Auteur Sujet: J'ai perdu mes deux parents en deux mois  (Lu 2582 fois)

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Hors ligne Tapta

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J'ai perdu mes deux parents en deux mois
« le: 02 janvier 2025 à 02:36:02 »
Bonjour à tous,

Mon papa qui était atteint d'un cancer, âgé de 81 ans, est parti le 22 septembre dernier.
Ma maman, que tout le monde imaginait centenaire, est partie brutalement à son tour en l'espace de 36 heures.
C'était le 26 novembre dernier.
C'est terrible, je me sens abandonnée, avec ma soeur... C'est irréel... Pas les deux, si vite ...
Les fêtes ont été très difficiles.

Je suis adulte, j'ai des enfants, un mari ...
Une soeur avec qui je m'entends très bien, et un métier que j'aime.
Les conditions de la reconstruction sont bonnes.
Mais je suis comme sonnée, je bascule entre crises de larmes, souvenirs doux et moments où je me sens bien, normale je dirais.

Cette ambivalence d'états qui se suivent sans que je puisse les anticiper ou les contrôler me posent des problèmes de sommeil, de stress...
J'arrive à travailler, il le faut, pour mon équilibre, et parce que je suis à mon compte.
Si je ne travaille pas, mon activité s'effondrera.

J'aimerais lire des témoignages, même si j'ai bien conscience que perdre deux parents si proche dans le temps, c'est heureusement rare.

J'aimerais savoir si le processus que je rencontre est "normal", si je dois m'inquiéter et si oui, de quel aspect exactement...

J'aimerais lire vos mots, vous qui êtes passés par là, et avez le recul suffisant pour en parler avec une distance apaisée, je l'espère.

Merci à vous.
« Modifié: 02 janvier 2025 à 02:47:03 par Tapta »

Hors ligne Fox

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Re : J'ai perdu mes deux parents en deux mois
« Réponse #1 le: 02 janvier 2025 à 12:32:26 »
Bonjour Tapta

Tous tes sentiments entremêlés ne semblent pas du tout étranges eu égard aux pertes toutes récentes de tes deux parents.

Comme tu le dis, tu as ta propre vie, ta famille, ton travail, qui constituent la charpente sur laquelle tu vas pouvoir t'appuyer pour continuer à cheminer.

Mais la perte de tes fondamentaux, ta matrice, ton enfance va prendre du temps à être digérée. C'est évident et normal.

Je connais de loin un homme dont le papa était en fin de vie hospitalisé. Proche de la mort, sa femme devait lui rendre visite mais celle-ci a été victime d'un accident domestique et est décédée. Les enfants ont du apprendre à leur père, sur son lit de mort, le décès de son épouse.

Il y a aussi beaucoup de témoignages de veuf ou de veuve qui partent très rapidement après la mort de leur conjoint. Tu dis que ta maman n'avait pas de signe de fragilité ? En même temps, passe 75 ans, pour beaucoup, le moindre petit caillou peut engendrer la mort. C'est très difficile à comprendre et à admettre. Mais c'est la réalité du grand âge.

Tout ça ne soulagera pas ta peine, mai tu devrais recevoir un message de qidan qui t'enverra peut être des liens de témoignages de personnes ayant vécu la perte des deux parents concomitante.

Moi je suis dans la peine depuis 8 mois. Contrairement à toi je n'ai pas de conjoint et d'enfant alors c'est très difficile de m'en remettre. J'oscille entre la culpabilité, la négociation et l'acceptation, en fonction des jours.

Bon courage

Hors ligne Tapta

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Re : J'ai perdu mes deux parents en deux mois
« Réponse #2 le: 12 janvier 2025 à 23:54:34 »
Bonjour Fox,

Je te remercie de m'avoir longuement répondu.
Ton message m'aide à entrevoir certaines réalités, moi qui suis encore trop dans le flou, enfin un peu plus que toi, je suppose, j'imagine ...sans être sûre.

Et je mesure, au delà du chagrin, combien cela doit être difficile de ne partager ta peine avec personne au quotidien...
J'espère que tu as un cercle amical et familial élargi suffisamment présent, un métier ou des activités qui te portent, un peu ... beaucoup.

Ce n'est pas non plus facile de devoir soutenir les autres quand on est soi même en difficulté.
Mes enfants ont perdu leurs deux grands-parents, et voient leur maman pour la première fois fragile, c'est déstabilisant, même s'ils sont grands.
Mais c'est la vie, et la vie c'est aussi la mort.

Tu as parfaitement raison quand tu parles de perte de socle.
Cette sensation d'avoir été abandonnée par mes deux parents, d'un seul coup.
Une façon d'etre actrice dans un événement sur lequel je n'ai aucune prise.
Une façon de garder mes parents vivant et ma place d'enfant, je vous en veux de m'avoir laissée toute seule avec ma soeur.

Et puis au delà encore, le spectre de ma place à moi qui a bougé.
La prochaine à partir, ce sera moi, si la vie veut bien respecter l'ordre des choses

Et ça aussi, c'est dur à encaisser.

Ressens tu toi aussi  cet abandon, et cette peur ?

J'essaie de me consoler, mes parents auront vécu chez eux et ensemble jusqu'au bout.
Pas de dépendance, d' EPAD, de perte de mobilité ou de raison ...

Et je sais que cela aurait été très douloureux pour eux, et très égoïstement, pour moi aussi de devoir gérer leur tristesse, leur désarroi,  leur condition.
Et je m'en veux en même temps d'être soulagée de ne pas avoir eu à faire des choix de ce genre, pour eux, avec eux ou malgré eux.

Depuis 8 mois, comment te sens tu au fil du temps ?

Tu dis que tu oscilles entre divers états au fil des jours, mais si tu fais une lecture globale depuis 8 mois, quelles sont les lignes qui ont bougé pour toi ?







Hors ligne Fox

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Re : J'ai perdu mes deux parents en deux mois
« Réponse #3 le: 13 janvier 2025 à 09:30:18 »
Bonjour Tapta,

J'ai lu cet article qui rejoint un peu ta situation mais cette fois ci de façon quasi concomitante.
La mort est donc parfois capable de réunir ceux qui étaient amenés à être séparés. Est-ce un bien ou un mal ? Ça doit dépendre de chaque situation
https://www.midilibre.fr/2025/01/11/philippe-martz-et-son-epouse-michelle-sont-decedes-12438575.php

Pour répondre à tes questions, intéressantes, je commence par dire que chaque situation est incroyablement différente.
Contrairement à toi, je ne me sens pas du tout orphelin, et je ne me sens pas abandonné. Je n'en veux pas du tout à maman.
Ça doit s'expliquer par des circonstances de nos vécus bien différentes.
Tout d'abord, je me suis occupé de maman affaiblie ces 4 dernières années. Les rôles ont donc été inversés et je me suis habitué à ne plus être materné sans doute. Cette position de parent de ces parents permet peut être d'accepter petit à petit une situation si douloureuse lorsque la séparation est brutale ?
Deuxièmement je ne redoute pas du tout d'être le prochain sur la liste si on peut s'exprimer ainsi. Au contraire, la perte de maman ne me fait plus craindre de quitter ce monde. Mais tout simplement parce que je n'y ai plus d'attaches affective contrairement à toi avec ta famille et tes enfants, ce qui est bien normal.
Troisièmement, maman attendait la mort. Son invalidité la rendait malheureuse. Elle n'aimait pas dépendre des autres, et encore moins d'inconnues comme les auxiliaires. Et elle était lasse de la vie, elle s'ennuyait profondément même si j'essayais d'égayer et d'animer tout cela. Parfois, il y a une toile de fond de tristesse qu'on ne peut déchirer. Elle est restée le plus longtemps qu'elle a pu, pour moi. Et ça je lui en suis très reconnaissant.
Comme toi, le fait que maman n'ait pas vécu en Ehpad est un soulagement. Mais en même temps, sa maladie et perte d'autonomie à été une période de soutien, de complicité et d'amour très forte entre nous et même si c'était difficile, je le referai sans hésiter et cette période de fragilité me manque énormément car j'aimais mon rôle à ses côtés.

Être seul, sans moteur pour me relancer dans la vie est compliqué. Mais je crois comprendre que d'avoir une famille et devoir soutenir tout le reste quand on est fragilisé doit être compliqué aussi. Mais tes diversions sont tellement nombreuses dans une vie de parents remplie que j'imagine que c'est le meilleur moyen de vivre son deuil. Être dans le courant de la vie à  condition de te ménager des temps de réflexion de tristesse et de deuil.

Pour un bilan des 9 mois c'est compliqué.
J'ai toujours de forts relans de la phase de negociation dans laquelle je refais toutes les hypothèses qui aurait permises d'éviter le décès. Ça m'arrive encore souvent. J'essaye de me dire que la mort est presque toujours EVITABLE. Combien d'accident de la route stupide, qui auraient pu être évité en partant 3 min plus tard de chez soi. Combien d'erreurs médicales évidentes, réalisées sans que personne ne s'en aperçoive. Combien de chutes débiles qui conduisent à la mort. De diagnostics retardés par paresse ou mauvais professionnel. Bref je me bats contre cette idée du "et si" et c'est très dur.

En parallèle j'ai encore beaucoup de relans de la phase colère. Contre moi parfois ! Contre mes frères et sœurs jamais présents. Contre les professionnels de santé. Et puis bêtement contre tous ceux qui vivent au delà de l'âge de maman. C'est débile je sais. Mais par exemple hier, dans une assemblée, on rendait hommage et on consolait un père de famille d'une cinquantaine d'année qui avait perdu sa GRAND-MERE. Et bien mes bas instincts m'ont empêché de compatir. Perdre sa grand mère à 50 ans... Ça va. Je n'ai pas connu la mienne partie avant ma naissance... Et du coup c'est cette question de l'injustice de la mort en fonction de l'âge qui revient souvent chez moi. C'est bête mais c'est comme ça.

Donc je peux dire que ces 2 aspects du deuil prennent déjà beaucoup de place dans mes réflexions quotidiennes et reviennent régulièrement.
A cela s'ajoute le manque de maman. Sa personnalité, ses attentions, son amour. Ça tout le monde en deuil l'expérimente
Et la 3e dimension c'est ma vie d'avant puisque je passais plus de la moitié de mon temps avec elle. Donc il y a le manque de tout cet environnement et ces activités que je ne fais plus désormais, ainsi que tous les gens (voisins, soignants) que je ne vois plus. Ça doit être différent pour toi qui a ta propre vie. Mais ce n'est pas mon cas ni avant, ni maintenant.

Je te souhaite une bonne journée, en espérant que ton trouble s'estompe au fil du temps.
Pat