Auteur Sujet: Que puis-je faire maintenant ?  (Lu 4119 fois)

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Hors ligne Lena

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Que puis-je faire maintenant ?
« le: 08 septembre 2017 à 11:49:34 »
Ça fait longtemps. Longtemps depuis que j'ai écrit ici, voir même que j'ai consulté le site. C'est souvent un bon signe, on va mieux, on s'éloigne de "l'ambiance de deuil" si l'on peut dire...

En tout cas, c'est tout l'inverse pour moi. Pourtant, j'y ai cru! J'ai vraiment pensé que la première année serait la plus difficile, que le plus dur était fait, que désormais l'absence de papa serait plus supportable. Haha.

J'ai été stupide. Stupide de me laisser influencer par les "on dit" sur le deuil, stupide de faire comme si tout allait bien pour ne pas choquer les gens alors que tout n'allait pas bien. Je ne voulais pas devenir un poids en plus pour ma mère. Elle semblait être dans une position infiniment plus difficile que la mienne. Alors je m'interdisais de montrer mon chagrin, à quiconque. J'ai eu tort. Je l'ai renfermé si profondément qu'il resurgit, maintenant. Je me perds. Je me sens déprimée, faible. Je n'arrive pas à m'aimer. Je me dis que mon père aurait honte de moi. Ça n'arrange pas les choses, bien sûr. C'est un terrible cercle vicieux.

Ça faisait un an pile. Pâques 2017. Un an après la mort de Papa. Ce jour-là, c'est le père de ma mère qui est mort. Quand on me l'a annoncé, j'ai cru à une blague. Je savais bien qu'il était malade et âgé, mais pourquoi ce jour-là? Pourquoi ai-je de nouveau dû passer la célébration de Pâques face à un cercueil ? Je suis croyante et j'avais tendance à y voir de beaux symboles. Mais après mon oncle, mon père, ma grand-mère, mon grand-père, ça tient de l’écœurement. Je me sens distante, froide. Avec la religion, les autres et moi-même. A Noel prochain, ce sera sans doute ma grand-mère et le compte sera bon.

Je me suis forcée à ne pas m'appesantir sur la mort de mon père. Je me disais qu'après tout, ce n'était que mon père, qu'il y avait bien pire comme situation, que je n'étais certainement pas à plaindre. Ce n'est que mon chat. Ce ne sont que mes grands-parents. Ce n'est que mon oncle. Ce n'est que mon père. De toute façon, plus personne n'en parle. J'ai nié mon chagrin, j'ai fait comme s'il n'avait plus raison d'être. Affaire classée. Et ça m'a mené à être perpétuellement en conflit avec moi-même. Je n'ai plus confiance en moi comme avant. Maintenant que mes frères et ma mère ont tous l'air d'aller bien, j'essaie de leur en parler. J'aurais dû le faire plus tôt. J'ai trop intériorisé, refoulé, piétiné mes émotions. Je me sens incapable de faire quoi que ce soit.  Dépression? Peut-être. Je n'en sais rien. Je sais comment j'en suis venue là mais je ne sais pas comment en sortir.

Je sais que je ne peux pas redevenir comme avant. Je ne le veux pas vraiment d'ailleurs. J'ai envie d'un océan immense, avec des vagues déchaînées, à la mesure de ma colère. J'aurais tout le loisir de me battre, de frapper, de hurler, j'en crève d'envie mais je ne peux rien faire de tout ça! J'ai envie de briser cette situation d'apathie, de déception, d'impuissance. Je ne sais pas comment faire. Peut-être que papa saurait. Mais il n'est plus là.

Hors ligne jadma

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Re : Que puis-je faire maintenant ?
« Réponse #1 le: 12 septembre 2017 à 12:04:23 »
Bonjour Lena,

On a déjà échangé via ce forum il y a quelques temps. Moi aussi je n'y ai pas écrit depuis plusieurs mois, même si je continue à venir y lire quelques messages de temps en temps.
Je te trouve bien dure avec toi-même. Tu as fait ce que tu as pu, tu as agi comme tu as pu. Ce n'est pas facile de traverser la tempête du deuil dans notre société actuelle. Aujourd'hui on met tout à distance, la mort, la vie, ses émotions, soi-même, et bien sûr les "endeuillés". Comme si en mettant à distance, on pouvait avoir moins mal. Et bien évidemment que "ça marche" puisqu'on sent moins! Mais on est surtout loin de soi, loin des autres, et un jour ou l'autre ça repète à la figure, d'une façon ou d'une autre... Il faut que ça sorte, ce n'est pas une maladie, une tare ou une faiblesse d'éprouver du chagrin à la perte de ceux qu'on aime.... La vraie maladie c'est d'étouffer tout ça en soi, de vouloir taire ce qui gronde, de vouloir faire comme les autres parce que ça les dérange  un mouton noir dans le troupeau...
Ce n'est que mon père : non! C'est mon père et pour moi il représentait beaucoup, il représentait tout, il me manque, j'ai mal, je pense à lui chaque jour, et c'est difficile de me relever de cette chute même si j'arrive de temps en temps à sortir la tête de l'eau. Un papa, on n'en a qu'un. Chacun est unique, chaque deuil est unique.

Alors peut-être qu'il n'y a rien à faire Lena. Juste laisser faire. Je t'invite peut-être à plus de douceur envers toi-même. A te traiter comme tu traiterais quelqu'un que tu aimes et qui serait dans ta situation. Les autres ne sont jamais à la hauteur de nos attentes parce qu'ils se débattent avec leurs propres miasmes. A chacun d'être responsable de ce qu'il est et fait, mais personne n'est supérieur ou inférieur. Certains font de leur mieux, pendant que d'autres ne font rien pour aller mieux. Chacun son choix.
Bien sûr que tu n'es plus la même qu'avant. Tu es plus courageuse qu'avant, plus vraie, plus humaine. Faire face à son ombre c'est ce qu'il y a de plus dur. Mais ce dont le monde d'aujourd'hui a besoin, c'est de gens courageux qui peuvent y apporter plus de lumière parce qu'ils savent la puiser et la faire briller en eux.

Pour te parler de moi en quelques mots, à la fin de l'année ça fera 2 ans que mon père est mort. 2 ans ça paraît énorme pour tout monde! Il n'en est rien. Pour mon deuil, 2 ans c'est peanuts. Pour le manque que je ressens par contre c'est très long. J'ai appris à ne pas en parler à ceux qui n'ont pas envie d'évoquer le sujet. On peut très bien parler de la météo et en rester là, sans que je renie mes propres ressentis. Quand on change, il y a beaucoup de choses qui changent. Le vide se fait de lui-même. Et c'est bien. Parce qu'alors de nouvelles personnes et de nouveaux événements peuvent franchir la porte de notre vie. Je pense à mon père tous les jours. Il est en photo près de mon écran et je le regarde tous les jours. Il y a encore des phases de larmes, des phases de "ce n'est pas possible", des moments où ça va mieux, d'autres où je sens dans mon corps que je refoule mes émotions. Mais dans ma tristesse je sens que quelque chose de beau s'éveille en moi, et ce changement intérieur profond est le lien, différent, que je construis chaque jour avec mon père.
Je t'invite si tu le souhaites à consulter le site passionnant https://entrelacs.ch/ où Lydia Müller psychologue spécialisée en fin de vie et dans le deuil, donne des pistes et des clés intéressantes pour avancer sur ce chemin compliqué du deuil.

Pensées amicales,

Jadma

Hors ligne Sibya

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Re : Que puis-je faire maintenant ?
« Réponse #2 le: 12 septembre 2017 à 12:18:34 »
Je ressens actuellement la.meme chose que vous .... faire croire aux gens autour que tout va bien alors que c'est un vrai tsunami a.linterieur ...je pense constamment a mon Papa  aux événements. ..je voudrais en parler parler mais personne ne pose de questions ...comme si ça t'est le deuil est passé. ..ca fait 8 mois ...la société est bcp trop dure av la mort les endeuillées. ... courage a tous

Hors ligne Lena

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Re : Que puis-je faire maintenant ?
« Réponse #3 le: 17 septembre 2017 à 15:17:27 »
Merci beaucoup pour ta réponse Jadma. Tes paroles sont à la fois réconfortantes et empreintes d'une grande sagesse. C'est difficile de trouver la force, jour après jour, de vivre avec ces souvenirs, ce manque. Je crois que c'est ce qui pose le plus gros problème dans la perception du deuil, ou de la douleur de manière générale. Il ne s'agit pas de vivre sans tristesse ou sans colère mais d'apprendre à vivre avec. On a besoin de nos sentiments, quels qu'ils soient, même la peine ou la haine. Les gens croient souvent qu'il faut les éradiquer alors qu'on doit pouvoir les contrôler. C'est long, c'est dur, mais faut s'accrocher. Nier mon chagrin ne m'a rien apporté de bon, j'ai envie d'intérioriser les qualités de mon père, pour qu'il reste toujours avec moi. A mon avis, grandir, c'est ça. Il faut que ce soit moi qui me donne les conseils qu'il m'aurait donnés. Mais ça ne se fait pas en un jour, parfois on croit qu'un y arrive et le lendemain on se sent complètement abattu... Personnellement, je ne sais pas si aller voir un psy sera la solution miracle mais je vais tenter le coup, il me manque juste quelques clés qui m'aideront à sortir de cet état d'abattement. Merci encore pour ta réponse, Jadma. Tu trouves vraiment les mots justes. Et merci à toi Sibya. Ici tu peux en parler librement, personne ne t'en empêchera. Comment est-ce que tu as traversé ces premiers mois?  Comment était ton père?
Pensées.