Maman
Aujourd'hui je me sens coupable.
Coupable de cet échange que nous avons eu à table peu avant mon départ en vacances.
Et qui a sûrement conduit au fait que tu aies dit à papa je ne sais pas trop quand "Elle pense que je fais du cinéma"
Tu nous as dit à table je suis sûre que l eau est revenue
Et je t'ai dit que c'était impossible, que tu avais été vue aux urgences et qu'ils avaient vérifié ton coeur.
Je t'ai dit que c'était sûrement des crises d angoisse mais tu soutenais que non
Je t'ai dit alors "on dirait que tu veux avoir qqch. C'est fou comme tu es toujours dans le négatif et jamais dans le positif. Tu annonces toujours les mauvaises nouvelles et tu imagines toujours le pire".
Sonia avait abondé dans mon sens
Et tu avais répondu tu peux me croire que je me passerai bien d avoir qqch au coeur car les ponctions c'est loin d'être amusant ...
Tu nous disais souvent quand on demandait de te motiver pour qu'on sorte un peu, pour te changer les idées, que tu étais fatiguée et qu on ne se rendait pas compte. Qu'on n'était pas dans ton corps.
Tu avais raison maman.
Sur tout.
Tu avais de l eau dans le coeur et les urgences n'avaient rien vu. Pas plus que l oncologue qui t a dit que tout était stable. J ai commis l'erreur de croire les médecins plutôt que toi. Alors que c'était ton corps pas le leur.
C est vrai que tu étais d'une nature anxieuse et plutôt pessimiste. Dès que tu avais mal quelque part c'était forcément une métastase. Dès qu on avait un bobo, quelque chose de grave. Tu imaginais toujours le pire et tu étais un peu en dépression. En même temps quand le crabe ne veut pas desserrer ses pinces il y a de quoi l être non?
Tu ne m appelais jamais quand tes marqueurs avaient baissé mais que quand ils avaient grimpé.
Je ne sais pas trop comment le dire mais j'avais l impression que tu vivais voire même te complaisais dans le malheur et les mauvaises nouvelles. Et qu il n y avait rien à raconter quand tout allait bien. Le verre toujours à moitié vide et ça m énervait car je voulais que tu vois la lumière et pas uniquement le noir. Je ne voulais pas aller dans ton sens pour ne pas qu on s'enfonce un peu plus.
En fait je pense que tu avais tout simplement peur de quelque chose que moi je cherissais plus que tout : l espoir.
L'espoir que ton cancer se stabilise définitivement et que tu puisses vivre encore des années avec nous.
L'espoir que tu voies mon fils grandir et que tu assistes à la communion de ton autre petit fils. Tu disais souvent que tu serais morte avant et je te soutenais le contraire. Te rassurais (et me rassurais) en disant que tu étais en forme, que le médecin avait dit que ton cancer était stable.
Que j'aurais aimé que tu aies tort sur toute la ligne.
Alors pardon maman.
Je n'ai jamais cru une seconde que tu faisais du cinéma. Je savais que tu avais une maladie grave mais je m'étais raccroché à ce qu'avait dit le médecin quand il avait diagnostiqué ta rechute "votre vie n'est pas en danger". C'était ça le plus important pour moi.
Tu n as jamais été une chochote. Tu étais robuste, c'est aussi pour ça que J y croyais. Il y a eu sûrement des signes que je ne voulais pas voir. Infections urinaires à répétition, fatigue, tu attrapais la crève régulièrement.
Même quand je t'ai vu si fatiguée notre dernière journée je pensais que tu allais t en remettre. Je t'ai dit il faut que tu te reposes. Tu ne dois rien faire à la maison. Surtout tu ne sors nul part le temps que tu récupères. Tu avais l oxygene mais tu ne l as utilisé que quelques minutes dans la journée. Tu avais une petite tension et je t'ai dit mais non c'est ton appareil qui deconne. J ai pris ma tension et celle de mon mari qui étaient quasi la même que la tienne. Tu m as répondu il marche pas cet appareil, c est dla merde.
Tu as gueulé après papa qui tardait à rentrer. Joué à notre jeu favori. Ri au film.
Non tu t inquiétais pour rien. On allait te trouver un nouveau médicament qui stabiliserait le cancer sans nuire à ton coeur. Et tu as fait ton malaise. Même là J ai réussi à te dire mais non maman tu ne vas pas mourir quand tu me disais le contraire. Pourtant cette fois ci au fond de moi J ai vraiment senti que tu allais peut être mourir. Le déni dans lequel j'étais s est envolé. Quand je me suis levée pour aider Sonia avec les pompiers j'avais les jambes qui tremblaient et la nausée. Je n'avais jamais eu aussi peur. J'étais terrorisée que tu t en ailles. Et j'étais aussi terrorisée que tu survives mais en restant à l hôpital à subir ponction sur ponction voire même, vu l intensité du malaise, que tu ne sois plus jamais toi avec le manque d oxygène. Pourtant quand on nous as annonce que tu étais décédée, j'aurais tout donné pour que tu sois encore là. Même diminuée. Je sais c est égoïste mais tu ne peux pas savoir le vide que tu laisses maman.
J'espère tellement fort que tu es encore là. Près de moi.
Je suis désolée si je t'ai bousculé en te donnant l impression de ne pas réaliser. Je réalisais que tu étais malade mais je ne voulais pas que tu partes. J'avais et J ai toujours tellement besoin de toi.
Je t'aime maman