J'ai envie de vent. D'une bourrasque, qui soit forte, puissante. Assez imposante pour emporter mes pensées. Je voudrais pouvoir me perdre dans le vent, hurler ta mort en lui. Que chacune de mes paroles devienne incompréhensible, que je sente l'irritation au fond de ma gorge à force d'hurler ma haine, ma tristesse, mon incompréhension.
Je voudrais tourbillonner tant et tant, que j'en oublierai mes repères, tanguer, me rattraper, me relever et puis, marcher. Comme si, j'avais enfin pu me vider de toutes ses rancœurs, comme si, désormais, je pouvais sereinement ouvrir mon cœur.
Mais voilà, j'ai bien compris que jamais je ne me détacherais des chaines que représentent aujourd'hui mes souvenirs. Peut-être qu'au fur et à mesure ils se transformeront "juste" en des ombres noires, lointaines et menaçantes.
Je veux oublier ton corps qui était devant moi. Allongé sur se brancard métallique. On ne voit que ton visage, tes cheveux et un foulard autour de ton cou. Le reste de ton corps est sous un drap blanc et sous celui-ci se trouve une housse plastique blanche. Tu as la bouche ouverte, les lèvres bleues, violettes. Les lèvres d'une morte. On aperçoit tes dents que j'ai vu tant de fois, mais si rarement d'un sourire qui m'était destiné. Tes cheveux eux aussi, semblent morts. Je les caresse. Je pleure. Ils me font penser a du plastique. Je touche ta peau. Ils ont du te mettre au frigo car elle est gelée. Avais-tu des boucles d'oreilles? Je ne sais plus.
Je frappe le pied du brancard. Il roule se déplace légèrement. Reviens! Ne t'éloignes pas, même morte tu veux me fuir.. On m'a tant de fois dit que je te ressemblais. Je ne veux pas te ressembler.
Tes amies m'attendaient dans l'espèce de salon du crématorium. Elles ont du m'attendre un moment. Toujours est-il que quand je suis ressortie, je les ai rejointe et sois certaine que là, j'ai remis les choses bien en place. Fini l'idéal colporté de vous, madame ma mère! Je t'ai remise a ta place. Ta méchanceté, ton mépris, tes moqueries, tous, je leurs ai tous dit! Tu aurais vu leurs têtes. Je m'en suis un peu voulu. J'aurais peut-être du les laisser pleurer leur chère amie. A la place je leur ai ouvert les yeux. Et puis après tous qu'en as-tu à faire. Tu n'avais qu'as ne pas partir.
Maman, je voudrais te vomir. Me vider les tripes, le cerveau. Vider la boîte a souvenirs. Vomir ton soit disant amour.
Tu avais préparé ton coup. Salope.
Je suis allée à ton travail. J'ai vu ses collègues que tu as détesté. Je n'en ai rien dit, rien dit de tes souffrances. Je leur ai demandé si tu n'avais rien laissé qui soit à toi. J'avoue avoir espéré qu'une lettre y ai été. Mais non, ne me reproches pas de rêver. Ils m'ont répondu que tu avais repris toutes tes affaires de ta classe trois jours avant, ton, fameux acte. Alors, tu avais vraiment prémédité de te supprimer! Que personne ne me parle plus d'acte irréfléchis. De " elle a fait ça sur un coup de tête ". Personne.
Que vais-je mettre sur les feuilles que nous donne les profs en début d'année, dans la case mère. Ton nom et ton prénom? Fort bien je le ferais. Et que devrais-je mettre sur la catégorie profession? Un slash ou bien, morte à temps plein, ou encore, a attenté a sa vie un matin ( ou un soir, nous l'ignorons enfin, cela fait plus poétique, un matin donc ) d'octobre dernier, depuis elle restée plutôt inactive?
Hein, que dois-je mettre? Que dois-je dire? Comme puis-je vivre avec ce vide que tu me laisses dans le cœur, dans ma vie, dans ma maison, dans mon quotidien, dans mon amour.
Oui maman je sais. Je sais, tu souffrais. Je sais, je l'ai vu, je l'ai compris. POURQUOI n'as-tu rien fais pour te faire aider? Hein, dis-moi. Dis-moi pourquoi tu ne parlais jamais de ce qui n'allait pas. Allez dis moi, laisses moi avancer.
Je le réalise en l'écrivant. Tu me manques plus que je ne le pense. Les larmes me sont montées aux yeux en l'écrivant.
Je sais, d'habitude mes conversations avec toi sont plus organisées, mais…, mais trop de choses se bousculent en moi ce soir.
Pardon, je ne voulais pas m'énerver. Mais tu me manques maman. Tu le comprends? Tu me manques. Tu n'étais pas cette mère que je rêvais, mais, mais tu étais ma mère et je l'ai compris on n'en a qu'une. De maman; et moi et bien, tu es morte. Et pas dans un accident de la route, pas assassinée par un fou, pas d'une grave maladie. Non toi tu t'es pendue. Avec un fil électrique bleu clair, et toi, ma maman pendue, tu me manques.