Bonjour Anicia
Je ne suis probablement pas la meilleure personne pour te donner des conseils sur le sujet, je viens seulement d'avoir 19 ans. Mais peu importe l'âge ou le moment, la douleur reste la même. Mon père est mort il y aura deux mois après-demain. Je crois qu'il est encore trop tôt pour parler de reconstruction, à ce stade. Les premières semaines, j'ai vécu dans un brouillard, je n'arrivais pas à croire que j'avais pu survivre à une journée passée à m'accrocher désespérément à son corps d'où la vie partait progressivement. L'enterrement, les condoléances, le retour à la réalité ensuite, les études, les gens qui s'en fichent bien et le déni parfois, la réalisation ensuite, le sentiment d'être seule... Parfois je me demande sincèrement "Et maintenant, papa? Je fais quoi?"
La mort de ta mère est quelque chose de très récent, à vif. Moi aussi je ne vis qu'avec le souvenir de mon père. C'est vrai qu'on se sent horriblement isolé, angoissé, et même si j'ai ma famille et des amis de confiance, parfois je me sens loin... En tout cas Anicia, s'agissant de ton amie, elle qui a perdu sa mère comprendra la douleur que c'est et elle sera sûrement prête à te voir autant de fois qu'il le faut. Ça peut être dur pour elle mais ça l'est cent fois plus pour toi, elle le sait. Dans ces moments-là, je crois qu'il faut accepter son égoïsme (si on peut parler d’égoïsme) et demander à ce que les autres soient là.
Je termine avec un petit poème du chanoine Henry Scott-Holland, que tu connais sûrement mais que je trouve très apaisant.
La mort n'est rien,
je suis seulement passé, dans la pièce à côté.
Je suis moi. Vous êtes vous.
Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l'avez toujours fait.
N'employez pas un ton différent,
ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Priez, souriez,
pensez à moi,
priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison
comme il l'a toujours été,
sans emphase d'aucune sorte,
sans une trace d'ombre.
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été.
Le fil n'est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vos pensées,
simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.