Auteur Sujet: Le soulagement et la culpabilité  (Lu 3077 fois)

0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Hors ligne isorine

  • Néophyte
  • *
  • Messages: 5
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Le soulagement et la culpabilité
« le: 02 décembre 2016 à 09:11:23 »
J'ai perdu ma mère brutalement il y a 10 jours et j'ai aussitôt ressenti du soulagement en même temps qu'une grande peine
C'était fini ;je n'avais plus son poids psychique sur mes épaules et elle était enfin sereine!
Car ma maman était une enfant , une anxieuse, parfois un tyran et j'ai dû, depuis ma toute petite enfance, la soutenir, me plier à ses désirs, renoncer à beaucoup des miens!
Depuis qu'elle n'est plus là je lui parle en l'appelant Mamounette ,je parle à la maman tendre et douce qu'elle était quelquefois.
Et je suis à la fois plus libre et culpabilisée par cette sensation;
La mort de ma mère met fin à un lien d'amour et de haine tumultueux
 Il ne reste que l'amour pour cette femme et je deviens enfin une femme et à la fois une fillette apaisée
C'est un peu compliqué non ?

Laure R

  • Invité
Re : Le soulagement et la culpabilité
« Réponse #1 le: 12 décembre 2016 à 21:26:38 »
Bonjour,
Ta mère ressemble étrangement à la mienne, qui a 97 ans. Elle est en deuil, elle vient de perdre son époux le 24 novembre. Je viens de perdre mon père. Je suis leur enfant unique. Elle est en EHPAD (Dépendance assez importante et je travaille).
Nous vivons des deuils différents. Je ne sais pas pourquoi elle a voulu urgemment que les cendres de mon père soient répandues au plus vite. En fait, elle le voulait là, dans la colline, à côté d'elle. Elle voulait assister à la cérémonie, hop, hop, hop. J'en ai parlé à l'équipe, qui semblait penser impossible de promener une dame âgée de 97 ans dans un 4/4 sur un sentier chaotique en plein mois de décembre. Je suis rentrée chez moi, j'ai exploré les lieux avec Google Map, j'en ai conclus que c'était impossible. On n'avait qu'à organiser une cérémonie à partit de la terrasse de l'EHPAD. J'ai refermé le dossier. Depuis que mon père, atteint du cancer de l'amiante, se sentait affaibli, il m'avait demandé de rapprocher ma mère de mon lieu d'habitation car il était épuisé. Ma mère a accepté, se rendant compte de l'épuisement de son mari, et de mon impossibilité à l'inviter à mon domicile et à l'y laisser seule pendant que je travaille ainsi qu'à réaliser tous les actes de nursing). Au début, ça a été très difficile, j'étais inondée des coups de fils de mon père de ma mère, ma mère téléphonant à mon père pour divers désirs, mon père me demandant de répondre à ces demandes. Au bout de deux mois, le téléphone portable est tombé en panne, et nous avons, mon père et moi, pu respirer. Les coups de fils se faisaient sur fixe, 13:20, 19:20, passés par le personnel (DMLA). Ceci pour expliquer la promptitude à satisfaire les demandes de ma mère, parfois pour rassurer mon père.
Ce jour là, de sa demande pour les cendres, il m'explose à la figure au moment d'aller me coucher, et que je pense à moi, que mon père, marin, veut ses cendres à la mer et que je le veux aussi.
J'en parle à l'équipe le lendemain, laquelle me dit : on va avancer ensemble, vous soutenir toutes les deux, vous aussi vous êtes en deuil et vous voulez respecter les volontés de votre père. Cette colline n'est rien pour lui, ni pour vous.
Ma mère commence à comprendre que je suis en deuil, et que mon deuil ça compte aussi, et que je ne vais pas accéder à sa demande. Elle pleure, quand je vais la visiter au sortir de sa sieste, je me couche contre elle, je la serre, la console. Elle me parle de ce qu'elle ressent, de ses représentations. Elle dit "Papa va être noyé et tu veux ça?". Je lui dis qu'il est marin et qu'un marin (j'ai fait des régates) sait qu'il peut périr noyé et qu'il appartient à la mer. En fait ce qui ne lui va pas, c'est qu'elle voulait ses cendres mêlées à lui sur terre. Je lui rappelle qu'en sus ce sont ces  cendres, donc qu'il a été à la crémation, selon ses vœux. Elle me reproche de préférer mon père à elle, de tellement lui ressembler et c'est vrai que je lui ressemble. Je lui explique que c'est pas pareil pour moi, je n'ai pas complètement perdu papa, il est en moi, il m'a transmis des traits de sa personnalité, ses valeurs et je les ai intériorisées, tout comme j'ai intériorisé certaines parts d'elle même. Je lui dis que je me dis que c'est dur pour elle, qu'elle a pas intériorisé son époux, juste partagé.
L'équipe me dit : prenons le temps, semble assez éberluée des demandes de ma mère, de son manque de protection envers moi. Moi aussi, depuis ma plus tendre enfance, j'ai protégé ma mère, très anxieuse. Et oui des fois je me dis, c'est quoi le caprice là? Malheureusement, je suis devenue psychologue, sur douée dès l'enfance, et un enfant ne fait pas de caprice, ni une personne âgée : elle exprime, elle demande. Et notre seul recours, c'est poser des limites, comme face avec tout autre. Ne pas cavaler comme un bon petit cheval de cirque sous ordre et à la demande de.
Alors, ce que tu décris, j'y réfléchis. Je suis seule à présent à accompagner ma mère, je l'accompagne du mieux que je peux. Parfois, j'ai des hennissements, quand elle quête mon amour (ne voit-elle pas qu'elle l'a?) de façon surjouée. Quand elle exige des futilités, sur le champ (oui mais elle a ses rituels, ça la sécurise), quand après 4 jours du  décès de mon père, elle réclame en urgence la crème pour les mains anti-tâches de vieillesse (ben voilà, ça la sécurise aussi).
Je suis une femme, qui vient de perdre son père, qui protégeait la fillette. Et je serais quoi quand ma mère va mourir? Une femme aussi sans doute. La fillette, depuis longtemps, je me suis faite mère pour elle. Mais peut-être que ça fera comme pour toi, cette fillette sera apaisée. Mais, en fait, j'ai perdue ma mère à 10 ans, c'était ma grand-mère, et cette fillette là est apaisée.
T'as raison, c'est compliqué!