellée, sinon, elle ne serait pas venue.

Je sais: il faut demander pour recevoir.

 Mais crime, hostie, ta-bar-nak... faut-il être obligatoirement dans sa tombe ou en plein délire pour que nos proches se réveillent et voient qu'on est pas encore tout à fait mort?

---

Caro-qui-ne-comprends-toujours-pas-l'humain. Ou bien un peu trop: les gens sont occupés.

« Modifié: 22 avril 2012 à 09:57:35 par Caroline3 »

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #1 le: 22 avril 2012 à 10:17:40 »
22 mois aujourd'hui.

22 juillet 2010, la nuit a été terrible, il a été très agité, balançant ses bras en avant comme pour se protéger d’assaillants invisible, il criait : « Non, non, pas maintenant, trop tôt, trop tôt ! »
Puis encore : « Trop de lumière, trop de lumière ». Il est minuit passé, mais les lampadaires dehors peuvent le gêner bien qu’il soit dans le coma depuis la veille. Je me précipite pour fermer le store.
Je suis restée dans le fauteuil à coté de lui. En fait, j’y suis depuis 6 jours et 6 nuits dans ce fauteuil. Les infirmières tentent de me nourrir, me mettent à la porte pour que je m’aère un peu, me poussent régulièrement à rentrer chez nous (40 km quand même) pour une pause, un douche, une sieste. Ok pour la douche et les cheveux encore mouillés je reprends l’auto. 40 kms again.

Cette agitation, ces cris, je supplie l’infirmière de garde de lui donner un calmant. Après vérification elle affirme qu’il ne souffre pas, en tout cas physiquement, mais que les comas hépatiques sont toujours violents. Sans doute pour me faire plaisir elle lui fait une injection dans la cuisse.

Il ne se calme pas.

Vers 5 heures, je suis épuisée de fatigue et de chagrin de le voir ainsi, j’ai tenté mille fois de le rassurer, mais il ne m’entend plus.

L’infirmière revient et me traine jusqu’à la chambre à coté, vide, pour que je prenne du repos. Elle le surveille et viendra me réveiller au cas où…

Allongée sur ce lit d’hôpital, je l’entends encore crier, mais je finis par m’endormir. Je suis impuissante.

A  6 :00, changement de service, j’entends que l’on pénètre dans la chambre de Pierre, je me précipite. Maria, formidable petit bout de femme qui me porte depuis 10 jours, me câline, me parle ou m’écoute, me rassure : Il va bien, température un peu basse, mais il dort, enfin calme.
Je m’allonge à nouveau… pour ½ heure. Maria me réveille doucement.
Il vient de partir.
J’ai passé mes jours et mes nuits depuis une semaine dans ce fauteuil à coté de lui et il est parti sans moi.

Comme il est beau ! Soudain, il n’a plus ce teint gris, ces traits tirés, cette souffrance partout sur son corps et sur son visage. Il est si beau que … moi aussi Caroline j’aurais voulu prendre une photo. Mais je n’ai pas osé.
 
Terrible intimité de ces instants, où le dialogue n’existe plus, où l’on ne sait quoi dire, que faire, ces derniers instants où la vie n’est pas loin, mais la mort déjà là, instant du « trop tard », du « plus jamais », derniers baisers sur un peau encore « vivante », dernières caresses dans les cheveux. Dernier, dernier, dernier…
Et mon cœur qui fait un bon en voyant soudain son corps bouger ! Un si bref instant j’ai cru… mais non, je réalise qu’il est allongé sur un matelas spécial, empli d’eau, qu’un moteur fait glisser de bas en haut pour apaiser les souffrances du dos et éviter les escarres.



7 :30 Il fait soleil, c’est l’été en France, un été très chaud. Je descends dans la cour de l’hôpital, le « jardin », un banc, une grande respiration, et j’envoie un SMS à ma sœur et à mon frère : « C’est fini ». Réponses immédiates de part et d’autre : « J’arrive ».

Je regarde les gens arriver, en tenues légères, souriants, pressés, heureux.

Grande respiration, encore et encore. Retenir le chagrin, se concentrer sur l’Amour. Le corps n’est plus mais l’Amour reste, j’en suis maintenant l’unique dépositaire.

Je vais quitter ce banc pour aller le retrouver, et soudain, cette petite et très belle plume blanche qui descend de je ne sais où (enfin je me doute qu’elle vient d’un oiseau… à moins que ce soit d’un Ange !) et qui vient se poser délicatement sur mon banc.



Il est toujours – encore plus – beau.
Tout le monde le dira, tous ceux qui viendront le voir, il est magnifique. Et c’est pour cela que ce souvenir n’est pas totalement insupportable pour moi, il était si beau et si serein.

Après, totalement prise en charge par les miens. Je ne décide plus rien, je suis un pantin, on me questionne, je dis oui, non… Quelques coups de téléphone obligatoires.

Le reste de la journée… nuit et brouillard.
Nouvelle visite, à la morgue cette fois, avec sa famille.
Il est toujours aussi beau.

Et le soir, tous à la maison, enfin, presque tous, il n’est pas là.
Si, en fait, il n’y a que lui.
On ne parle que de lui, on sourit en le revoyant faire le clown, on met les musiques qu’il aime, on boit à « sa santé » (çà, c’est bien glauque, mais sur le moment, on ne s’est pas rendu-compte du tragique de ce toast). En réalité, nous sommes tous à bouts de nerfs, à bout de force.

Demain, demain il fera jour…

PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #2 le: 22 avril 2012 à 12:44:45 »
Yohann,

Tu es là, avec nous.
Tu es toujours là.
Et nous sommes aussi avec toi.

Moments difficiles.
Moments doux.

Nous partageons.
Et nous savons que nous ne sommes jamais seuls.

 :-* :-* :-*

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Chris-ka

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #3 le: 22 avril 2012 à 15:05:52 »
Douce Marina,

Par ton récit, je viens de revivre avec toi les derniers instants de ton Pierre et je ne trouve aucun mot pour t'apaiser, alors que tu sais si bien le faire avec nous.

Dates anniversaires devenues si douloureuses .... Simplement envie de te dire que je pense très fort à toi en ce jour.

Et surtout gardes bien en tête ta "devise" : il vaut mieux souffrir d'avoir aimé .....

Marina, ne voies-tu pas les couleurs de l'arc en ciel au loin ?

Tendrement,

Karine

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #4 le: 22 avril 2012 à 15:25:23 »
Je les vois, Karine, je les vois les bleus, les violets, les rouges..., un peu voilées quand même.

22 mois, c'est si long sans lui, si douloureux et... c'est comme si c'était hier.

Oui, mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé. Et en plus, j'ai été aimée.
Et si Karine, toute cette gentillesse et cette tendresse me font beaucoup, beaucoup de bien.

Douce journée Karine.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

cello59

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #5 le: 22 avril 2012 à 16:44:00 »
Caroline, Marina,

Je partage avec vous ces souvenirs douloureux qui sont inscrits en vous de manière indélébile, et témoignent de votre attachement à celui qui vous a quitté, emporté par la maladie. Il me semble que vous avez un besoin irrépressible d'en parler, comme dans une forme d'exorcisme.

Comme pour vous, les derniers instants de vie de mon épouse, il y aura bientôt 8 mois, me reviennent sans cesse à l'esprit, mais il ne m'est pas encore possible d'en faire la relation, d'autant que nous nous sommes quittés sans pouvoir nous dire "au revoir", sans être en mesure auparavant de nous parler de "cœur à cœur".
Pour moi, à la douleur de la perte s'ajoute la révolte au regard de pratiques médicales entre trop inhumaines, insuffisamment respectueuses de la personne en fin de vie et de ses proches.

Je souhaite donc vous témoigner de toute ma solidarité.   Daniel

bruna

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #6 le: 22 avril 2012 à 16:49:58 »
Chere Marina
je penses bien a toi aujourd'hui,
ton récit est tellement bouleversant,il me fait penser a mon Pierrot,pour qui cela c'est passé de la même façon.
Mon amour n'avait pas ouvert les yeux  de toute la journée, et l'infirmiére a 8 h le soir ,m'a dit de partir,car il n'était plus conscient,
je suis partie, mais en arrivant a la maison,j'avais un peéssentiment,il fallait que j'y retourne
je suis repartie pour l'hopital,et quand je suis arrivée près de lui ,les yeux ont bougé sous les paupières
la je lui ai parlé ,je le touchais,lui disait que je l'aimais ,et que je l'aimerais toujours.

A2h du matin il a rendu son dernier soupir,mais la ça ne c'est pas passé comme pour toi,j'étais toute seule,
les enfants et la famille a plus de 500 km
J'ai appele les infirmierse,et la sans un mot de gentillesse,sans me démander si j'allais bien,elles m'ont dit que je
pouvais partir,,je suis restée avec lui encore 30mn,et j'ai pris ma voiture dans la nuit,pour rentrer
Je ne sais pas comment j'ai fait pour conduire;;;cest lui qui a du me guider,car je pleurais tellement,que je
ne voyais pas la route ,
Je suis arrivée a la maison,je me suis effondrée

Bientôt 20 mois le 2 mai,et je ne peux toujours pas enlever ces images de ma tête,il me manque tellement,
mais commeje l'ai dit sur un autre fil de discussion ,,et tu m'avais répondu Marina;;au sujetde mon
accident de voiture sur l'autoroute pour moi il était près de moi ,car vu l'etat de mon Audi ,je ne devrais plus être la
JEn'écris pas souvent,mais je vous lis ,vous exprimez tellement bien vos émotions
Je t'embrasse Marina,,je vous embrasse tous
Bruna

alsy

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #7 le: 22 avril 2012 à 16:51:42 »
Que dire de plus ???
 beaucoup d'émotions, d'amour avec un grand A à lire vos récits... les derniers moments ... de vie à deux...dans la douleur, la souffrance ! parfois dans l'indifférence...et en même temps en souhaitant qu'il parte pour ne plus les voir souffrir.
J'ai eu la chance de lui tenir la main la dernière demie heure..à mon Alain, je savais qu'il partait tout doucement il était également dans un coma hépatique. Je suis partie 2H l'ap midi pour des papiers qu'il fallait faire avec ses filles pour prévoir.....!  et il m'a attendu pour partir...
j'ai senti son dernier souffle... en lui tenant la main. Il ne souffrait plus. Je l'ai vu trop souffrir... et pleurer ...pourtant il était fort mais c'était insoutenable !
C'est trop difficile de se rappeler ces moments. là.
Et moi qui vous souhaitait un bon dimanche Marina , excusez moi nous sommes le 22... avril ! et le jour de chaque mois, on ne peut pas oublier...  ??? 
Je partage vos moments difficiles. et douloureux.
je vous embrasse
 :-*Sylvette
   

Caroline3

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #8 le: 22 avril 2012 à 17:05:51 »
Marina, j'ai aussi bu à sa santé. Hier soir aussi, avec ma petite soeur.

---

Il a été soutenu, tu as été soutenu. Il a été aimé, et toi, tellement!!! Ce sont à la fois des moments tragiques et magiques, qui marquent au fer et je crois, de plus en plus, qu'il faut les dire, les répéter, et les écrire, oui, les écrire.

Mais pas n'importe où.

Ici, c'est le bon endroit: je me relis, je vous relis souvent. Je ne viens que sur ce module, surtout pas sur celui des enfants.

Et Yohann, qui a tellement les mots justes. Ça vient de lui, d'ailleurs, de répéter, jusqu'à temps que ça ne me fasse plus pleurer de l'intérieur ou de l'extérieur.

Je vous embrasse tous, chers amis.

Je peux le dire maintenant: vous êtes des amis.

Caroline-dans-la-neige.

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #9 le: 22 avril 2012 à 19:47:45 »
A Yohann
Notre roc, si fragile.
Notre philosophe, si loquace.
Notre amoureux, si pudique.
Merci Yohann.


A Karine
J’avais en projet de relire tous vos messages, tous, afin de noter ces dates douloureuses, pour chacun de vous. Le calendrier y suffira t’il ? Tristement, je n’en suis pas sure.
J’ai cependant remarqué que ces dates, nous éprouvions le besoin de les « marquer » sur le forum. Un décompte du temps qui passe depuis que… Un décompte de chaque jour où l’on a tenu sans…

Je reste persuadée que oui, il vaut mieux souffrir d’avoir aimé, que souffrir de n’avoir jamais aimé. (Voir la réponse unanime sur le fil « Si c’était à refaire »).
Et je m’accroche aux arcs en ciel, comme une arapède sur un rocher, les vagues ne m’emporteront pas.
Merci Karine.


A Daniel
Oui, j’éprouve toujours une besoin irrésistible de parler de Pierre, de prononcer son prénom,  de raconter sa vie, la notre et la terrible épreuve. Je sais que je n’oublierais pas, jamais, mais il me faut l’écrire, encore et encore. Avec les années, je pense que le récit sera édulcoré et peut-être romancé.
Ma grand-mère paternelle avait vécu une enfance digne d’un roman de Tolstoï, fuite de la Russie en pleine révolution, … … Dès notre plus jeune âge, elle nous a narré son histoire, une fois, dix fois, peut-être cent fois et chaque fois, elle ajoutait une anecdote, un petit plus, un détail et assez vite nous nous sommes aperçus qu’elle revivait sa vie comme un roman.
C’est beau, mais je regrette de ne pas avoir noté le premier récit, le vrai.

Je ne veux rien oublier de Pierre, je veux tout noter et décrire, tant que ma mémoire est fidèle. C’est peut-être aussi, oui, une forme d’exorcisme.

Nous ne nous sommes pas dit au revoir non plus, avec Pierre. Il a cru jusqu’au bout (ou fait semblant ?), qu’il s’en sortirait. Il avait foi en l’avenir, et un courage hors du commun. Il accepté tous les traitements, toutes les contraintes et moi, je faisais semblant. Pas une seule fois il n’a semblait avoir un doute, pas un seul indice qui m’ait laissé penser qu’il savait que son état empirait. Alors, pas d’au revoir, pas de déclarations, juste des mots d’Amour, des mots de tous les jours. Mais l’Amour se lit et se dit aussi dans un regard, dans une caresse, dans une présence attentive.
Merci Daniel.


A Bruna

C’est vrai que nos histoires sont parallèles.
L’hôpital, les opérations lourdes, les traitements, le « faire semblant », le dernier jour, jusqu’au prénom – et petit nom – de nos Amours, « mon Pierrot ». Le 30 juin, il n’allait pas très bien, je l’ai accompagné à l’hôpital, il n’était pas vraiment d’accord et me dit : « Oh, Mimi, l’hôpital, encore, on sait quand on y arrive, mais on ne sait jamais quand on en part. » Et je lui ai dit : « Allez, mon chéri, quelques examens et je vous ramène à la maison. » Il n’est jamais rentré. Pourtant, je le lui avais promis…

J’arrive de moins en moins à quitter notre maison, une belle maison pleine de joie, de rires, de douceur et d’amour. Enfin, maintenant très calme et silencieuse malgré la présence de mes parents tous deux octogénaires et bien handicapés et de mes … 15 chats (oui, je sais !).
Je fais des petits travaux par ci, par là, je termine ses finitions en attente depuis longtemps et lui demande souvent un conseil, une idée à mon Pierre. Il a tellement d’idées, tellement de talent pour tout. Il est partout avec moi. Tout le temps.

Oui, pour ton accident de voiture, je m’en souviens. Un miracle.
Alors, cela existe donc les miracles ?
Voilà une bonne nouvelle !
Merci Bruna.


A Sylvette
Ce dimanche n’a pas été un mauvais dimanche.
Parfois, le 22 du mois, je fais comme si c’était un jour normal. D’ailleurs c’est un jour normal pour tout le monde. Sauf pour moi. Et Caroline du QC.
Ce dimanche, je le lui ai consacré (pas à Caroline ! à mon Pierrot), je lui ai écrit, je lui ai parlé, je n’ai pas cherché à l’éviter, à me cacher, à refouler mes pensées, mes souvenirs et mon chagrin, mais …
JE N’AI PAS PLEURE.
Incroyable, non ?

Je me sens comme ces arbres que la tempête a abattu et que tout le monde déclare perdu. Le temps passe et un printemps, un bourgeon ou deux pointent leur nez, et puis plusieurs… A évidement, il est bancal, mon arbre, il ne ressemble à rien, la tête à la place du pied, une branche qui devient racine, une autre qui monte vers le ciel… Vers le ciel…
C’est ce qu’on appelle la Résilience, non ?

Je préfère ce mot, résilience, à « acceptation ». Non, je crois que je n’accepterais jamais. Mais je pense que je pourrais, peut-être, m’adapter.
Enfin peut-être.
Allez, oui, nous nous adapterons, parce que … ? parce que… , parce que.
Merci Sylvette.


A Caroline
C’est avec une grande tristesse que j’ai lu ton message.
Ta grande solitude face à ce moment d’effondrement, j’ai cru lire le récit de Joyce Carol Oates, lorsqu’elle raconte cette dernière nuit.
Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas en permanence dans les hôpitaux une cellule d’aide aux accompagnants.

J’ai presque honte de dire que, oui, j’ai été très aidée, soutenue et aimée. Tu as complètement raison de dire que ces moments tragiques peuvent aussi être magiques, mais c’est plus tard, bien plus tard que l’on en prend conscience.
Merci Caroline.


Merci à tous.
Il n’y a qu’ici que je peux me laisser aller, laisser dégouliner les phrases, les aligner les unes derrière les autres, sans retenue, sans pudeur mais quand même avec la crainte de lasser, car mes messages deviennent vraiment trop, trop longs.
Ecrire, décrire, raconter et communiquer, c’est pour moi une thérapie capitale.
Avoir votre écoute, votre indulgence, votre gentillesse, votre tendresse est un réconfort inestimable.


Je confirme, Caroline : Vous êtes des Amis.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

alsy

  • Invité
Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #10 le: 22 avril 2012 à 20:06:03 »
Marina...

 Vos messages ne sont jamais trop longs... c'est toujours un réel plaisir de les lire

Merci à vous,

C'est tellement beau ce que vous écrivez....

Sylvette
 ::) :-* :-* :-*

Caroline3

  • Invité
Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #11 le: 23 avril 2012 à 04:29:07 »
Marina, tu es fan-tas-tique.

Que d'engagement de ta part. Pour des gens que tu ne connais pas, tu prends le temps de te souvenir de ce que l'on vit, pour nous soutenir.

Et j'espère. Pour TE soutenir.

Ça fait trois ans pour toi, deux ans pour moi. Et depuis que je te connais, si peu pourtant, je pense à ce que tu vis. J'y pense à tous les jours et j'en parle à mon entourage: ces gens, sur ce site, sont présents et ils comprennent la mort, cet ultime moment associé à notre présence sur terre. Ils parlent de la douleur, ils parlent du manque, ils parlent de morphine, d'hôpital, de médecins, de souffrance. De "clash" terrible.

ENFIN!

Ton exemple n'est peut-être pas celui que tu crois. Quand j'ai décidé d'arrêter de travailler, j'étais devant mon ordinateur, à te lire. Si mon psy m'a réveillée, tu es celle qui m'a poussée (!) là où il le fallait.

Je me disais: Marina ne travaille pas.. après 3 ans et moi, je continue, après 2 ans, à me détruire, comme une bête de somme, sans réflexion, sans profondeur. Je coure vraiment, comme une "poule pas de tête". Mon boulot, ma maison, mes papiers, les maisons au Sénégal, au Ghana, faire brûler le corps, apporter les cendres aux States, préparer ma petite de 7 ans. Rencontrer une spécialiste du deuil, pour les enfants.

Mon corps commence à lâcher. D'ailleurs, dimanche passé, je me suis fait une entorse grave. Depuis, j'arrive difficilement à marcher.

Il me faut arrêter.

Merci de m'avoir rendue une partie de ma vie. Bien sûr, j'étais prête à t'entendre, mais j'avais besoin de toi.

Caroline
« Modifié: 23 avril 2012 à 04:34:46 par Caroline3 »

thierryv88

  • Invité
Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #12 le: 23 avril 2012 à 07:30:58 »
Bonjour Marina,bonjour a tous

Je viens de lire ton message qui est magnifique car c est ton coeur qui nous parle avec tant d emotions,tous les moments de cette derniere journée , j espere pouvoir un jour pouvoir ecrire aussi ces derniers instants...
tu es quelqu un de formidable.

Caroline3

  • Invité
Re : Aujourd'hui: deux ans
« Réponse #13 le: 23 avril 2012 à 17:47:54 »
Je suis allé voir le médecin, pour mon congé.

Ce qui est difficile, c'est de répéter l'histoire, devant une personne très bien, mais pressée. Elle me prend comme patiente, mais juste pour cette partie-ci (dépression). Après, c'est pas sûr. Elle est pas mal trop loadée.

Et puis, pleurer et expliquer en même temps clairement si je ne suis pas TOC, PMD, borderline... allergies, alcoolique... elle coche non partout. Puis me dit qu'en effet, j'ai besoin d'arrêter.

Enfin, c'est fait. Me reste encore quelques rapports et plan de travail à compléter, une ou deux rencontres. Mais c'est tout.

Et s'il pouvait faire beau. Ici, les grosses branches des arbres tombent: c'est la tempête, vents à 60-100 km/h avec verglas, neige, petite grêle.

À +

Caroline