je me retrouve aussi dans vos écrits
moi je ressemble trait pour trait à mon père
la veille de sa mort, quand je suis allée le voir à l'hôpital il pensait que mon mari était condamné et le lui a demandé, puis me l'a demandé à moi, j'ai compris le lendemain (pour une psy je ne suis pas très fine) qu'il avait un discours symbolique et que son inconscient lu i disait qu'il était en train de mourir quand je lui ai demandé pourquoi il nous demandait ça il m'a dit qu'il confondait tout
la nuit alors qu'il ne marchait plus depuis 3 mois il a rampé de son lit aux couloirs et a chuté, en hurlant qu'il était en prison et qu'il fallait le sortir de là,
comme il avait chuté la clinique ne pouvait pas le garder et il est parti aux urgences
il est mort dans l'hôpital où je suis née
j'ai senti une urgence à y aller, et à 5 mn de l'arrivée pour se garer, une interne qui porte le nom de ma grand mère (nom rare et allemand!!...) me dit de faire vite, je comprends ce qui se passe mais tout ça est un cauchemar éveillé
ce qui m'angoisse depuis 47 ans et demi est en train d'arriver
je cours et regarde tous les corps dans les brancards, il n'y a plus de lits les hôpitaux sont en grève c'et l'enfer
je regarde les pieds des personnes étendues dont je ne vois pas le visage en essayant de voir ceux de mon père
on me dira ensuite qu'il est en salle de consultation, une interne sans ménagement et debout dans le hall me dit qu'il ne sera pas réanimé s'l tombe dans le coma je me fâche demande à être assise avec elle et un chef de service, elle me dit ne pas avoir de salle pour me recevoir je me fâche tellement que miraculeusement elle en trouve une
le chef de service très désaffectivé me dit que le staff a pris la décision de ne pas le réanimer
je demande si'il est conscient on me dit oui, je demande alors pourquoi on me parle de réanimation et rappelle que le cadre légal est que le patient décide en son âme et conscience sans qu'une décision soit prise de manière substitutive au patient s'il est en mesure de le faire
j'oblige donc le chef de service à demander à mon père si'l veut être réanimé
je rentre avec le chef de service mal à l'aise dans cette "chambre" sordide, il est couché, est devenu aveugle e personne ne m'a prévenu il a une chemise très fine d’hôpital sur lui il est maigre à faire peur et perdu avec un regard d'enfant, le même que celui de sa maman morte il y a 9 ans à 105 ans, moi qui bêtement pensais qu'il mourrait comme elle et que j'avais du temps
je lui dis que je l'aime il me répond "moi aussi je t'aime mais c'est la fin", mots terribles mais à l'image de mon papa qui a toujours été lucide sur ce qui pouvait arriver, je lui demande s'il veut être réanimé il me dit non, je me tourne alors vers le chef de service et lui dis que c'est ainsi qu'on fait son travail dé ontologiquement et que maintenant il peut être rassuré sur le fait qu"on ne lui ferait pas de procès
il doit subir des batteries d'examens et quand je le vois partir je sais que je ne le reverrai pas vivant, je suis comme anesthésiée et là a été ma plus grande erreur/douleur/culpabilité à vie, le médecin me dit de partir 3 nuits d'affilée sans dormir, il est 20 h 33, il me dit qu'il m'appelle dès qu'il y a un souci
je pars je reprends la voiture avec enfants et mari restés dans la salle d'attente, il voulait voir mon mari et ces professionnels ont filtré leur présence ils n'ont pas pu le voir vivant (mais ensuite mort ils ont eu accès sans soucis...)
nous partons dîner dans notre restaurant préféré avec mon père, l'hôpital appelle et avant de décrocher je sais ce qu'il y a à dire il est mort 28 mn après mon départ en remontant de la salle d'examen j'aurai du rester, nous sommes repartis illico et sommes allés le voir, je savais précisément comment je le trouverai et c'est ainsi que je l'ai trouvé, j'étais en connexion avec lui durant ces 3 mois d’hôpital où nous sommes allés tous les jours, et tous les jours je savais précisément si c'était un jour avec ou sans comme connectée à lui
à cet instant, je sais que ma vie ne sera plus jamais comme avant et pourtant je suis préparée depuis 47 ans depuis que j'ai compris que 40 ans de différence entre enfant et parent c'est beaucoup et que je n'aurai pas la chance de vivre avec lui plus longtemps
j'ai eu de la chance car je l'ai connu 47 ans trois quart (mort un mois pile avant mes 48 ans) mais comme vous, je suis retombée en enfance, ce n'est pas l'adulte qui le réclame mais l'enfant en moi Cette nuit là mon inconscient a parlé les semaines, mois, années ensuite seront très dures, je dois donc dormir je dors cette nuit là car je sais que je ne m'inquiéterai plus pour lui et que la souffrance arrivera demain comme une déferlante je dois me reposer
en effet cette nuit là est la seule où depuis j'ai réellement dormi