Bon alors je me lance. J'espère avoir des regards extérieurs pour m'aider à avancer dans ce mix de tristesse et de culpabilité qui me tenaille.
Donc on va dire que je ne suis pas né sous la meilleure étoile. Enfant chétif, souvent malade, j'ai très vite commencé à craindre les autres et courir vers papa au moindre problème. Parents divorcés alors que j'étais petit. J'ai « techniquement » une mère, un beau-père et deux demi-soeurs en Espagne, mais nos échanges se limitent à quelques coups de téléphone par an et des cartes de voeux pour fêtes et anniversaires. Je suis resté avec papa qui m'a aussi servi un peu de maman. Plutôt doué intellectuellement, j'ai sauté quelques classes et donc me retrouvais en cours avec des élèves 2-3 ans plus âgés que moi. Craintif, très timide, pas à l'aise vis-à-vis des autres et en société, mal dans ma peau, le cocktail était réuni pour être l'intello seul dans son coin. Je n'ai jamais vraiment réussi à me faire des amis pendant toute ma scolarité et cela m'était un peu égal, car pour moi, mon seul ami était mon papa, seul son avis comptait (outre le mien). Papa m'a surprotégé. Il voulait savoir où j'allais, avec qui, à quelle heure j'allais rentrer etc. C'est pourquoi j'ai renoncé à aller aux fêtes étudiantes, car je savais qu'il allait être préoccupé à cause de la drogue, de l'alcool etc. J'ai fait de longues études terminées à 27 ans. Depuis 2 CDD puis rien depuis 3 ans. J'ai l'impression que mon manque d'assurance et de sociabilité, les recruteurs le reniflent à 10 km. Le courant ne passe pas avec les autres, c'est un fait. Je ne me sentais vraiment à l'aise, prêt à tout dire, qu'avec papa. Lui, ça l'inquiétait que je n'arrive pas à me faire une situation professionnelle stable. Il avait parfois du mal à comprendre cette timidité maladive et ce manque de confiance en moi qui me pourrit la vie depuis toujours. On s'est parfois engueulé, même fort, sur ces sujets. Il voulait que je soit plus fort dans la vie, plus assuré. Mon père n'était pas très câlins et embrassades, ni très expansif. Parfois, on passait des journées sans quasiment se parler ni se toucher, mais sa simple présence était rassurante, le simple fait de savoir que je pouvais aller vers lui en cas de besoin.
Mon père a vécu dans le style métro-boulot-dodo, c'était important pour lui. Je m'en veux de ne pas avoir réussi à me fondre dans ce moule, et de l'avoir rendu triste à ce sujet.
Je suis vraiment mal ces jours. On dirait que l'adrénaline, où tout simplement la volonté d'honorer mon papa une dernière fois m'a fait tenir le coup jusqu'à l'enterrement, mais depuis je flanche fort. Pour les autres, famille éloignée, amis de mon père, fini l'enterrement fini tout. Pour moi, ce n'est que le début d'un chemin dont je ne sais pas si et quand la noirceur va se dissiper un peu. A la maison, chaque objet me le rappelle, chaque objet est lié à un souvenir. Difficile de me changer les idées dans ces conditions. On me dit de faire des activités. Ma principale activité du week-end était d'aller au stade avec lui. On avait un abonnement de longue date pour le club de foot que l'on supportait. Depuis sa maladie et son décès, je ne suis pas retourné au stade. L'idée d'y retourner avec son siège vide à côté de moi me chamboule rien que d'y penser.
Bon, je vais me coucher, il est 3h du matin. Espérant de ne pas faire à nouveau des cauchemars où je revois papa perfusé de toutes parts en soins intensifs. Et me réveiller demain pour un nouveau jour sans toi papa. Un nouveau jour en mode survie comme je peux pour l'instant.
Cela me fait du bien de coucher tout ça en paroles. Merci à ceux qui ont lu et qui voudront répondre.