Bonjour Tapta,
J'ai lu cet article qui rejoint un peu ta situation mais cette fois ci de façon quasi concomitante.
La mort est donc parfois capable de réunir ceux qui étaient amenés à être séparés. Est-ce un bien ou un mal ? Ça doit dépendre de chaque situation
https://www.midilibre.fr/2025/01/11/philippe-martz-et-son-epouse-michelle-sont-decedes-12438575.phpPour répondre à tes questions, intéressantes, je commence par dire que chaque situation est incroyablement différente.
Contrairement à toi, je ne me sens pas du tout orphelin, et je ne me sens pas abandonné. Je n'en veux pas du tout à maman.
Ça doit s'expliquer par des circonstances de nos vécus bien différentes.
Tout d'abord, je me suis occupé de maman affaiblie ces 4 dernières années. Les rôles ont donc été inversés et je me suis habitué à ne plus être materné sans doute. Cette position de parent de ces parents permet peut être d'accepter petit à petit une situation si douloureuse lorsque la séparation est brutale ?
Deuxièmement je ne redoute pas du tout d'être le prochain sur la liste si on peut s'exprimer ainsi. Au contraire, la perte de maman ne me fait plus craindre de quitter ce monde. Mais tout simplement parce que je n'y ai plus d'attaches affective contrairement à toi avec ta famille et tes enfants, ce qui est bien normal.
Troisièmement, maman attendait la mort. Son invalidité la rendait malheureuse. Elle n'aimait pas dépendre des autres, et encore moins d'inconnues comme les auxiliaires. Et elle était lasse de la vie, elle s'ennuyait profondément même si j'essayais d'égayer et d'animer tout cela. Parfois, il y a une toile de fond de tristesse qu'on ne peut déchirer. Elle est restée le plus longtemps qu'elle a pu, pour moi. Et ça je lui en suis très reconnaissant.
Comme toi, le fait que maman n'ait pas vécu en Ehpad est un soulagement. Mais en même temps, sa maladie et perte d'autonomie à été une période de soutien, de complicité et d'amour très forte entre nous et même si c'était difficile, je le referai sans hésiter et cette période de fragilité me manque énormément car j'aimais mon rôle à ses côtés.
Être seul, sans moteur pour me relancer dans la vie est compliqué. Mais je crois comprendre que d'avoir une famille et devoir soutenir tout le reste quand on est fragilisé doit être compliqué aussi. Mais tes diversions sont tellement nombreuses dans une vie de parents remplie que j'imagine que c'est le meilleur moyen de vivre son deuil. Être dans le courant de la vie à condition de te ménager des temps de réflexion de tristesse et de deuil.
Pour un bilan des 9 mois c'est compliqué.
J'ai toujours de forts relans de la phase de negociation dans laquelle je refais toutes les hypothèses qui aurait permises d'éviter le décès. Ça m'arrive encore souvent. J'essaye de me dire que la mort est presque toujours EVITABLE. Combien d'accident de la route stupide, qui auraient pu être évité en partant 3 min plus tard de chez soi. Combien d'erreurs médicales évidentes, réalisées sans que personne ne s'en aperçoive. Combien de chutes débiles qui conduisent à la mort. De diagnostics retardés par paresse ou mauvais professionnel. Bref je me bats contre cette idée du "et si" et c'est très dur.
En parallèle j'ai encore beaucoup de relans de la phase colère. Contre moi parfois ! Contre mes frères et sœurs jamais présents. Contre les professionnels de santé. Et puis bêtement contre tous ceux qui vivent au delà de l'âge de maman. C'est débile je sais. Mais par exemple hier, dans une assemblée, on rendait hommage et on consolait un père de famille d'une cinquantaine d'année qui avait perdu sa GRAND-MERE. Et bien mes bas instincts m'ont empêché de compatir. Perdre sa grand mère à 50 ans... Ça va. Je n'ai pas connu la mienne partie avant ma naissance... Et du coup c'est cette question de l'injustice de la mort en fonction de l'âge qui revient souvent chez moi. C'est bête mais c'est comme ça.
Donc je peux dire que ces 2 aspects du deuil prennent déjà beaucoup de place dans mes réflexions quotidiennes et reviennent régulièrement.
A cela s'ajoute le manque de maman. Sa personnalité, ses attentions, son amour. Ça tout le monde en deuil l'expérimente
Et la 3e dimension c'est ma vie d'avant puisque je passais plus de la moitié de mon temps avec elle. Donc il y a le manque de tout cet environnement et ces activités que je ne fais plus désormais, ainsi que tous les gens (voisins, soignants) que je ne vois plus. Ça doit être différent pour toi qui a ta propre vie. Mais ce n'est pas mon cas ni avant, ni maintenant.
Je te souhaite une bonne journée, en espérant que ton trouble s'estompe au fil du temps.
Pat