Certains se souviennent sans doute de moi ici, pour les habitués. Quelques mois que je ne suis pas venue ici, ou alors juste en coup de vent.
Je pensais que de parler ne m'avancerait plus, que le temps ferait son travail. J'ai essayé d'avancer, comme on dit.
Pourtant, parfois, tout me revient en pleine tronche.
L'absence, le manque. Mais je ne m'autorise plus à pleurer trop longtemps, par crainte de m'apitoyer sur mon sort.
C'est bête, m'apitoyer de quoi ? d'avoir perdu la personne la plus proche de moi (qu'était ma mère) ?
C'est pourtant légitime.
Oui, ça fait bientôt un an et demi qu'elle n'est plus là, est-ce une raison pour ne plus avoir le droit de la pleurer ?
Parfois je ressens encore de la révolte; alors vu que je n'aime pas ressentir ces émotions (peur de régresser...) je préfère tout occulter. Et c'est culpabilisant de constater que je m'en sors.
Que certains jours, je ne pense à elle "qu'en surface". Une photo de nous deux reste sur mon fond d'écran d'ordinateur professionnel. Je la vois sans la voir. Ne pas s'attarder, ne pas trop penser. Ma nouvelle devise.
Pendant ces derniers mois, j'ai pensé que j'avais beaucoup progressé dans mon deuil, c'est ce que j'essayais de me faire croire. Que j'avais passé le plus dur. Que finalement, je peux tout surmonter dans la vie, et même la mort de la prunelle de mes yeux. Ça marche, même mes amis me le disent, je suis forte !
Oui, j'évite les photos à présent, j'évite le cimetière. J'apprends à parler d'elle, avec un semblant de détachement, comme si j'avais "fait mon deuil" (je déteste cette expression). En fait, je suis lâche, je me protège en évitant certaines situations. Il suffit qu'on me prenne par surprise, en me prenant au dépourvu avec une question, avec une phrase qui me ramène dans le passé, pour que le château de cartes s'effondre.
Les rêvent me ramènent parfois à la réalité, je rêve que je dois la sauver. Qu'elle va mourir demain, si on ne lui vient pas en aide. Elle fait une crise cardiaque, ou se noie, ou elle se trouve dans d'autres situations désastreuses. Et nous n'avons plus que 24h. Alors que je pense avoir tout fait pour essayer de la sauver, pourquoi est-ce que ces rêves me ramènent toujours en arrière ? Ces rêves sont difficiles, mais le pire c'est le réveil.
On n'a pas pu la sauver. La perte est définitive. Le cauchemar EST la réalité. Alors qu'avant, je rêvais qu'elle était morte, car j'avais peur, mais quand je me réveillais, elle était là, je pouvais l'appeler.
Je me souviens d'une fameuse nuit, j'avais rêvé que je voulais lui téléphoner, et dans ce cauchemar je me disais "mais non, je ne peux plus, elle est morte". J'avais pleuré, pleuré, même si je savais que c'était faux à ce moment là. Je pleurais quand même car j'avais un aperçu de la souffrance que j'allais devoir supporter, quand cela arriverait, car au fond je le savais. Je ne savais pas quand, mais je le savais. Ce matin, là, je l'ai appelé comme à mon habitude, sur le chemin du travail. Il fallait que je lui dise, car même en entendant sa voix, mon moral n'était pas au beau fixe. Je lui ai raconté en pleurant et j'ai ajouté, pour qu'elle sache, même si au fond elle le savait sans doute, à quel point j'avais ressenti la douleur et le manque, à quel point ça serait dur sans elle. Comme une petite fille qui demande consolation.
J'ai l'habitude de tout anticiper. C'est mon point fort, étant stressée par tout et rien, j'ai l'impression que me "préparer" à tout m'aide à gérer mon stress. Mais on ne se prépare pas à la mort, quand celle-ci emporte un être si proche et dévaste tout l'entourage dans son passage. Le sentiment d'impuissance est cruel.
J'ai pensé que croire à la vie après la mort allait me sortir de là. J'y crois réellement. Ça m'a aidé, au départ. Je me disais "tout n'est pas vraiment fini, seulement dans cette vie ci ; mais quelque part elle existe toujours. Il faut que je profite de ma vie, et par la suite, mon tour viendra et alors peut-être qu'on pourra se retrouver".
" Ce n'est qu'une question de temps", non pas que je souhaitais mourir, mais je pensais que cette notion de retrouvailles serait suffisante pour tolérer la douleur de l'absence. Ça n'a fonctionné qu'un temps.
A présent, je revois davantage devant moi ces longues années sans elle. A nouveau, l'angoisse revient, insidieusement. Mon cerveau tente de contrecarrer, je cherche du réconfort. Un apéritif un peu arrosé, quelques clopes au passage, du grignotage. L'anti dépresseur qui fonctionnait encore il y a quelques semaines, semble de plus en plus inefficace.
Je cherche à m'anesthésier de plus en plus, et je replonge dans mon grignotage compulsif. Le somnambulisme est présent. Mon esprit se rebelle. Le refoulement a ses limites.
Le deuil peut être terriblement éprouvant, je sais que vous me comprenez, et je remercie les personnes qui m'auront lue et/ou qui me répondront.