Auteur Sujet: Tu vas te tuer au travail....  (Lu 3963 fois)

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Hors ligne damdam88

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Tu vas te tuer au travail....
« le: 26 octobre 2017 à 20:14:02 »
Bonjour à tous,

Pour être franc je ne pensais pas venir un jour sur ce type de forum et encore moins y participer mais...

Le 20 Juillet 2017 tout a basculé. La journée avait commencé comme toutes les autres, on avait planifié une journée rangement des trucs de bébé avec mon fils d'à peine 2 ans. Coup de téléphone milieu de matinée. "Bonjour, Gendarmerie de Châteauneuf" (qu'Est-ce que j'ai fait? Il y a eu un cambriolage dans la rue?), "je suis avec votre maman" (mon dieu, qu'Est-ce qui se passe?!), "votre papa a eu un accident de camion parce qu'il a fait un malaise cardiaque" (Ok, pas de panique, il va me dire à quel hôpital aller), "le SAMU n'a pas réussi à le réanimer".... Si j'avais été assis cela m'aurait évité de tomber à genoux en me les explosant sur le carrelage... "pouvez-vous venir à Courville?", "j'arrive", "rien ne presse, prenez votre temps" (sans blague, rien ne presse?! comique!). 3 larmes et puis... mon fils de 2 ans me regarde, paniqué par les 3 dernières minutes. On remballe tout, on met un joli sourire sur le visage et on va s'habiller tout en jouant.
20 minutes de route, 20 longues minutes... ma femme! J'ai pas prévenu ma femme, il faut qu'elle récupère le petit! Et ma sœur, Est-ce qu'elle le sait?!
J'arrive à la gendarmerie, ma sœur et ma mère sont là. Impossible pour tout le monde de craquer, mon fils ne comprendrait pas et prendrait peur. On reste digne, comme toujours, on a l'habitude, ma mère vient de guérir d'un cancer et d'un traitement très agressif qui a duré un an, ma grand-^mère paternelle est partie il y a un an après 10 ans d'Alzheimer...
Ma femme arrive enfin avec son père pour récupérer le petit. On doit se rendre au funérarium. Pas le temps de pleurer, je dois appeler la banque. Il faut rester pragmatique. Mes parents sont artisans, ma mère conjoint collaborateur. Elle vient de perdre son mari, son travail, sa vie toute entière. Je dois éviter que les comptes ne soient bloqués, on va avoir besoin d'argent.
Puis vient le temps des décisions. Quel cercueil? Quel texte pour le journal? etc... Je suis l'homme de la famille, je dois soutenir ma mère et ma sœur. Je choisis moi-même le cercueil. Puis vient l'urne... comment imaginer que mon père, baraque d'une centaine de kilos, 56 ans puisse tenir là-dedans? Bref, passons, il faut être fort!
IL faut récupéré le téléphone de mon père dans son camion, on doit annuler des repas traiteur et prévenir les clients. Je suis assez fort pour y aller... pour m'assoir à sa place... mauvaise idée! Mais en arrivant à la maison tout le monde est là, oncles, tantes, cousines... on ravale les larmes et on reste fort. On avance, on a trop de choses à gérer.
Puis tout s'enchaine, la cérémonie, le choix des chansons, l'écriture des textes, le buffet pour les invités, comment vient untel ou untel? Il faut réserver pour disperser les cendres en mer. on aménage la maison familiale en dortoir. Toujours trop de choses à faire pour pleurer, pour penser... Son nom sur le couvercle du cercueil.. Surement le moment où tout est devenu réel pour moi, la plus grosse claque de ma vie!
Les courriers, factures, dettes, découverts s'enchainent... passer 4h au téléphone pour assurer l'avenir de ma mère, pas de soucis! le reste on verra après. Vendre le resto pour tourner la page et récupérer des fonds et pouvoir vivre sans perdre 250000€? pas de soucis, le reste on verra après...
Nouveau boulot? Je le prends, mon père aurait été tellement fier que je sois prof! pleins de choses à apprendre et à faire! pleurer? on verra après!

3 mois se sont écoulés et j'ai aujourd'hui l'impression d'être un mur d'indifférence. A force de remettre à plus tard pour m'occuper des choses urgentes et des autres j'ai oublié de penser à moi. J'ai mit mon masque de sourire et de bien être, "ça va" sont les mots que j'utilise le plus actuellement. Mais non, ça ne va pas, ou en tout cas pas dedans. Je me suis coupé des personnes que je n'ai pas revu depuis le 20 Juillet car je n'ai pas envie de tout reprendre depuis le début, de répondre au questions, de penser à mon père tout simplement. Faire abstraction est beaucoup plus simple. A l'heure actuelle je ne sais pas comment me sortir de cette spirale, j'ai peur de me laisser submerger et j'ai toujours mieux à faire que de penser au passé, à ce jour fatidique. On compte sur moi chez moi, dans ma famille, au travail,... je ne peux pas craquer, donc avançons, voilà ce que je me dis chaque jour. La politique de l'autruche fonctionne pour le moment mais pour combien de temps, je ne peux tout de même pas rayer mon merveilleux père de ma vie, mais je n'arrive pas à me résoudre à penser à lui. Je pensais qu'écrire ces lignes m'aiderais, mais au final j'ai le sentiment de le faire tel un robot sans cœur... Quelqu'un pourrait-il m'aider, Est-ce que quelqu'un a vécu une situation identique et a eu le déclic avant "qu'il ne soit trop tard"?
Merci

Hors ligne kompong speu

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Re : Tu vas te tuer au travail....
« Réponse #1 le: 27 octobre 2017 à 03:18:10 »
Bonsoir Damdam
Ce que tu decris s'appelle le déni c'est une façon de se protéger de ne pas affronter les émotions , puis un jour on commence a les appréhender petit a petit par petites touches
Chaque personne a une façon unique d'ère sur le chemin du deuil
Il me semblerait au minimum important que tu puisses parler avec tes proches partager cette douleur peut être avec ta femme dans un premier temps , partager la douleur est une façon d'etre plus fort ensemble enfin je crois même si on a souvent l'impression d'etre désespérément seul sur ce chemin
 mille pensées pour toi

Hors ligne Jénamy

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Re : Tu vas te tuer au travail....
« Réponse #2 le: 27 octobre 2017 à 21:44:36 »
Bonsoir Damdam,
Bonsoir à tous,
Ton témoignage, Damdam, m'interpelle beaucoup. Surtout à partir du moment où tu décris le rôle que tu as endossé pour faire avancer les choses importantes dès que l'accident est arrivé puis pour préserver le quotidien de ta maman.
Ton récit est, je crois, celui qui - sur le forum aujourd'hui - ressemble le plus à ce que je vis, à ce que je ressens, à  toutes mes problématiques. Au déni duquel je m'efforce de sortir. 
Dans l'histoire, c'est moi qui doit continuer à travailler pour ne pas perdre mes commandes. En parallèle, depuis le début, j'ai tout géré seule.
Un jour, régler les détails d'une cérémonie, ici, et enchaîner avec un rendez-vous professionnel sans rien laisser paraître, il en faut de la force. Et puis comme ça le lendemain, le surlendemain... avec à chaque fois des personnes à prévenir, d'autres choses à organiser. Surtout ne rien oublier.
Et puis, rappeler une maudite plateforme téléphonique d'une assurance et puis une autre, répéter encore et toujours la même chose, supplier pour que l'on réponde à mes mails pourtant bien rédigés, clairs, nets, polis parce que de cette réponse dépend d'autres choses. De cette réponse, un dossier peut être complété.
Je ne vais pas rentrer dans les détails mais rien, à aucun moment, m'a été épargné. Je suis du genre plutôt débrouillarde et persévérante mais tout était compliqué. Enfin tout a été rendu compliqué par la situation particulière. Egalement la distance.
Désolée pour tous ceux qui ne correspondent pas à ce profil (je sais bien que tout le monde n'est pas pareil) mais en ce qui me concerne, je n'ai quasiment eu affaire qu'à des administratifs et des fonctionnaires (assurances, pompes funèbres, trésor public, notaire...) incompétents. J'ose employer ce mot avec toute sa force. Que dire, juste pour deux exemples : lorsque l'urne de rapatriement n'arrive pas à l'endroit convenu et qu'ensuite, il faut toute une journée pour la localiser !!!  Ou lorsque les pompes funèbres tentent de vous escroquer en vous facturant deux fois les mêmes prestations avec des intitulés incompréhensibles (peut-être sous prétexte que vous êtes si loin géographiquement qu'ils ne risquent pas de vous voir débouler dans l'agence...) Pour preuve, un retour mail indiquant simplement  - sans aucune excuse - que c'est bon, j'ai déjà payé alors que je demandais pour la quatrième fois plus d'explications avant de faire un nouveau virement.
Ton dernier paragraphe : " 3 mois se sont écoulés..." j'aurai pu l'écrire aussi. Avec quelques mois en plus. Jusqu'au dernier mot de la dernière ligne.
Tellement, trop, d'énergie dépensée et quand est-ce que j'y pense vraiment à ce qui est arrivé ? Je sais bien que mon fils ne rentrera plus, je tente de m'en persuader, et pourtant, au fond de moi,  je n'y crois pas vraiment encore.
La preuve ? Je suis généralement très émotive alors que là, les premières larmes ont mis du temps à couler. 
Là encore, j'ai entendu des gens me juger et me dire tout haut des choses terribles car ils ne comprenaient pas cette apparente absence d'émotions. J'aime mon fils, je pleure parfois dans le silence de mes quatre murs, dans la voiture entre deux rendez-vous, et pourtant, je donne l'impression d'être un mur d'indifférence. Pourquoi suis-je comme ça ? Qu'est ce qui m'arrive ? Pourquoi je pleure tout de suite, pour tout et n'importe quoi, et pas pour la chose la plus difficile que je n'ai eu à subir de ma vie ?
Est-ce toutes ces tracasseries administratives ou bien mon boulot qui m'accapare sept jours sur sept qui m'en empêchent ? Est-ce le déni exacerbé par le fait qu'à aucun moment, aucun rituel m'a fait réaliser que c'est bien vrai. Je n'ai rien vu. Pas l'accident, pas de corps à la morgue, pas de tombe... (un autre sujet pour le forum...)
Est-ce certaines remarques déplacées que j'ai pu lire - en m'inscrivant aussi - sur les réseaux sociaux qui me donnent envie d'hurler ? (j'avais déjà envie d'en faire un nouveau sujet sur le forum... Les réseaux sociaux qui font plus de mal que de bien).
Tout est en ordre dans sa chambre. Comme quand mon fils revenait à la maison. Sauf que là, ses sacs ne sont pas encore défaits... Pourquoi ne défait-il pas ses sacs ? Ah oui, il ne peut plus. J'ai repassé son linge il n'y a pas longtemps. 
Aujourd'hui, je suis épuisée tant physiquement que psychiquement. De tout temps, j'ai toujours tiré sur la corde malgré tout, j'ai toujours su retrouver l'énergie. Une énergie, une motivation que je n'arrive vraiment plus à avoir. On commence à me dire que j'ai une sale tête, que je maigris... Je cherche mes mots, les noms des gens que je connais pourtant bien... C'est vrai que je dors mal, je mange mal, je prends trop de médicaments, je travaille trop.
Je viens de prendre la résolution d'aller prendre l'air ailleurs. Pendant un temps indéfini. Ce n'est pas facile à gérer professionnellement et je vais devoir travailler quand même, à distance, mais de toute façon je ne peux plus continuer comme ça.
Serait-ce la situation pour toi ? Sortir de ton quotidien, aller voir d'autres paysages ? Prendre le temps ? Est-ce faisable ? Aujourd'hui ou à une autre échéance ? Poses toi ces questions. Les mêmes que je me suis posée il y a quelques jours.
En m'éloignant, je sais bien que rien ne redeviendra comme avant. Dommage.
Alors, peut-être, arriverais-je juste à retrouver la force de continuer le chemin de croix des dernières tracasseries administratives (bon, l'idée première était que cela soit réglé avant mon départ mais là, j'en peux plus d'attendre).
Et surtout, arriver enfin à ce que je m'impose la réalité. Que mon fils ne reviendra plus. Jusqu'à cette ligne cela allait mais là, je conclus avec les larmes qui coulent. Je suis peut-être sur le chemin...
Damdam, je ne sais pas si mon récit t'interpellera. Si quelqu'un d'autre se reconnaîtra d'une façon ou d'une autre, ce que je suis sûre c'est que je ne vais pas bien mais que je ne le dis pas. Que nous n'allons pas bien et que nous ne pouvons pas toujours le dire... Heureusement, au moins l'écrire sur ce forum. Merci à tous ceux qui prennent le temps de lire, de répondre parfois.
Une maman qui a mal.