Bonsoir,
Merci pour vos réponses.
C'était très éprouvant, mais j'ai fait comme tu dis Jadma, j'ai laissé venir.
D'abord je suis arrivée la veille de notre rendez-vous familial. J'ai erré dans la maison de mon enfance, cueillant des petits brins de souvenirs, les déposant dans mes sacs, des trucs qui n'auraient eu aucun sens pour autrui. Je cueillais surtout mon père, étonnée que ma mère aie vidé la maison de ses traces à mon insu, les traces les plus profondes, celles de ma grand-mère, celles de ses journaux de réfugiés. Tout était curé, ne restait que la surface, pour mes yeux d'enfants. J'ai fait ça marschat, parce que je savais que le lendemain, ça serait exactement ce que tu décris.
Comme je voulais aussi avancer, par moments, je résolvais la montagne de papiers (déjà épluchée lorsque il faut, dès le certificat de décès, écrire aux organismes et que tu t'aperçois que ton père était support en ligne. Yès, et les mots de passe ? Tu as les identifiants, mais pas les mots de passe.) Mais après y avait des papiers notices. Qui pense à jeter la notice d'un appareil qu'on ne possède plus, mêlée aux appareils encore en possession, les factures obsolètes ?
J'ai fait les médicaments. Tout ça très tri sélectif. J'allais de découvertes en découvertes. Dans l'intimité de mon père. Puisque ma mère, pfffuitt, plus de traces, et je sais que ça vient d'elle, ça l'obsédait cette affaire de vider la maison à leur mort et elle a voulu me protéger.
J'ai porté la robe de chambre de mon père, j'ai dormi dans son lit.
Il était parti en fumée, resté en cendres, je vidais sa maison.
Le lendemain mon fils aîné est arrivé le premier et a fait preuve d'une certaine efficacité et organisation. Mon fils le plus jeune, quand il est arrivé, a commencé à errer, comme moi. On est descendus à l'atelier et au garage, atterrés, il a tout gardé, jusqu'à son arrière grand-père. Je l'ai envoyé acheter des bières. Moi j'étais encore dans les papiers. La veille j'avais pris les outils d'électricien et d'électronicien , trois fois rien. Lui. J'ai presque rien pris et je ne me sens pas de faire les vides greniers, dupliquer ma peine à l'infini.
Le lendemain, je me suis levée sur un garage organisé pour la vente et la déchetterie : mes fils avaient agi. Je pleurais dans les canes et le chien, Tzigane, posait sa patte sur moi, protecteur, et me léchait les larmes. Les voisins sont venus, ont pris ceci cela, très peu, les meubles, personne n'en veut, de bric et de broc, et nous, on a déjà du bric et du broc qui vient d'eux.
Il y a un boulot de folie à faire.
Vider, se séparer, éparpiller aux quatre vents des affaires qui avaient du sens. Ah je me dis que je voyage léger, mais je vais encore plus voyager léger.
Et puis les papiers de mon père, de ma mère, tout ça, à gérer, chaque jour un organisme, et rien ne se fait tant que ma mère n'est pas sous tutelle. Là encore, j'ai réagi très vite, deux jours après la mort de papa. C'est dur de mettre sa mère sous tutelle, de déclarer haut et fort : « tu ne peux pas gérer ». Elle a capté, mais pas facile. Cependant adapté : 97 ans, DMLA et troubles cognitifs certifiés pas expert psychiatre.
Donc la succession… ça va attendre l'acte de naissance d'une étrangère, (pas avant janvier), la décision du Juge, j'ai déjà la visite de l'expert psychiatre, et après je ne capte couic, sur les affaires pleine part, usufruit et tout ça. Le notaire et le Juge vont se démerder, j'ai pas donation de mon père, ma mère hérite et je suis bien d'accord pour que sa vie soit assurée.
Alors je me rentre chez moi, après avoir fait 5 heures de route, après, avant, en avoir fait autant, pour commencer à vider la maison, et avant, avant durant deux ans, accompagner mon père et ma mère, et je me demande : Où je suis ? Des fois ça me fait hurler quand j'ouvre ma boite aux lettres, chez moi, et que je dois traiter l'administratif de mes parents, ou quand il faut cavaler pour laver le linge de ta mère. Y a un truc qui se fait jour en moi. Ok, je suis en deuil. Mais quand est-ce que j'arrête de parer à l'urgence pour me prendre en compte, non pas dans la survie, mais dans ce qui m'est nécessaire, comme écrire ce soir.
Parce que je viens de passer dans un super grand huit émotionnel, là.
Déjà mes premières communications c'était l'étonnement face à l'évitement. Maintenant, ça n'a plus court. Les proches captent, les amis aussi. J'ai parfois l'impression que la douleur, passionnelle, irrépressible au début, prend plus de profondeur, s'intensifie et se déploie, mais il n'y a même pas un mois. Le 24 novembre. Et ça fait un mois que je pleure, tous les jours. Pas en permanence, non, il y a des hautes vagues, soudaines. Comme maintenant par exemple.
Même si j'ai 58 ans, que j'ai décidé mes propres routes et que je n'avais pas besoin de mon père pour les valider, je suis juste orpheline de mon père.
Merci pour votre présence
Amitiés.