Auteur Sujet: Le temps passe, la douleur reste  (Lu 3997 fois)

0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Hors ligne LaPépette

  • Membre Complet
  • ***
  • Messages: 148
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Le temps passe, la douleur reste
« le: 19 juin 2019 à 21:27:54 »
Certains se souviennent sans doute de moi ici, pour les habitués. Quelques mois que je ne suis pas venue ici, ou alors juste en coup de vent.
Je pensais que de parler ne m'avancerait plus, que le temps ferait son travail. J'ai essayé d'avancer, comme on dit.
Pourtant, parfois, tout me revient en pleine tronche.
L'absence, le manque. Mais je ne m'autorise plus à pleurer trop longtemps, par crainte de m'apitoyer sur mon sort.
C'est bête, m'apitoyer de quoi ? d'avoir perdu la personne la plus proche de moi (qu'était ma mère) ?
C'est pourtant légitime.

Oui, ça fait bientôt un an et demi qu'elle n'est plus là, est-ce une raison pour ne plus avoir le droit de la pleurer ?
Parfois je ressens encore de la révolte; alors vu que je n'aime pas ressentir ces émotions (peur de régresser...) je préfère tout occulter. Et c'est culpabilisant de constater que je m'en sors.
Que certains jours, je ne pense à elle "qu'en surface". Une photo de nous deux reste sur mon fond d'écran d'ordinateur professionnel. Je la vois sans la voir. Ne pas s'attarder, ne pas trop penser. Ma nouvelle devise.

Pendant ces derniers mois, j'ai pensé que j'avais beaucoup progressé dans mon deuil, c'est ce que j'essayais de me faire croire. Que j'avais passé le plus dur. Que finalement, je peux tout surmonter dans la vie, et même la mort de la prunelle de mes yeux. Ça marche, même mes amis me le disent, je suis forte !
Oui, j'évite les photos à présent, j'évite le cimetière.  J'apprends à parler d'elle, avec un semblant de détachement, comme si j'avais "fait mon deuil" (je déteste cette expression). En fait, je suis lâche, je me protège en évitant certaines situations. Il suffit qu'on me prenne par surprise, en me prenant au dépourvu avec une question, avec une phrase qui me ramène dans le passé, pour que le château de cartes s'effondre.

Les rêvent me ramènent parfois à la réalité, je rêve que je dois la sauver. Qu'elle va mourir demain, si on ne lui vient pas en aide. Elle fait une crise cardiaque, ou se noie, ou elle se trouve dans d'autres situations désastreuses.  Et nous n'avons plus que 24h. Alors que je pense avoir tout fait pour essayer de la sauver, pourquoi est-ce que ces rêves me ramènent toujours en arrière ?  Ces rêves sont difficiles, mais le pire c'est le réveil.
On n'a pas pu la sauver. La perte est définitive. Le cauchemar EST la réalité.  Alors qu'avant, je rêvais qu'elle était morte, car j'avais peur, mais quand je me réveillais, elle était là, je pouvais l'appeler.

Je me souviens d'une fameuse nuit, j'avais rêvé que je voulais lui téléphoner, et dans ce cauchemar je me disais "mais non, je ne peux plus, elle est morte". J'avais pleuré, pleuré, même si je savais que c'était faux à ce moment là. Je pleurais quand même car j'avais un aperçu de la souffrance que j'allais devoir supporter, quand cela arriverait, car au fond je le savais. Je ne savais pas quand, mais je le savais. Ce matin, là, je l'ai appelé comme à mon habitude, sur le chemin du travail. Il fallait que je lui dise, car même en entendant sa voix, mon moral n'était pas au beau fixe. Je lui ai raconté en pleurant et j'ai ajouté, pour qu'elle sache, même si au fond elle le savait sans doute, à quel point j'avais ressenti la douleur et le manque, à quel point ça serait dur sans elle. Comme une petite fille qui demande consolation.

J'ai l'habitude de tout anticiper. C'est mon point fort, étant stressée par tout et rien, j'ai l'impression que me "préparer" à tout m'aide à gérer mon stress. Mais on ne se prépare pas à la mort, quand celle-ci emporte un être si proche et dévaste tout l'entourage dans son passage. Le sentiment d'impuissance est cruel.
J'ai pensé que croire à la vie après la mort allait me sortir de là. J'y crois réellement. Ça m'a aidé, au départ. Je me disais "tout n'est pas vraiment fini, seulement dans cette vie ci ; mais quelque part elle existe toujours. Il faut que je profite de ma vie, et par la suite, mon tour viendra et alors peut-être qu'on pourra se retrouver".
" Ce n'est qu'une question de temps", non pas que je souhaitais mourir, mais je pensais que cette notion de retrouvailles serait suffisante pour tolérer la douleur de l'absence. Ça n'a fonctionné qu'un temps.
A présent, je revois davantage devant moi ces longues années sans elle.  A nouveau, l'angoisse revient, insidieusement. Mon cerveau tente de contrecarrer, je cherche du réconfort. Un apéritif un peu arrosé, quelques clopes au passage, du grignotage. L'anti dépresseur qui fonctionnait encore il y a quelques semaines, semble de plus en plus inefficace.
Je cherche à m'anesthésier de plus en plus, et je replonge dans mon grignotage compulsif. Le somnambulisme est présent. Mon esprit se rebelle.  Le refoulement a ses limites.

Le deuil peut être terriblement éprouvant, je sais que vous me comprenez, et je remercie les personnes qui m'auront lue et/ou qui me répondront.
« Modifié: 04 juillet 2019 à 13:16:51 par LaPépette »
Je pense à toi chaque jour, Mamoune, toi que j'aimais plus que tout. Je t'aime d'un amour éternel

Hors ligne katrinap

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 831
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Le temps passe, la douleur reste
« Réponse #1 le: 20 juin 2019 à 10:04:11 »
Ma chère G.

Je pense souvent à toi
que te dire? je ne crois pas que ce soit du refoulement et je pense réellement que tu vis le deuil et que celui ci est en "marche"
pour autant, rien dans ce processus n'est linéaire, comme tu le dis certaines phrases ou sentiments, contextes, odeurs... peuvent faire ressurgir d'un coup les souvenirs
c'était aussi pour moi pour ne pas oublier des souvenirs vivants de mon père que j'ai écrit ce livre il y a quelques mois ça m'a aidé à le faire revivre et à garder une trace
quand je vois la réaction des frères et soeurs de mon père, mes cousins tous touchés par ce livre et par le souvenir de mon père je suis contente de l'avoir rédigé
perdre celui ou celle qui est un repère est un trou béant
quand on perd ses deux parents là on doit aussi passer dans une autre dimension, il n'y a plus de rempart entre nous et la mort, on n'est plus l'enfant de parents, on devient adultes douloureusement
je suis là si tu as besoin, tu traverses aussi à 18 mois la période de reviviscence de la douleur je pense qu'elle est assez classique,  Je pense bien à toi, ne culpabilises pas de vivre c'est l'instinct absolu et bien naturel, nous aurons nos moments de joie toujours ponctués de notre douleur et manque ils font partie de nous, mais ils auraient voulu que nous vivions eux aussi ont eu des pertes et ils ont néanmoins eu des temps de bonheur avec vous, le cycle de la vie est ainsi fait, j'espère juste moi qui ne crois en rien qu'on les retrouvera un jour, on peut espérer?
gros bisous
katrin

Hors ligne LaPépette

  • Membre Complet
  • ***
  • Messages: 148
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Le temps passe, la douleur reste
« Réponse #2 le: 04 juillet 2019 à 13:22:00 »
Coucou Katrin,

Ta réponse sur le refoulement me rassure ; c'était vraiment ma crainte...
Oui je crois que je suis dans cette phase là. Passée la barre d'un an, je pensais que ça allait aller de mieux en mieux, je ne voyais pas pourquoi ça se serait passé autrement, et pourtant...

Il est clair qu'écrire ton livre a du énormément t'aider, et c'est une belle preuve d'amour.
Moi je me remets à penser à un tatouage, j'y repense de plus en plus sérieusement...

Et toi, comment vas tu ?
Je pense à toi chaque jour, Mamoune, toi que j'aimais plus que tout. Je t'aime d'un amour éternel

Hors ligne katrinap

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 831
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Le temps passe, la douleur reste
« Réponse #3 le: 04 juillet 2019 à 14:22:21 »
oui fais le ton tatouage si tu en as besoin
je vais bien, c'est toujours là en moi partout tout le temps mais c'est peut être  aussi un nouveau moteur de vie
gros bisous
katrin

Hors ligne biche07

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 1045
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Le temps passe, la douleur reste
« Réponse #4 le: 04 juillet 2019 à 19:00:20 »
Oui ...je me souviens....ta maman si chère à ton coeur...je te remercie ton message me réconforte paradoxalement jean pierre est parti depuis bientôt 15 mois est je suis un peu dans les mêmes  tourments et parfois plus comme si le temps au lieu d' apaisement m' apporter encore plus  de douleur et ce vide qui n' en fini pas....cette vie au jour le jour sans but réel....c' est normal toujours cette réponse des pro ou des plus anciens...on avance malgré tout....je t' embrasse biche
Si j'avais su que je T 'aimais autant, je T'aurais aimé encore davantage.

Hors ligne katrinap

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 831
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Le temps passe, la douleur reste
« Réponse #5 le: 05 juillet 2019 à 09:38:57 »
Biche, la pépette

je crois vraiment que nos deuils ne peuvent pas être linéaires, on avance, on croit que çà va et boum on retombe, même quand on ne tombe pas, le manque est là tout le temps
pour mon "second père" (mari de ma mère, très aimé de moi) je crois que venant se supperposer à celui de mon papa adoré, je n'ai toujours pas pu le pleurer, à peine ai je eu le temps de le faire pour mon père, pour mon second je suis comme anesthésiée, je souffre, mais comme s'il était loin et qu'il reviendra, je crois que je ne l'ai toujours pas réalisé et cela fera 2 ans dans 4 jours... (le 9 juillet)
pourtant tout est marqué, je me rappelle de chaque instant des dernières secondes de vie des deux j'y étais, comme si c'était hier
le terme faire son deuil est tellement creux... on n"oublie rien, on vit avec le manque, on est différent de ce qu'on était
avec des périodes paradoxales parfois en co existence: sentiment qu'ils sont en nous mais manque néanmoins, plus de conscience de la fragilité de la vie, donc envie d'en profiter plus, mais avec cette culpabilité ancrée en moi, et en même temps celle de souffrir alors quje ne suis pas la seule à avoir perdu un proche ETC... je pourrai en écrire un livre avec ces pensées paradoxales
une conclusion pour moi en tout cas, je suis passée et je continue (toujours mon paradoxe!) à m'étonner de vivre, ressentir, aimer alors que j'ai perdu celui qui était mon oxygène, souvent culpabilisée de cela avec en même temps une douleur permanente, les émotions ne sont jamais loin, (à travers vos lectures, vos douleurs...), et en même temps je sais qu'il le veut de là où il est, qu'il l'avait exprimé dans sa vie, aimer ne veut pas dire être heureux que l'autre souffre, alors pour eux, pour nous vivons, avec et malgré le manque
je vous embrasse fort
katrin