Edes anyukàm ( ma petite maman chèrie en hongrois)
Ma Maman vivait avec moi depuis avril 2004. Mon papa nous a quittés le 21 septembre 2002.
Elle n'a pas voulu survivre à mon fils Xavier qui s'est donné la mort le 30 mai 2011. l'été est passé lentement avec la venue de mes neveux et leurs filles qui ont animé la maison, mon frère et son épouse, et bien sûr mon fils cadet Vincent.
Aujourd'hui j'ai un regret, je n'ai pas su soutenir ma maman dans son chagrin. Bien sûr je m'occupais d'elle, de son bien être physique, mais je n'ai pas su partager son chagrin. Le mien était si vif, si énorme, que je ne pouvais pas en plus porter le sien. Nous ètions murées chacune dans son chagrin, sans passerelle pour le partager. Il aurait alors été peut être moins lourd à porter . Mais je sentais que je m'effondrerai si je me chargeais de sa peine. Le suicide de mon fils m'avait fracassée, mais il me fallait faire face.
Quelques jours aprēs le départ des derniers visiteurs, elle m'a demandé d'appeler le médecin car elle se sentait mal. Elle a dû être hospitalisée le 26 août , ma sœur devait arriver le 28 soir.
Elle attendait impatiemment l'arrivée de ma sœur et avait une obsession, arriver au mois de septembre, mois de son anniversaire le 19 et du décés de mon père le 21.
Ma sœur est arrivée, nous allions la voir chaque jour. Le mardi elle allait très mal, mercredi un léger mieux. Je lui avais avheté un gâteau et du jus d'anas frais, ses gourmandises. Elle a mangé et bu, nous lui donnions la becquée, avec l'impression d'ètre la mère de notre mère.
Ce jour là, elle semblait dèjà dit loin de nous, chantonnant des chansons de son enfance que nous ne connaissions pas. Ma mère a toujours chanté â la maison, en hongrois et nous connaissions ses chansons favorites. Puis elle nous a dit combien elle nous avait aimé tous les quatre, ses trois filles et son fils, et combien elle était fière de nous tous. Son seul regret, disait elle, était de s'étre tant disputée avec notre père.
Nous l'avons quittèe, lui promettant de revenir le lendemain, jeudi 1er septembre. Jeudi matin l'hôpital nous a appelées, pour nous dire qu'elle n'allait pas bien, qu'il nous fallait appeler le mèdecin. Celui ci nous a indiquè que c'était la fin et qu'il nous attendait. Une heure et demi de trajet plus tard, notre Maman respirait encore difficilement sous son masque à oxygène, le médecin ètait lâ, très humain et plein d'empathie. Nous avons embrassé notre Maman, lui tenions la main et caressions sa joue. Sa respiration s'est régularisée comme si elle était rassurée de nous sentir là. Ma sœur est sortie dans le couloir pour appeler notre frère et Maman a respiré de plus en plus lentement. Puis elle s'est èteinte, sereinement. Visiblement en paix.
On nous a demandé si nous acceptions un don de cornée. Sans hèsiter nous avons dit oui, Maman regrettait souvent de n'étre plus utile à rien, et nous avons pensé que sa mort aiderait quelqu'un, et que l'idée lui aurait plu.
Les jours suivants ont été difficiles, mais la prèsence de ma sœur m'a beaucoup aidée. Â l'èpoque pas de crématorium en Corse, donc traversèe en bateau pour le continent. Le hasard a voulu que la crémation souhaitée par Maman ne soit possible qu'à Aubagne là où mon fils Xavier avait ètè incinéré trois mois plus tôt. Épreuve terrible. Maman ètait croyante, nous avons demandé une cérèmonie religieuse.
Je porte le prénom de ma mère et le prêtre ne cessait de parler d'elle en utilisant notre prënom commun. J'avais l'impression étrange d'assister à ma propre cérémonie funéraire . Départ du crèmatorium avec l'urne brûlante de notre mère entre ma sœur et moi, voyage jusqu'en Lorraine le lendemain pour dèposer l'urne dans le tombeau à côté de notre père.
Depuis, chaque annèe ma sœur et moi faisons le voyage pour dèposer quelques fleurs sur la tombe de nos parents le 1er septembre. Cette année ce ne sera pas possible, nous irons en octobre.
Chaque jour je pense à mes défunts chéris, je prie pour eux et leur allume des bougies pour éclairer leur chemin dans cet au delâ où je les rejoindrai un jour.
La vie continue, les petites joies reviennent, j'ai rencontré un nouvel amour et arrive à trouver la vie belle lorsqu'il est là. Nous nous voyons quelques jours par semaine et tout va bien alors.
Dès que je suis seule tout ce chagrin revient en force, et j'ai quelquefois envie de baisser les bras. Mais je me reprends, je n'ai pas le droit d'imposer cela à mon fils Vincent, â mes nièces et petites nièces qui souffrent encore tellement du départ de leur tonton Xavier adoré.
Je me dis que chaque jour passè est un jour qui me rapproche de mes retrouvailles avec mon fils adoré et avec mes parents et époux, et cela me réconforte.
Aujourd'hui je voulais rendre hommage â ma Maman chèrie et lui dire tout mon amour infini.