Ma petite Maman chérie d'Amour,
Aujourd'hui, le 11 mai 2024, il y a 80 ans que tu étais née.
En seconde position, comme tu le rappelais souvent, à la surprise de tout le monde, et tu as porté ce poids toute ta vie. Ne pas être attendue, ne pas être comprise, ne pas être vue et entendue. Tu le disais souvent.
Pourtant ma petite Maman, et tu le sais, j'ai fait tout mon possible pour te rappeler à quel point ton existence était essentielle à la mienne, et que maintenant que tu t'es envolée, le 5 avril dernier, c'est difficile pour moi de voir plus loin que l'immense vide que tu laisses dans ma vie.
On en a traversé des crises, ensemble, et la dernière, ta perte d'autonomie, durant 4 ans, aura été celle qui nous aura encore plus rapprochés.
Il y a quelques semaines, je te demandais "Alors Maman, tu aurais cru un jour atteindre les 80 ans ?!!!", tu me répondais "Ah bah non, certainement pas !" et on rigolait, forts de notre complicité et de notre Amour. Et c'est vrai que ces 4 dernières années ne t'avaient pas fait de cadeaux, entre les hospitalisations, les infections, les chutes, les angoisses. Mais à chaque fois, entre ta résistance et ton envie de me faire plaisir, et ma détermination à t'accompagner, à t'encourager, nous avions triomphé.
Mais je le sais Maman, ce combat était avant tout le mien. Celui de ne pas vouloir, de ne pas accepté de perdre sa Maman. Toi tu étais déjà sur un autre chemin depuis bien longtemps, mais tu es restée par Amour, parce que tu savais à quel point ce serait difficile pour moi de continuer seul.
Et bêtement, aujourd'hui, je m'accroche aux statistiques : une espérance de vie des femmes en France de 86 ans. Lorsqu'on atteint 80 ans, l'espérance de vie est encore de 11 ans... Alors pour moi, c'était acquis, tu ne partirais pas tout de suite, et tu attendrais que j'ai un âge acceptable pour perdre ma Maman.
Oui, car depuis tout petit, je redoutais ce moment. Pourquoi est-ce que tu m'as eu à 40 ans Maman? Je te le demandais souvent. Sous-entendu, pourquoi tu ne m'as pas eu plus tôt, ou pas eu du tout. J'ai intériorisé si tôt que je n'aurais peut-être pas ma Maman aussi longtemps que les autres, que ça en était devenu une angoisse existentielle. Je priais tous les soirs pour que Dieu te préserves et te protèges. Ma Maman chérie.
La vie est passée et le 1er janvier 2018, une prise de conscience, comme si une immense pendule s'était remise en branle pour me rappeler ton âge et la finitude de la Vie. Une énorme angoisse m'avait pris, qui a duré plusieurs mois. J'ai repris le travail en pleurant et je m'étais juré de passer le plus de temps possible avec toi.
Depuis cette date, je rentrais chaque week-end chez toi, et nous partagions de bons-moments ensemble. Un quotidien très simple mais conscient que le bonheur se trouve justement là, à cet endroit, en ce moment, avec toi.
L'année 2020 aura été la plus compliquée, avec la perte de ta sœur jumelle et puis ta lourde hospitalisation. La suite n'a été que la classique perte d'autonomie d'une personne âgée, entre ennui et résignation. J'étais là Maman, pour prendre soin de toi, m'assurer que tu aies tous les soins, toute la sécurité, tout l'amour nécessaire pour te rendre la vie moins difficile.
Mais perdre l'autonomie, le contrôle, dans une vie où tu as été si active, si soucieuse des autres, était difficile et les tensions étaient présentes. Mais toujours, dans le dialogue, dans le rire, la dérision, on arrivait à démêler les difficultés et à retrouver notre sérénité.
Après ton retour d'hospitalisation, en novembre dernier, tu étais revenue de si loin, que je pensais qu'à nous deux, nous étions invincibles. Que ni la vie, ni la maladie, ni la mort n'auraient de prise sur nous.
Pourtant, tu es partie, en toute élégance, pendant que j'étais au travail et que je devais te rejoindre en fin de journée. Un sourire, tout allait bien. Et puis l'hémorragie cérébrale.
L'horreur de l'annonce au bureau, les heures d'angoisse et de désespoir avant de te retrouver à l'hôpital, dans un état d'inconscience mais en détresse respiratoire. Comme toujours Maman, tu m'as donné la force de t'accompagner jusqu'au bout. De dépasser mes peurs et d'être présent, sans détourner le regard. C'était tellement dur Maman, mais je suis soulagé d'avoir été là toute la nuit, et de t'avoir embrassée, serrée dans les bras, parlé et chanté, autant que je pouvais.
Tu es partie vers 5h du matin. Apaisée, la tête sur le côté gauche.
Engourdi par la douleur, mais consciencieusement, j'ai prié pour que la Lumière, l'Amour et la Paix accompagne ton âme. J'ai demandé à tes 4 sœurs, à tes parents, à tes animaux tant soignés de t'accueillir et de veiller sur toi. Je t'ai visualisé dans la lumière et la douceur et je t'ai dit aurevoir, Maman chérie.
Je peine aujourd'hui à réaliser que plus d'un mois est passé. Chaque journée est lourde. Vide. Triste.
Tu me manques tellement Maman, ton caractère si particulier, tes attentions, tes remarques, tes habitudes, ton Amour.
Notre vie en commun me manque, mon organisation de ta semaine, la coordination des intervenants, les courses, nos discussions, nos balades, nos préoccupations, nos émissions, nos voisins et leurs petites vies.
Ton foyer me manque, car c'est bien le seul endroit, où en dehors de chez moi, je me sentais chez moi, le bienvenu, accueilli et chéri.
C'est tout ça que j'ai perdu, et j'essaye de me réconforter comme je peux.
Tu es partie selon moi pour cause de iatrogénie. On peut donc dire que tu as été "trop" bien soignée. Je sais que tu étais fatiguée de tous ces médicaments, tu respirais la médicamentation et tu n'en pouvais plus. J'étais le garant de ce suivi, et le Docteur, l'IDE, les intervenantes ont reconnu que je pouvais être un peu trop directif dans ce domaine. Alors évidemment je me sens responsable de ce manque de contrôle de ton INR. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'à 2 ou quelques jours près on aurait pu éviter le pire.
Mais le Docteur me l'as dit, ton corps était usé. Et qu'avec un corps usé, l'espérance de vie ne peut pas être la même que celles promises par les statistiques.
Mais quand même, Maman, 85, 86, 90 ans, ça aurait été pas mal, on aurait pu encore vivre de beaux moments, comme nos séances communes chez le kiné, mes expériences en cuisine, l'amélioration de la forme de Juk.
Je suis content de ne pas avoir cédé aux sirènes de l'EHPAD. Que tu aies pu avoir une vie de famille, même simplement à deux, mais dans ton foyer. Te réveiller, te faire ton petit déj, m'occuper de tes repas et essayé de te divertir.
Pour tes 80 ans, j'avais prévu de faire venir ton autre fils et ta fille, qui t'avaient vu, l'an passé dans un triste état à l'hôpital. Cet anniversaire était important pour moi et je vais le passer sans toi.
Comme j'ai écris ce témoignage comme une lettre que je t'adresse, je ne te dirais pas à quel point je suis triste. Tu ne l'aurais pas voulu. Alors je vais simplement te dire que je vais essayer de profiter du beau temps qu'il fait. Un soleil radieux que ce soit là où je suis, ou bien là où tu es. Il fait chaud et les oiseaux chantent, la nature est radieuse. J'en profiterai comme je peux, avec tout mon Amour pour toi dans mon cœur, à l'abri.
Je t'aime ma Maman chérie, et je te souhaite un très bon et doux anniversaire.
Pat