Encore des dates, toujours des dates.
Aujourd’hui c’est l’anniversaire de ma maman. Mais plus rien à fêter.
Comme généralement le lundi, je ferai un crochet au cimetière, pour arroser les plantes et sans doute déposer des fleurs (ma maman adorait les fleurs). Je continue à dire « je vais voir mes parents », comme avant , même si cela fait mal. Je ne sais pas comment me positionner par rapport au cimetière. Ne pas y aller est comme un message d’oubli, alors j’y vais, c’est la seule chose que je peux encore faire pour eux. Comme toujours un moment difficile; je ne vais pas bien avant, pendant les quelques minutes où je reste c’est souvent compliqué et je vais mieux après; comme si j’avais passé une épreuve. Se dire que j’ai désormais mes habitudes dans ce cimetière, le chemin à parcourir, les stèles que l’on reconnaît, le point d’eau, le pin qui ombrage la tombe de mes parents … c’est inimaginable.
Les jours s’écoulent inexorablement dans cette nouvelle vie qui n’est pas installée. Un peu comme un déménagement précipité, rien n’était prévu, les cartons sont partout, mais rien n’est en place car pas envie de déballer et de tout réorganiser. Je fais de petites choses dans le seul but de m’occuper l’esprit pour ne pas trop penser. Toujours ce sentiment que, dans un autre contexte, un autre état d’esprit et surtout sans cette peine, on pourrait profiter pleinement de ce que l’on fait, alors que tout manque de saveur. La joie de faire des choses n’y est plus depuis longtemps et l’envie est un effort. Je profite de moments fugaces, mais le retour à la réalité est cruel. Pourtant c’est la seule solution partielle que j’ai trouvée pour l’instant. Donc je fais l’effort de chercher ce qui pourrait attirer ma curiosité; rien d’exceptionnel, il en faut très peu pour que je me demande ce que je fais là. Il faut se forcer un peu, dans la mesure du possible, pour ne pas sombrer et ressasser tous les moments terribles en cherchant où était la faille et ce que l’on aurait pu changer.
Hier, j’ai participé à une activité sportive, démarrée depuis peu. Je n’avais pas envie d’y aller, mais j’ai quand même fait l’effort. C’était une compétition et il s’avère (malgré ou peut-être grâce à mon détachement sur l’événement) que je l’ai remportée et avec un résultat inégalité selon les organisateurs. Alors que les gens autour de moi me félicitaient, j’étais comme ailleurs, content mais finalement peu impliqué et sans exaltation. L’impression d’être mi-acteur, mi-spectateur de sa vie. Plus tard j’ai surtout pensé à mon papa qui aimait me dire « là tu as fait fort », j’ai revu son beau sourire quand il était heureux pour moi … plus heureux que moi. C’est l’exemple type; tout manque de saveur, plus rien n’a de valeur. Le seul point positif, quand j’étais à ce que je faisais, évidemment je ne pensais pas à autre chose.
Dans la vie « normale », au quotidien, on essaie toujours de se positionner dans la situation la plus confortable pour soi ou faire en sorte qu’une situation désagréable dure le moins longtemps possible, on réfléchit, on agit, on cherche des solutions pour que cela change, on peut faire une pause. En l’espèce c’est différent car la situation de fond restera inchangée à jamais, elle est là en permanence et il n’y a pas de solutions pour contourner le problème. Il ne suffit pas d’avoir juste de la volonté, bien sûr ça aide grandement, mais sur le principe nous voulons tous aller mieux, pour autant la blessure profonde est là et très difficile à soigner.
Je suis encore plus sensible à la futilité des discussions ou la superficialité des relations. Les gens qui n’ont pas le moindre souci (et la plupart ne s’en rend même pas compte), mais appellent presque à l’apitoiement pour pas grand chose. Je ne dis rien, j’ai juste perdu mes deux parents … De l’extérieur personne ne se doute de rien, personne ne peut imaginer ma peine car le masque est bien en place depuis longtemps. Je n’ai absolument aucune aigreur envers les autres car il faut vivre ces situations terribles pour vraiment comprendre.
Pris au pied de la lettre, la vie continue. Cette phrase qui ne veut rien dire; comme si on pouvait passer facilement à autre chose.
La bienveillance est bien rare dans notre société, il faut venir sur ce forum pour la trouver dans chaque message. Pas de débat, de méchanceté, de controverses stériles, juste des paroles vraies de personnes qui savent ce qui est essentiel …
Bonne journée
Philippe