Philippe,
J'ai lu avec attention tous les messages de ce post et votre histoire fait un peu écho à la mienne sur certains points.
Je suppose que vous êtes fils unique?
Je vous partage mon histoire:
Moi je suis fille unique. A 27 ans, mon père décède à l'âge de 72 ans d'une fracture du col du fémur qui faisait suite à un Alzheimer. Mon père avait vécu la déchéance avec son Alzheimer mais suite à sa fracture du col du fémur, là, ça a été la descente aux enfers. Il était alité pendant 6 mois. Il a eu des escarres sur la peau. Rien que d'y penser, ça fout le moral en trompes. Ce n'est pas moi qui me suis occupé de mon père. Au début, il était hospitalisé puis ils ont mis en place l'hôpital à domicile mais ce n'était pas terrible comme accompagnement. Des auxiliaires qui changeaient tous les jours. Parfois une gestion complexe des retards, absences,....Ma mère était déjà assez malade et elle ne pouvait pas changer mon père.
Mon père est mort 6 mois après sa fracture du col du fémur. Il est mort quand même jeune: 72 ans seulement.
A ce moment là, j'étais mariée et j'attendais la naissance de mes jumeaux lorsque mon père est mort. Sa mort a été dure à encaisser mais c était une délivrance aussi car je me disais qu'il ne pouvait pas encore plus souffrir que ce qu'il avait vécu.
Je ne pouvais pas trop céder au deuil car je devais trouver les forces pour l'arrivée des jumeaux.
Ma mère, suite au décès de mon père, était en totale dépression. Elle pleurait et était si triste et si seule.
Je voulais l'amener chez moi mais mon conjoint ne voulait pas.
3 ans après le décès de mon père, mon conjoint décide d'amener ma mère chez moi.
On vivait chez moi avec les enfants, mon mari et ma mère.
Au début, on s'est dit que comme je reprenais le travail, ma mère allait s'occuper des enfants en mon absence.
Sauf que dans la réalité, ma mère avait tellement d'antécédents, qu'elle était juste présente mais ne pouvait pas trop s'occuper des enfants.
La cohabitation a été très dure. Mon conjoint était désagréable avec ma mère. Il ne la supportait pas, ne lui disait pas bonjour,....Et cela blessait ma mère. Mon conjoint était jaloux même de la relation qui m'unissait à ma mère.
J'avais vécu un véritable enfer entre mon conjoint qui détestait ma mère sans raison et ma mère qui finissait aussi par haïr mon conjoint.
Je tentais de concilier tant bien que mal tout le monde. Je faisais de mon mieux pour que ma mère soit à l'aise. Parfois, il nous arrivait aussi de nous chamailler mais jamais plus de 2 jours. Elle me pardonnait toujours avec son grand coeur.
Même si on se chamaillait, les enfants venaient me réconcilier avec ma mère.
Puis en 2019, ma mère a eu des complications cardiaques AOP. Elle a fait 4 AOP en 4 mois. On a crû qu'elle allait y passer tellement les crises sont impressionnantes.
Elle a guéri et une femme médecin m'avait dit au téléphone: "votre mère avec ses antécédents, elle ne sera jamais stable. ça va même s'empirer." J'étais si désemparée après ce coup de fil. Mais grâce à la volonté divine, elle s'en était sortie et elle allait bien. Elle était stable. J étais tellement contente d'avoir ma maman stable et avec moi.
Puis fin mars 2021, elle a eu un kyste ovarien. J'étais en télétravail et je lui ai dit que je comptais la prendre d'ici 10 jours en consultation mais que pour le moment, le travail n'accepterait pas d'absence. Son kyste s'empirait. Puis elle le sentait carrément dans la peau. Je décide donc d'appeler les pompiers et ils l'emmènent à l'hôpital. Comme vous le dîtes, l'hôpital n'est pas le meilleur lieu pour s'occuper des personnes âgées.... Elle était mal voyante et les aides soignantes refusaient de lui donner la chaise percée et refuser aussi de l'accompagner aux WCs. Ce qui m'a fait le plus mal, c'est qu'avec ce covid, les visites étaient interdites. Ma mère m'a appelé le dimanche 11 avril et m'a demandé pourquoi je n'étais pas venue la voir et je lui ai répondu que l'hôpital ne voulait pas. Elle était en larmes en me disant qu'elle souffrait trop et qu'elle voyait la mort approchée à grands pas. Elle m'a dit de prendre soin des enfants.
Ils ont fait 2 opérations à ma mère et je n'ai même pas pu la voir.
Ils m'ont ensuite appeler ce lundi 12 avril 2021 à 4h du matin pour me dire que ma mère était en réanimation et que ses reins ne fonctionnaient plus. J'ai donc averti le travail que je m'absentais et je suis allée voir ma mère.
Elle était contente de me voir et m'a appelé de sitôt par mon prénom.
J'essayais de voir si elle avait toute sa tête. Je lui ai demandé ce qu'on lui faisait. Elle m'a dit qu'ils étaient en train de lui faire une dialyse car ses reins lui avaient fait trop mal. Elle m'a dit qu'elle voyait la mort approchée à grands pas et qu'elle allait pas tarder. Je lui ai dit qu'on savait pas, que seul Dieu sait. Elle m'a dit "non, j'ai eu trop mal. C est sûre que c'est fini."
Elle avait peur, peur pas de la mort, peur de ne pas avoir été assez prier.
J étais en larmes. Et elle m'a dit "non, cesses de pleurer. Moi aussi, mes parents sont morts,....Ton père également est mort....c'est comme ça,...on va tous mourir." puis elle m'a dit "Non ma fille, je ne veux pas te voir pleurer."
J'étais si impuissante face à ses douleurs.
Puis elle a appelé par leurs noms chacun de mes enfants et elle m'a demandé de bien prendre soin d'eux. C'est comme si elle me disait qu'ils allaient tellement lui manquer.
Elle a même pensé aux démarches administratives liées au rapatriement du corps en me disant que j'allais galéré vu qu'on n'avait pas fait le changement de sa carte nationale. Même ça, elle y avait pensé.
Puis, je me suis dit qu'il serait plus adéquat de voir le médecin pour avoir un vrai avis médical. Celui ci m'avait dit qu'il allait tenté son maximum dans ses 3 semaines en faisant la dialyse et qu'après elle pourrait aller mieux. Par contre, il me demandait si elle était autonome dans sa vie de tous les jours et là, je lui ai répondu que non. Qu'elle se déplaçait que dans la maison, que c'était moi qui la douchait, et qui lui faisait les repas. Et là, il était un peu déconcerté et il m'a dit "moi, je vais faire mon maximum mais si la situation se détériore, je ne vais pas faire de réanimation en urgence car ses antécédents sont trop lourds et par rapport à son âge, c'est délicat.". Suite à cette entrevue, je me suis dit qu'il y avait un espoir. Que peut être après les 3 semaines, ma mère pourrait aller mieux.
Comme on avait transféré ma mère pour son opération dans un autre hôpital, sa carte vitale et sa pièce d'identité étaient dans l'autre hôpital. J'ai donc dû aller avec mon mari dans cet autre hôpital.
Puis on revient à la maison. Et là, à 19h15, le médecin m'appelle pour me dire que ma mère a l'air de partir et qu'il fallait que je vienne au plus vite. Arrivé à 19h30, ma mère est décédée à l'âge de 72 ans et on ne m'a pas laissé la voir jusqu'à 20h....
J'étais tellement désemparée …. tellement triste. Je me retrouvais à 37 ans, orpheline de père et de mère.
Même si entre le décès de mon père et ma mère, il y a 10 années, la douleur reste quand même là.
Seule. Même si j'avais un mari et des enfants. Mes parents n étaient plus là. Chaque jour est un combat. J ai souvent des coups de blues.
Je repense comme toi à ce qu'aurait pu dire ma mère dans tel instant.
J'ai ressorti toutes les photos en cherchant les photos où mes parents étaient encore en bonne santé et souriant. J'en ai pas trouvé des masses.... tout un sac de photos et à la fin, on en trouve 2 ou 3 photos où ils étaient en bonne santé....
Puis si seulement j avais pu faire l'enterrement au plus vite. Avec le covid, les frontières étaient fermées. J'avais des démarches administratives pour que ma mère soit "refrigérée" jusqu'à ce que les frontières s'ouvrent.
Le 15 juin, on a rapatrié le corps et le 16 juin, ma mère a été enterré.
Voilà ce que j'ai vécu au cours de cette année. C est dure, éprouvant. C'est vrai qu'avant quand je m'occupais de ma mère c était un peu dure de la doucher, de faire avec ses coups de pompes à cause de sa santé,...mais au moins, elle était présente et avec moi. Mais là, sans elle, j'ai tout mais j'ai rien. Comme tu le disais dans un de tes messages, j'ai trouvé une liberté mais je ne la saisis pas car les personnes que j'ai aimé sont parties.
Parfois, j'aurai aimé avoir juste un message de ma mère dans un rêve pour me dire qu'elle est bien là où elle est.
Puis il y a ces souvenirs qui remontent à la surface comme un film où on revoit des séquences. Parfois, je revois des anciens souvenirs que j avais complétement occulté mais très souvent, c'est l image de l'agonie de ma mère avec ses souffrances à l'hôpital qui me reviennent en tête et là, je me sens si mal. Je me dis que j'aurai dû l'emmener plus tôt à l hôpital, que j aurai dû faire plus pour elle, .....Les regrets viennent comme si ça allait changer quelque chose.
J'aimerai tellement revoir ma mère pour l'embrasser de tout mon coeur et lui dire à tel point je l'aime.
Il y a ce vide de maintenant presque 9 mois. Il m'arrive de compter sans arrêt le nombre de mois comme si ça allait changé quelque chose à ma peine.
C'est dure de vivre un deuil et en particulier celui de la maman.
Courage à tous.