Auteur Sujet: Pour mettre des mots...  (Lu 5548 fois)

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LyRobert

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Pour mettre des mots...
« le: 19 septembre 2015 à 23:10:10 »
Bonsoir. C'était le 29 juillet 2015 à 15h47.
J'ai été forte. Je savais que je craquerai. J'ai cru que c'était fait.
Mais mercredi dernier, sur le parking du boulot. Je regardai la porte. J'étais arrivée 15mn à l'avance. Ca m'a laissé le temps de retourner ma tête. J'ai appelé le cabinet médical à 10h47. Et je suis en arrêt jusqu-à lundi. Je sais que je peux le faire. Faut juste que je m'en donne la force.
Ce boulot de téléconseillère je l'avais pris pour les horaires faciles et donc ma disponibilité pour lui.
Maintenant ça sert plus à rien.
Et je hais ce boulot et je n'ai plus de force pour chercher ailleurs.
Oui faignante. Oui tout.
Mais ça ne changera rien. Il n'ai plus là.
J'accepte. Je sais.
MAis je m'interdis de reprendre mes habitudes. Je refuse de passer mes soirées en musiques. Je refuse que mon esprit divague.
Je refuse de m'éloigner.
Alors je re re re regarde des films, je lis l'actualités mais je n'écoute plus rien.
Je refuse.
Je sais.
Mais je ne pourrai pas accepter de reprendre mon rythme.
J'accepte mais je refuse.
Tant que je r"euse il est présent.

Laure R

  • Invité
Re : Pour mettre des mots...
« Réponse #1 le: 11 janvier 2017 à 03:55:28 »
Oh, et il va te falloir accepter, nuit après nuit  en rêve,  en larmes, penser changer ta vie, car ta vie a changé, mais tout est si chargé de douleur, prendre soin de toi, te respecter dans tes valeurs, et assurer ta subsistance...
Une main pour toi, une autre pour le bateau.
Le désir, le devoir survivre. Donnes des nouvelles, si t'arrives à lâcher, j'aimerais le faire. VIVRE!

Hors ligne Lena

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Re : Pour mettre des mots...
« Réponse #2 le: 16 janvier 2017 à 14:15:39 »
Bonjour Laure R et LyRobert

Ça revient toujours sans prévenir cette douleur qui vrille le coeur. Lundi dernier, juste avant un partiel en plus, je me suis sentie broyée. J'ai l'impression qu'on me dit "Tu crois pouvoir y arriver, à surmonter tout ça mais non!!" Parfois, le temps d'une journée, je me sens incroyablement vide. J'essaie de trouver des raisons de me dire que ça ira mieux mais j'ai l'impression que chaque bon moment que je traverse doit être payé par un autre, triste.

Tout s'est enchaîné depuis Pâques 2015. Je me souviens de ce weekend de trois jours, j'étais à la campagne, avec ma mère, mon père, mon petit frère et deux amies. Il faisait chaud, un temps de rêve. On était vraiment heureux. On se répétait souvent à quel point on avait de la chance. Et c'était le cas, on était une famille aisée, soudée, on parlait de tout, on avait plein d'amis, on faisait des voyages, on s'encourageait, on discutait, on découvrait.

Et puis le weekend suivant, mon père m'appelle, mon oncle est mort. Je vais à l'enterrement, c'est la première fois que j'ai vu mon père triste.

L'été arrive, je pars en stage, tout semble bien, papa se sent un peu mal en août mais on reste à la campagne, on jardine, on randonne, on fait d'énormes feux de cheminée, septembre ensuite, la rentrée, mon père va de moins en moins bien, il va à l'hôpital à Bordeaux, cancer, on ne sait pas d'où il vient, pas de tumeur, incertitude complète. Il va à un hôpital à Paris avec ma mère, je passe souvent le voir le soir, il reste si cool, si confiant, souriant. Qu'est-ce qu'on rigole, jamais je ne m'imagine qu'il peut mourir...

14 novembre, j'ai 19 ans... Trop de morts à Paris, goût amer de cet anniversaire.

Noel, papa rentre à Bordeaux. Le 24 décembre, ma grand-mère maternelle se casse la jambe. Mon autre grand-mère, la mère de mon père, meurt... Trop de douleur d'avoir perdu son fils et de voir l'autre malade. Enterrement dans le froid, mon père faiblit.

Il change d'hôpital à Paris, puis il revient à Bordeaux. Je rentre pour le weekend de Pâques. Le 27 avril, tout va bien le matin, l'après-midi tout bascule, je cours à l'hôpital, ma mère et mes frères sont là, il m'entend mais ne peut pas me parler, je me refuse à pleurer, je reste à côté de lui, inlassablement je lui répète de revenir, de garder prise. Il ne peut pas mourir tant qu'on est à. Il a attendu que ses enfants soient partis et que ma mère l'y autorise pour s'en aller. Je peux pas croire ça. Pas une personne au MONDE ne m'a plus impressionné que mon père. Je vais le voir, même mort. Un monde incroyable à son enterrement.

Bordel, mon père est mort? J'ai 19 ans, je n'ai plus de père? Allez, la blague doit être finie non? Je finis l'année de fac, je vais marcher sur Compostelle en juillet, je fais du bateau, qu'est-ce que j'aime ça, je me sens vivre, je veux profiter de tout ça, de n'importe quoi, de la mer, des réglages des voiles, de la marche et du soleil, de tous ces détails-là.

Je rentre à la fac, je sors, je participe à des événements, j'ambitionne des tas de choses, je fête mes 20 ans, j'ai un copain pour la 1ère fois, alors qu'avant je ne m'attachais pas, j'avais que des histoires sans lendemain.

Ça pourrait être fini non? Et ben non! Ton grand-père, le père de ta mère? Et bien, il a le même cancer que ton père! Dans le même hôpital! Il va mourir, lui aussi. Et ta grand-mère, depuis qu'elle s'est cassée la jambe, et bien Alzheimer a progressé! Elle ne te reconnaît plus, elle ne se souvient même plus que ton père est mort, ça te fait mal, hein? Et ton chat, Dina, que tu aimais bien cajoler pour te réconforter? Morte aussi! Et ta mère? Et ben, malade aussi, ta mère!! Traitement de longue durée, antibios, ça aussi ça rappelle des souvenirs! Fais attention à tes trois frères aussi, au train où vont les choses!

Ça me fatigue, ça m'use, ma famille se réduit, les enterrements s'enchaînent. C'est normal pour les grand-parents, mais pourquoi tous en même temps? Pourquoi mon oncle? Pourquoi mon père? Ne me prenez pas ma mère non plus...

Je ne vois pas de psychologue, ça ne m'aidera pas, il n'y a que moi qui puisses m'aider. Ma vie ressemble à une blague, parfois des gens rigolent quand je leur raconte cette succession de morts, ils s'excusent ensuite, gênés, mais faut avouer, c'est presque drôle. Et eux n'ont même pas de bonnes relations avec leurs parents. Je ne changerais rien à ma vie, pour rien au monde je ne voudrais en avoir une autre, je fais plein de choses, j'ai de l'ambition, aller tant pis si tout ça s'effondre! S'il y a une sorte d'entité malfaisante qui s'acharne sur moi, je lui dirai, vas-y, balance tout ce que t'as! C'est pas encore assez! Tu me prends ceux que j'aime? Très bien, j'ai des bras, des jambes, des yeux, je deviendrai marin, j'irai faire le prochain Vendée, tiens!

Oh, c'est vraiment dur par moments. Il y en a où je craque, mais ça passe toujours. It ain't over till it's over, qu'on se disait avec mes frères.

Titou

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Re : Pour mettre des mots...
« Réponse #3 le: 19 janvier 2017 à 21:23:34 »
Lena tu as mon admiration...

Laure R

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Re : Pour mettre des mots...
« Réponse #4 le: 16 février 2017 à 22:42:29 »
Un gros hug
Comment tu vas?
Toujours la main pour toi, l'autre pour le bateau?
Bises

Hors ligne Lena

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Re : Pour mettre des mots...
« Réponse #5 le: 20 février 2017 à 19:34:30 »
Merci beaucoup Titou et Laure!
Ça va, pas d'autre passage à vide depuis la dernière fois.  J'ai rêvé de mon père il y a trois semaines, deux fois d'affilée. Ça faisait longtemps. J'aime bien ça, lorsque je rêve de lui, je sais qu'il est mort mais je savoure ces moments où le l'entends, le vois, lui parle et le touche. Je parle fréquemment, je réfléchis au deuil, à ce que ça peut m'apporter. A part dans les moments de basculement soudain, je vais bien. Je ne ressent pas de colère ou de peur, seulement une grande tristesse. Elle est peu à peu devenue familière, moins douloureuse. C'est vrai que le temps compte beaucoup.
On est pas marin dans ma famille, il n'y a que mon frère aîné et moi qui aimons naviguer. Ça me manque un peu. S'occuper de quelque chose d'aussi complexe qu'un bateau me fait du bien.
Merci encore pour vos messages.