Bonjour Lena,
On a déjà échangé via ce forum il y a quelques temps. Moi aussi je n'y ai pas écrit depuis plusieurs mois, même si je continue à venir y lire quelques messages de temps en temps.
Je te trouve bien dure avec toi-même. Tu as fait ce que tu as pu, tu as agi comme tu as pu. Ce n'est pas facile de traverser la tempête du deuil dans notre société actuelle. Aujourd'hui on met tout à distance, la mort, la vie, ses émotions, soi-même, et bien sûr les "endeuillés". Comme si en mettant à distance, on pouvait avoir moins mal. Et bien évidemment que "ça marche" puisqu'on sent moins! Mais on est surtout loin de soi, loin des autres, et un jour ou l'autre ça repète à la figure, d'une façon ou d'une autre... Il faut que ça sorte, ce n'est pas une maladie, une tare ou une faiblesse d'éprouver du chagrin à la perte de ceux qu'on aime.... La vraie maladie c'est d'étouffer tout ça en soi, de vouloir taire ce qui gronde, de vouloir faire comme les autres parce que ça les dérange un mouton noir dans le troupeau...
Ce n'est que mon père : non! C'est mon père et pour moi il représentait beaucoup, il représentait tout, il me manque, j'ai mal, je pense à lui chaque jour, et c'est difficile de me relever de cette chute même si j'arrive de temps en temps à sortir la tête de l'eau. Un papa, on n'en a qu'un. Chacun est unique, chaque deuil est unique.
Alors peut-être qu'il n'y a rien à faire Lena. Juste laisser faire. Je t'invite peut-être à plus de douceur envers toi-même. A te traiter comme tu traiterais quelqu'un que tu aimes et qui serait dans ta situation. Les autres ne sont jamais à la hauteur de nos attentes parce qu'ils se débattent avec leurs propres miasmes. A chacun d'être responsable de ce qu'il est et fait, mais personne n'est supérieur ou inférieur. Certains font de leur mieux, pendant que d'autres ne font rien pour aller mieux. Chacun son choix.
Bien sûr que tu n'es plus la même qu'avant. Tu es plus courageuse qu'avant, plus vraie, plus humaine. Faire face à son ombre c'est ce qu'il y a de plus dur. Mais ce dont le monde d'aujourd'hui a besoin, c'est de gens courageux qui peuvent y apporter plus de lumière parce qu'ils savent la puiser et la faire briller en eux.
Pour te parler de moi en quelques mots, à la fin de l'année ça fera 2 ans que mon père est mort. 2 ans ça paraît énorme pour tout monde! Il n'en est rien. Pour mon deuil, 2 ans c'est peanuts. Pour le manque que je ressens par contre c'est très long. J'ai appris à ne pas en parler à ceux qui n'ont pas envie d'évoquer le sujet. On peut très bien parler de la météo et en rester là, sans que je renie mes propres ressentis. Quand on change, il y a beaucoup de choses qui changent. Le vide se fait de lui-même. Et c'est bien. Parce qu'alors de nouvelles personnes et de nouveaux événements peuvent franchir la porte de notre vie. Je pense à mon père tous les jours. Il est en photo près de mon écran et je le regarde tous les jours. Il y a encore des phases de larmes, des phases de "ce n'est pas possible", des moments où ça va mieux, d'autres où je sens dans mon corps que je refoule mes émotions. Mais dans ma tristesse je sens que quelque chose de beau s'éveille en moi, et ce changement intérieur profond est le lien, différent, que je construis chaque jour avec mon père.
Je t'invite si tu le souhaites à consulter le site passionnant
https://entrelacs.ch/ où Lydia Müller psychologue spécialisée en fin de vie et dans le deuil, donne des pistes et des clés intéressantes pour avancer sur ce chemin compliqué du deuil.
Pensées amicales,
Jadma