Chère Sérine,
Comme vous l'écrivez si bien, lire la souffrance des autres ravive notre propre douleur, mais est en même temps une sorte d'exutoire. En étant confrontée au chagrin des autres, nous pleurons à la fois pour eux et pour nous-mêmes. C'est assez étrange comme sensation, mais j'ai l'impression de "communier" avec celles et ceux qui connaissent la même douleur indescriptible... Quelque part, cela fait du "bien" de savoir que nous ne sommes pas seules avec notre peine. Alors que nous nous sommes mises en retrait du monde ordinaire, nous retrouvons une sorte de communauté avec laquelle nous sommes en phase. Nous qui croyions être seules au monde pour traverser cette épreuve, nous rendons compte que nous pouvons compter sur le soutien de compagnons de galère. Je crois que c'est à ça que servent les forums d'endeuillés : se soutenir mutuellement entre endeuillés, car il faut vivre (ou avoir vécu) cette épreuve pour comprendre le séisme que cela représente dans la vie d'une personne.
Contrairement à Katrin, je ne suis pas psychologue, mais d'après ce que vous écrivez, il me semble que votre médecin ne connaît rien au processus de deuil. On ne décrète pas au bout de quatre mois que quelqu'un fait un deuil pathologique, c'est complètement n'importe quoi ! Au contraire, ce que vous décrivez (demander à votre mère où elle est, toucher ses vêtements, etc.) fait partie du processus de deuil normal.
Quant au temps qui apaise la douleur, oui, c'est vrai, mais on n'entend pas quelques mois quand on dit ça... En général, les gens qui ont perdu un parent dont ils étaient proches vous disent qu'ils sont allés mieux au bout de deux à trois ans ; que le manque reste, mais qu'ils ont retrouvé du plaisir à vivre.
Le psychiatre Christophe Fauré, spécialiste du deuil, s'est aperçu que de nombreux endeuillés allaient plus mal six à dix mois après le deuil qu'au début. Cela n'a pas été mon cas, chacun réagit à sa façon, mais si vous avez l'impression que votre douleur s'accroît au fil du temps, là encore, ce n'est pas du tout anormal. Donc, ne vous inquiétez surtout pas !
Je ne pense que vous cultiviez votre chagrin. Je crois plutôt que vous êtes en train de prendre pleinement conscience que votre maman est partie, et cette prise de conscience est dévastatrice... Pour moi, entretenir son chagrin signifie ne jamais accepter une invitation chez un ami qui nous ferait du bien car on culpabiliserait de passer un bon moment alors que la personne qu'on aime tant n'est plus là ; refuser de s'adonner à des activités qu'on affectionne et qu'on aimerait bien refaire, mais qu'on n'ose pas pratiquer de peur, là encore, de "trahir" la mémoire du disparu en prenant un petit peu de bon temps.
J'espère que ces quelques mots vous auront procuré un peu de réconfort. Prenez soin de vous.