J'ai un peu mal, mais ça va. Juste un peu, parfois. En allant au lycée parfois les larmes me montent aux yeux et puis, elles coulent. Et je crois que c'est bien. C'est bien car, tu me manques mais mon cœur ne s'arrache plus, ou tellement moins.
Je ne veux pas d'enfant. Personne ne m'écoute vraiment lorsque je leur dis cela mais je n'en veux pas, réellement. Regardes toi, ta mère était violente, ton père pire encore, et pourtant tu as reproduis cette violence. Je ne veux pas prendre le risque de faire souffrir un être humain qui n'a rien demandé. Car moi, je n'avais rien demandé et je t'en veux pour ça. Je t'en veux, tu n'avais qu'a te pendre avant si tu voulais te pendre. Papa a souffert, nous aussi, tes enfants et je t'en veux de m'avoir fait. Maintenant je suis là, je vais rester mais pourquoi m'avoir fait naître si tu étais incapable de m'avoir? Je ne veux pas reproduire cette haine et finir comme toi. Au bout d'une corde, ou, sans aller jusque là quelqu'un que je ne veux pas être.
Comprends-tu cela?
J'ai peur. J'ai des restes de toi, des accès de haine. De la rancœur, elle est si forte. J'ai peur lorsque je repense à nous deux. A ce jeu que j'ai instauré, petite, pour te résister. Ne pas pleurer devant toi et ce peu importe le taux de violence que tu pouvais m'infliger. Puis je montais dans ma chambre, et je pleurais dans l'oreiller, à m'étouffer, je pleurais. C'est ça, mes souvenirs de nous. Pas de bons souvenirs, toujours gâché par la peur de ton regard. Par l'appréhension de tes futures remarques.
Je n'étais pas assez féminine pour toi. Décidemment, quel boulet j'ai pu être! Pourtant, en primaire, c'est toi qui m'a trainé chez le coiffeur et qui a dit à la coiffeuse de raccourcir mes cheveux à l'oreille. Je chialais et toi tu riais avec la coiffeuse " comme on est attaché à ses choses là à leur âge".
Pourquoi souriais-tu lorsque ton fils arrivait alors qu'avec moi tu détournais le regard?
Je n'étais pas bonne en math? J'en suis désolée maman.
Je n'étais pas assez belle? C'est dans les gênes ça maman.
Je n'aimais pas les robes? J'en mets désormais maman.
Je ne rangeais pas ma chambre? Papa ne m'a pas reniée pour autant.
Je préférais lire plutôt que de jouer à la poupée? Je continue de penser que c'est mieux maman.
Je cherchais trop d'affection de ta part? Au moins maintenant j'ai fini d'espérer.
L'anniversaire de ta mort est passé. Ta famille ne s'est pas manifestée. Quelle bande de, je ne sais pas comment les décrire. De personnes décevantes? Oui, c'est pas mal.
Je n'étais pas la fille que tu voulais et même si j'en ai chié, que je complexe toujours aujourd'hui et bien je suis heureuse de ne pas être la fille en polystère que tu souhaitais. Je suis heureuse de pouvoir m'habiller avec des vêtements discordants et pleins de couleurs, heureuse de ne me coiffer les cheveux que lorsque l'envie m'en viens, et malheureuse que tu n'aies pas pu m'accepter comme telle. Telle que je suis. Et la fille que je suis t'aime, je commence à m'y faire.
Maman faiblesse.
Maman douleur.
Maman regrets.
Maman colère.
Maman qui tremble.
Maman qui hurle.
Maman qui pleure.
Maman qui souffre.
Retranscris ces phrases avec un " ta fille ", si ce n'est que ta fille, elle ne se suicidera pas.